Éditorial écrit en anglais par Edmond Y. Azadian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 27 juillet 2017.
L’Arménie est prise au piège d’un triangle maléfique, politique et stratégiquement, tel le Triangle des Bermudes et leas dangers autour de l’elle sont bien réels.
Il existe un réseau d’intérêts économiques et stratégiques autour de l’Arménie, contrôlés par la Russie, la Turquie et l’Azerbaïdjan.
Il est compréhensible que ces pays aient leurs propres intérêts nationaux auxquels ils doivent d’abord répondre. Dans le cas de la Turquie et de l’Azerbaïdjan, leurs intérêts nationaux vont à l’encontre de ceux de l’Arménie. Ces ennemis ne peuvent offrir qu’hostilité et menaces, mais l’intérêt de notre allié stratégique (la Russie) demeure dans un brouillard nébuleux.
L’Arménie a signé un pacte de défense à long terme avec la Russie mais contre qui ? Le pacte est censé servir les intérêts sécuritaires de l’Arménie, qui demeurent pour le moins précaire.
Si l’Arménie doit être défendu contre ses ennemis, la Turquie et l’Azerbaïdjan, rien ne nous divulgue le comportement valeureux de la Russie. L’Azerbaïdjan est armé principalement par la Russie. Beaucoup de fonctionnaires en Arménie sont au courant de la question, et la qualifie d’acte économique, mais le public n’est pas réconforté par ces excuses.
Du côté russe, différentes interprétations sont offertes : – les armes vendues à l’Azerbaïdjan sont une simple transaction commerciale. – si la Russie ne fournit pas les armes, Bakou se tournera ailleurs. Récemment, une autre excuse ou interprétation a émergé, – en fournissant des armes aux deux pays, la Russie maintient son pouvoir et préserve l’équilibre des nations.
Le dramaturge russe Anton Tchekhov a déclaré il y a longtemps, que le fait d’utiliser un pistolet dans une pièce signifiait que le pistolet devait faire feu sur quelque chose avant la fin de la pièce.
Au-delà de toutes les interprétations, la roulette russe est en fait en train de se jouer dans le Caucase.
Jusqu’à présent, les fonctionnaires arméniens observaient un silence censé et politiquement correct, mais ils ont finalement décidé de rompre le silence.
Le vice-président du Parti républicain au pouvoir, Armen Achodian, a récemment déclaré : « En réalité, lors de nos contacts officiels et non officiels, la question la plus inquiétante du programme de relations russo-arménien est le commerce des armes russes avec l’Azerbaïdjan. Leur présentation n’est pas convaincante, que ce soit en affaires, contrôle de l’équilibre militaro-politique ou tout autre chose. Dans nos séances à huis clos, nous avons découvert que nos préoccupations sont également partagées par nos homologues russes. »
Eh bien, s’ils partagent les préoccupations arméniennes, ils doivent faire quelque chose à ce sujet. En fait, l’Azerbaïdjan peut – et a – acheter des armes d’Israël, du Pakistan et très récemment, même du Canada.
En fait, le potentiel de Bakou à utiliser ses pétrodollars sur n’importe quel marché d’armes rend creuses toutes les excuses et interprétations précédentes.
En ajoutant l’insulte aux blessures, la Turquie a également sauté dans le marché de l’armement russe. Les discussions récentes entre Ankara et Moscou concernant des achats d’armes sophistiquées en provenance de Russie ont soulevé bien des sourcils au siège de l’OTAN, car en premier lieu, les armements russes sont incompatibles avec ceux de l’OTAN. Mais Ankara est plus intéressée à envoyer un message à l’Occident qu’à acquérir des armes russes pour sa défense. En fait, le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan s’est éloigné de l’Occident en intensifiant les querelles avec l’Allemagne et prenant le parti du Qatar dans l’impasse du Golfe, où l’administration Trump poursuit un ordre du jour différend. En outre, le soutien de Washington aux Kurdes de Syrie est également un point sensible des relations turco-américaines.
Revenant au triangle du Caucase, l’énergie reste l’une des armes politiques les plus puissantes de la détermination de la politique.
L’Occident a essayé de contourner la Russie pour répondre aux besoins énergétiques de l’Europe. La Turquie jouit d’une position géostratégique idéale pour contribuer à cette politique. Mais récemment, Ankara a relancé les discussions sur le pipeline TurkStream, qui, une fois terminé, pourrait fournir du gaz russe aux Balkans. Les États-Unis finiront par surmonter les tactiques de la Turquie en vendant leurs propres réserves de gaz à l’Europe, après avoir atteint l’autosuffisance énergétique.
Après avoir mis en œuvre avec succès la technologie d’extraction du gaz par fragmentation, les États-Unis sont devenus un exportateur d’énergie, et la baisse des prix du pétrole a une composante politique.
L’économie russe et, par conséquent, son influence politique et militaire est soutenue par la hausse des prix du pétrole. Avec la baisse actuelle des prix du pétrole, l’économie russe et le pouvoir politique souffrent.
Bien que les prix du pétrole aient également amoindri les ambitions, ils n’ont pas affecté les hostilités. Le ministre de la Défense d’Azerbaïdjan, Zakir Hasanov, s’est vanté récemment, que les troupes azerbaïdjanaises avaient renversé les défenses arméniennes mais avaient été stoppées par la Russie.
« Ils savent que si personne n’intervient, ils ne dureront pas trois jours. C’est ce qui s’est passé en avril 2016. S’ils ne nous en avaient pas empêchés, la résistance aurait été domptée. En 40 minutes, nous avons traversé les lignes de défense que l’ennemi construisait depuis de nombreuses années. »
La déclaration pourrait bien servir à stimuler le moral de l’armée, mais il peut y avoir une certaine vérité dans l’intervention de la Russie, selon le ministre de la Défense Sergey Shoigu, qui a ordonné à Hasanov de mettre fin à l’offensive. Mais le rôle de la Russie n’est pas nouveau. En 1994, les forces arméniennes progressaient sur le territoire azerbaïdjanais lorsque Bakou a supplié Moscou d’intervenir, et c’est ainsi que le cessez-le-feu a été établi.
L’Azerbaïdjan peut ne pas recourir à une guerre totale parce que les risques sont trop élevés et l’intervention russe reste une véritable dissuasion, mais il est commode pour Bakou de poursuivre une guerre d’attrition que l’Arménie ne peut se permettre.
L’économie affaiblie de l’Arménie et le dépeuplement continu mèneront Bakou à un jeu d’attente.
Il y a une autre réunion à venir entre les deux présidents, initiée par Moscou. Le président Serge Sargissian n’a pas beaucoup d’espoir, mais il a décidé d’y assister.
À quoi mènera cette réunion pour l’Arménie ? Cela reste à voir.
Traduction N.P.