Un incident récent en Géorgie voisine, impliquant l’enlèvement d’un journaliste azéri, a mis au jour l’ensemble du réseau de relations entre la Géorgie, l’Azerbaïdjan et la Turquie. Les deux derniers pays se trouvent dans une guerre virtuelle avec l’Arménie, ce qui la maintient dans un blocus. La Géorgie est nommément neutre et même amicale avec l’Arménie. Cependant, comme le prouvent les évènements récents, la Géorgie est en étroite collusion avec ses voisins musulmans qui menacent activement l’Arménie.
L’incident ci-dessus a eu lieu le 29 mai à Tbilissi. Un journaliste azerbaïdjanais, Afgan Mukhtarli, qui vivait avec sa famille en exil en Géorgie, a été enlevé puis a fait l’objet d’une arrestation en Azerbaïdjan, accusé d’accusations absurdes voulant qu’il ait franchi illégalement la frontière en possession d’une grande somme d’argent.
Il s’avère que Mukhtarli a été l’un des rares journalistes à sortir des prisons du président azerbaïdjanais Ilham Aliev, et à vivre en Géorgie. Son véritable crime est qu’il enquêtait sur les relations commerciales de la famille du président azerbaïdjanais Ilham Aliev en Géorgie. S’il n’y a rien d’illicite, pourquoi le gouvernement azerbaïdjanais a-t-il fait autant de silence sur un journaliste ?
En rassemblant les faits, on conclut que les services de sécurité de Géorgie ont forcé le journaliste à monter dans une voiture et, après deux changements ou plus, Mukhtarli a entendu ses ravisseurs parler azerbaïdjanais alors que les premiers parlaient géorgien et russe. Le passeport du journaliste était chez lui, ainsi que son épouse, Leyla Mustafayeva, également journaliste.
Sans collusion entre les services de sécurité des deux pays, il aurait été impossible de passer les frontières internationales sans passeport.
La Géorgie devenait un pays à la bonne réputation, essayant de se joindre à l’OTAN et adopter les règles de l’Union européenne. En effet, malgré toutes ses aventures et son imprudence, l’ancien président géorgien Mikhail Saakashvili a pu éradiquer les pots-de-vin et a progressé dans la lutte contre la corruption.
Il est à noter que l’Union européenne (UE) et les États-Unis ont aidé la Géorgie à développer son économie et à offrir un niveau de vie décent à ses citoyens, permettant au pays d’être une vitrine dans le Caucase avec un message clair que s’harmoniser avec l’Occident porte ses fruits. En revanche, les dirigeants russes n’ont pas encore compris la valeur de traiter leurs alliés stratégiques avec dignité.
Toutefois, ce récent enlèvement ternit la réputation de la Géorgie.
Dans un communiqué de l’Institut de politique de Géorgie, Mariam Grigalashvili et Joseph Larsen indique que « L’incident aura en quelque sorte un impact négatif sur les perceptions internationales de la démocratie et de protection des droits de la personne en Géorgie. Les autorités n’ont pas empêché Mukhtarli et ses ravisseurs de traverser la frontière, et encore moins de sauvegarder sa sécurité. Au pire, les membres du ministère de l’Intérieur ont participé activement à son enlèvement. Les autorités azerbaïdjanaises doivent comprendre que les obligations contractées par la Géorgie dans le cadre de son accord d’association avec l’Union européenne sont réelles et ne peuvent être bafouées. »
Les militants des droits humains ont dénoncé l’enlèvement de Mukhtarli comme exemple de la répression azerbaïdjanaise envers les journalistes indépendants.
Les dirigeants du gouvernement géorgien ont été surpris ou forcés de prendre des mesures pour faire face à la situation. En effet, le ministère de l’Intérieur a annoncé qu’il enquêtait sur le possible « emprisonnement illégal », tandis que le président, Giorgi Margvelashvili, a déclaré que la « disparition du territoire géorgien du journaliste constituait un sérieux défi pour l’État géorgien et sa souveraineté ».
Si ses fonctionnaires ignoraient ce qui est arrivé, le 29 mai, au cœur de leur capitale, ils ont abandonné la souveraineté du pays à l’Azerbaïdjan.
La Géorgie a conspiré avec l’Azerbaïdjan et la Turquie afin de construire le chemin de fer Bakou-Tbilissi-Kars et l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceylan reliant les trois pays en contournant l’Arménie, et maintenant il est engagé avec ces pays dans une association militaire. Les forces spéciales d’Azerbaïdjan, de Géorgie et de Turquie ont effectué des exercices militaires conjoints le 5 juin dernier, durant un programme intitulé « Aigle du Caucase 2017. » Les exercices, organisés par la Géorgie, dureront jusqu’au 14 juin.
Le gouvernement de Tbilissi est conscient que ces deux pays sont les ennemis de l’Arménie. Entrer dans une association militaire avec eux et prétendre entretenir des relations amicales avec l’Arménie en même temps sont deux actions contradictoires.
Cependant, le gouvernement d’Arménie, en dépit de l’inimitié apparente de la Géorgie, doit traiter ce pays avec des gants afin de ne pas compromettre l’un de ses débouchés précaires sur les marchés mondiaux.
La Géorgie fait face à un autre problème difficile, cette fois-ci avec la Turquie. C’est le cas d’un professeur turc en Géorgie, Emre Chabuk. Il est accusé d’être un partisan de Fetullah Gülen et la Turquie a demandé son extradition. L’enseignant est actuellement en détention. Il a été arrêté juste après que le Premier ministre turc Binali Yildirim se soit rendu à Tbilissi. Les militants des droits de la personne insistent sur le fait, que comme Mukhtarli, il sera torturé en Turquie. Sa libération par la Géorgie va à l’encontre de ses obligations internationales face aux droits de la personne, ce qui entraînera un autre scandale politique.
Cette triade, en plus de causer des dégâts à l’Arménie, placera la Géorgie face à un dilemme ; Le pays deviendra soit le vassal de deux régimes voisins brutaux, soit vivra dans le cadre de son accord avec l’Europe.
La Géorgie est la victime volontaire de l’Azerbaïdjan et de la Turquie. Le prix qu’elle paye pour survivre dans ce cercle maléfique est défini par les choix que ses dirigeants ont fait.
La Turquie, de son côté, donne des conseils aux novices de Bakou. Mais tout au long de cette formation, elle propose des astuces pour saper la souveraineté d’autres États. L’une de ces astuces est l’enlèvement de les adversaires. Le régime d’Erdogan a fabriqué un bouc émissaire parfait pour tous ses maux, rappelant l’époque stalinienne, lorsque le souverain soviétique créait des « ennemis du peuple » pour consolider son pouvoir. Gülen est devenu cet « ennemi » par excellence, qui subit le fardeau de tous les abus commis en Turquie par Erdogan et ses sbires.
Pour saisir l’impulsion « créative » des officiels turcs, il suffit de lire un rapport dans le McClatchy News, signé Greg Gordon et Peter Stone : « L’ex-directeur de la CIA James Woolsey a déclaré qu’il est arrivé en retard à la réunion et a trouvé l’ex-conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn et certains responsables du gouvernement turc réfléchissant sur un plan visant à enlever et à renvoyer en Turquie l’un des principaux dissidents du pays, le clerc musulman Fetullah Gülen, qu’Ankara accuse d’avoir fomenté une tentative de coup d’État ratée l’été dernier. Gülen vit dans un complexe fortement sécurisé de Saylorsburg, en Pennsylvanie.
Il semble qu’avec la demande officielle à Washington d’extrader Gülen vers la Turquie, le gouvernement d’Erdogan a également ouvert un plan illégal pour un enlèvement en sol américain. Si le plan avait réussi, la somme d’argent gagnée par Flynn aurait été sans importance face aux dommages catastrophiques causés au prestige des États-Unis.
La façon de penser des gouvernements azerbaïdjanais et turc fonctionnent de la même manière et la victime habituelle de cette collaboration est l’Arménie. Cette fois-ci, cependant, ces dommages déchirent la Géorgie.
Le gouvernement géorgien doit, actuellement, contrôler les dégâts occasionnés alors que les dirigeants d’Arménie doivent évaluer la survie du pays dans une région en proie à des conspirations et à des hostilités inhérentes. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.