L’Arménie avant la Namibie

Éditorial écrit en anglais par Edmond Y. Azadian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 2 février 2017

L’Arménie et la Namibie sont deux mondes à part ; Le premier est dans le Caucase et le second dans le sud-ouest de l’Afrique. Les relations ou la dépendance, dans l’histoire, de l’un avec l’autre sont rares, mis à part que la Namibie est la destination favorite du second président d’Arménie, Robert Kotcharian, pour la chasse au safari et au lion. Des rumeurs veulent également qu’il ait des investissements dans les mines de diamants de Namibie.
L’autre lien passe par l’Allemagne, l’ancienne puissance coloniale dont les mains des dirigeants ont trempé dans le sang des Arméniens et des Namibiens.
L’an dernier, lorsque le Parlement allemand a adopté la résolution reconnaissant le génocide arménien, il y a eu également un moment d’honnêteté dans le projet de loi qui a reconnu la culpabilité allemande dans l’exécution du génocide arménien.
L’histoire allemande commence et finit par des génocides : l’extermination des Hereros (Namibie en1904), le génocide arménien et l’Holocauste juif.
En 1884, le gouvernement allemand d’Otto Von Bismarck proclame un protectorat dans le sud-ouest de l’Afrique. L’Allemagne, puissance coloniale, sculpte l’Afrique du Sud-Ouest allemand, qui finit par devenir le pays indépendant de Namibie.
La Namibie est peu peuplée à ce jour (un peu plus de 2,2 millions d’habitants) en raison de son terrain inhospitalier. Après l’occupation allemande, un conflit a surgi entre les colons et les peuples indigènes dans les années 1890. En 1903, la tribu Nama s’est révoltée, plus tard rejointe par les Hereros en 1904. L’Allemagne a mené une campagne militaire impitoyable qui a causé la mort d’environ 54 000 indigènes Herero (sur une population totale de 70 000). Les survivants ont été conduits dans le désert pour y périr.
Un livre de David Olusoga et Casper W. Erichsen intitulé « L’Holocauste du Kaiser : le génocide oublié de l’Allemagne et les racines coloniales du nazisme (2001) » retrace le penchant allemand pour le nettoyage ethnique à cette époque et affirme que les survivants de la révolte Herero ont été internés dans des camps de concentration, systématiquement affamés et obligés de travailler jusqu’à ce que mort s’en suive.
Tous ces éléments semblent être une répétition générale du génocide arménien, puis plus tard de l’Holocauste juif.
Un réviseur du livre, Fredrik Brown, a fait une découverte intéressante et un lien avec les atrocités allemandes ultérieures. Il a écrit : « Lorsque j’ai découvert que le père de Herman Goering avait été impliqué, il devenait simple de conclure que la décimation des peuples Herero et Nama aurait pu être précurseur des horreurs nazies à venir.
Mais tout n’est pas oublié. Bien que les descendants allemands continuent de vivre en Namibie et que certains vestiges sont intacts, une polémique est née dans la ville de Swakompund, habitée majoritairement par des Allemands, au sujet d’une statue érigée en mémoire de la guerre d’extermination du peuple Herero. Le monument, connu sous le nom de Laboe Marine Denkmal ou le Mémorial naval de Laboe, a été achevé en 1936 afin de commémorer les soldats qui ont aidé à écraser la rébellion des tribus Herero et Nama. La population locale a demandé la suppression de ce mémorial offensant, semblable à la statue de Talaat Pacha à Istanbul.
Un récent article du New York Times sur le développement de cette question centenaire précise : « La poussée pour le démantèlement a surgi alors que les gouvernements d’Allemagne et de Namibie ont engagé des négociations pour clore l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire coloniale de l’Afrique, le génocide de dizaines de milliers de Herero et Nama entre 1904 et 1908. Après des décennies de déni, les responsables allemands disent être prêts à reconnaître officiellement ce génocide, à présenter des excuses, et à offrir des compensations.
Si le meurtre de 54 000 personnes de ces ethnies est reconnu comme un génocide, comment qualifier le meurtre de 1,5 million de personnes ? Reconnaissant cet épisode de l’histoire comme un génocide réfute tous les arguments voulant que le génocide arménien n’est pas un génocide car, à cette époque Rafael Lemkin n’avait pas inventé le terme ou que la Convention des Nations Unies sur le génocide de 1948 n’avait pas encore été promulguée, et qu’aucun procès de Nuremberg n’avait été tenu pour définir l’événement comme étant un génocide.
Les apologistes et les négationnistes tenteront de trouver des échappatoires pour réfuter le génocide arménien, mais en vain.
L’Holocauste a eu lieu avant la convention du génocide des Nations Unies et l’Allemagne n’a jamais envahi Israël (qui alors n’existait pas) mais une compensation a été remise au nouveau pays après la formation d’Israël et se poursuit à ce jour.
La reconnaissance du génocide Herero n’est pas encore un fait, mais l’admission allemande du génocide arménien l’est. Il appartient donc au gouvernement arménien d’engager et de négocier avec le gouvernement allemand un programme d’indemnisation.
Bien sûr, la vie humaine est précieuse et le nombre de corps est impalpable dans ce cas. Les Turcs sont venus des steppes d’Asie centrale jusqu’aux plaines d’Anatolie pour détruire des civilisations qui existaient depuis des millénaires, dont les Arméniens et les Grecs, et, ajoutant l’insulte à la blessure, ils poursuivent la profanation de ces terres.
L’Allemagne a agi en collusion avec le gouvernement ittihadiste durant le génocide arménien

En fait, il y a une méthodologie distincte pour l’extermination du peuple Herero, des Arméniens et des Juifs, et d’autres pendant la Seconde Guerre mondiale.

Durant la Première Guerre mondiale, le chemin de fer Berlin-Bagdad était une priorité stratégique pour les Allemands ainsi que les Ottomans, qui ont assassiné les Arméniens parce qu’ils auraient entravé l’effort de guerre et habité des terres où le chemin de fer a finalement été construit.

Le chef du Parti Vert au Parlement allemand, Cem Ozdemir, a révélé une perspective historique dans la rédaction de la résolution sur le génocide, qui incluait également la mention de la culpabilité allemande, et qui donne aux Arméniens une étape légale pour se tenir debout, ainsi qu’une dimension différente de toutes les résolutions antérieures.

Le gouvernement arménien doit prendre l’initiative de commencer le processus. Cette affaire ne peut être laissée entre les mains des seuls avocats qui ont arraché des indemnités aux compagnies d’assurance, dénigré l’affaire et insulté la mémoire des martyrs, puis se sont publiquement félicités. En fait, deux des avocats sont actuellement sous enquête.

Les Arméniens ont ou devraient avoir de l’empathie envers toutes les nations qui ont subi une extermination de masse. Les descendants du peuple Herero méritent certainement une compensation que le gouvernement allemand est prêt à leur offrir.

Le génocide arménien et la responsabilité allemande sont déjà admis. Par conséquent, cela place l’Arménie en première ligne pour toute compensation. L’Arménie passera ainsi avant la Namibie.

 

Traduction N.P.

Edmond Y. Azadian