La trompette de Trump résonne à travers tout le Moyen-Orient

Editorial écrit en anglais par Edmond Y. Azadian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 1er juin 2017

Le voyage exclusif du président Donald Trump l’a amené vers l’une des régions les plus troubles et compliquées du monde, le Moyen-Orient, où les ambitions et les intérêts politiques se croisent, même entre blocs censés être liés par un intérêt commun.
Le jeu final du voyage fait écho aux politiques de l’administration Bush-Cheney, mises en suspens par le président Obama. La politique de Bush voulait déstabiliser tous les pays qui pourraient constituer une menace pour les États-Unis ou Israël. Ainsi, l’Irak, la Libye et la Syrie ont été dévastés, mais l’administration n’a pas eu le temps de frapper sur sa dernière cible, l’Iran.

M. Trump semble reprendre cette même politique. Ce même but est persistant, peu importe qui est à la barre.
Le président a fait des arrêts en Arabie Saoudite et en Israël, où il a proposé de manière douce la politique américaine dans la région. Il a déclaré que les États-Unis n’allaient pas dicter leurs points de vue, et les pays de la région pouvaient adopter leurs propres politiques, nationales ou étrangères, ce qui donne le feu vert aux gouvernements pour poursuivre leurs règles répressives. Avant même que le président n’ait quitté la région, des mesures de répression ont été appliquées au Bahreïn, en Égypte et en Arabie Saoudite.
Le joyau de la visite du président Trump dans la région a été une conférence américano-islamique de 37 nations ayant pour objectif de définir une politique commune pour la région, caractérisée par le Washington Post « d’OTAN islamique, » où le rôle américain se limite à la coordination plutôt qu’à la direction.
Il est difficile de concevoir une coalition de type OTAN dans une région où les intérêts sont si divergents et les conflits si profonds, sans oublier qu’un tel groupement ne peut survivre que si ses pays membres sont des démocraties.
M. Trump a également signé un accord avec l’Arabie saoudite afin de fournir à ce royaume de l’armement sophistiqué d’une valeur de 110 milliards de dollars. Cette vente est une aide pour le complexe militaro-industriel des États-Unis, mais en aucun cas une contribution à la paix régionale. Les Saoudiens sont impliqués dans une guerre civile avec le Yémen voisin, commettant des crimes de guerre, sans aucune politique de sortie. Francis Ghiles, a écrit dans Outlook, le 27 mai dernier : « Militariser encore plus la région et prendre parti dans des conflits sectaires récemment créés aboutiront probablement à des larmes. … Est-ce qu’un observateur dans la région croit qu’en accumulant des machines de destruction de plus en plus sophistiquées, dont même certains saoudiens sont incapables de s’occuper, la paix pourra s’instaurer dans des états sanglants, souvent chaotiques ? »
Alors que le président était dans la région et essayait de créer une coalition anti-iranienne, deux États sunnites – l’Arabie Saoudite et le Qatar – se disputaient le leadership politique régional, et ont échangé une diatribe publique.
Par ailleurs, ces deux royaumes sont très ardemment engagés dans l’armement et la formation de terroristes et de mercenaires en Syrie, mais aussi dans d’autres pays.
L’Arabie saoudite exporte une marque extrême du fondamentalisme sunnite appelé wahhabisme, en construisant des mosquées en Europe, aux États-Unis et en Asie.

Si Washington dépend de ce type de stratégies, dont l’élimination de potentats non élus, pour implanter la paix dans la région, il ne fait que poursuivre une illusion.
L’Arabie saoudite et le Qatar ne sont que deux des candidats au rôle de direction régionale ; Il y a aussi l’Égypte et la Turquie, pays quasi démocratiques, où des élections ont lieu pour élire des législateurs.
La division sunnite-chiite est une création artificielle pour l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient.
Cette coalition anti-iranienne s’est renforcée après l’élection du président Ruhani à Téhéran, qui a battu les extrémistes dans la course présidentielle. Il est également ironique que l’Occident, après de longues négociations, ait pu conclure un accord nucléaire, ce qui signifie que traiter avec l’Iran n’est pas comme faire face au dirigisme asymétrique de la Corée du Nord.
Actuellement, les Saoudiens et les Iraniens mènent des guerres indirectes en Syrie et au Yémen, sans aucun objectif en vue. La possibilité d’un conflit direct entre les deux blocs est actuellement éloignée. Mais si cela se produisait, l’Iran seule porte de sortie fiable pour l’Arménie, serait en danger, et l’Azerbaïdjan se mettrait dans une position gênante car elle s’harmonise avec la coalition sunnite et Israël, tout en accueillant une population majoritairement chiite.
Par ailleurs, Israël est censé être un partenaire silencieux dans la coalition sunnite, bien que ses actions ne semblent pas être très silencieuses.
La visite du président en Israël n’a pas amélioré le conflit israélo-arabe. Même la solution à deux États, jusque-là mise de l’avant par les États-Unis, n’a pas pris d’importance.
En essayant de provoquer les royaumes sunnites, dont la seule ligne de vie est le soutien des États-Unis, contre leur ennemi Téhéran, ces royaumes ont presque abandonné la cause palestinienne, qui a obtenu leur soutien financier et politique dans le passé.
La fin du voyage présidentiel de M. Trump en Europe ne lui a pas permis de se comportait aussi habilement qu’au Moyen-Orient, déclenchant plutôt une tempête politique parmi les membres de l’OTAN.
« A, Merkel dit que l’Europe ne peut compter sur les autres et doit prendre les choses en main, c’est un bassin que les États-Unis ont cherché à éviter depuis la Seconde Guerre mondiale, » a commenté Richard Haas, président du Conseil des relations extérieures.
Un commentateur en Arabie Saoudite a caractérisé la visite de la manière suivante: « [il] redessinera la future feuille de route de la région et divisera son histoire d’après un avant et un après visite ».
Mais selon toutes les indications, la visite a été loin d’être un succès ; En contournant l’Irak, laissant la crise syrienne hors de l’ordre du jour, et réduisant tous les problèmes complexes de la région en une simple formule de confrontation entre le bloc sunnite et l’Iran, tout indique une perspective naïve des affaires mondiales.
En fonction de l’ancre fragile d’une monarchie médiévale et une augmentation des feux sur les problèmes du Moyen-Orient, il suffit de planter une bombe à retardement dans la région. Si cette bombe explose, M. Trump ne devra pas s’attendre à une aide de l’Europe, avec laquelle il a également ruiné les relations. Edmond Y. Azadian 

 

Traduction N.P.