L’Iran, pilier de la stabilité de l’Arménie

Éditorial écrit en anglais par Edmond Y. Azadian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 26 octobre 2017

Une exposition s’est ouverte le 17 octobre au Musée national d’Iran, à Téhéran, exposition qui célèbre les relations historiques et culturelles depuis des temps immémoriaux entre l’Arménie et l’Iran. L’exposition s’intitule « Iran et Arménie : la mémoire d’un royaume ». L’exposition se déroulera jusqu’au 17 janvier 2018 et présente 100 anciens artefacts d’Arménie et 200 d’Iran.
Dans l’histoire des relations étroites entre les deux nations, les fouilles archéologiques remontent à 5 000 ans. L’exposition actuelle se concentre principalement sur les âges de bronze et de fer, alors que la civilisation d’Urartu se développait autour du lac Van.
Armen Amirian, ministre de la culture d’Arménie, s’est joint à Ali Asghar Mounesan, directeur du patrimoine culturel d’Iran pour couper le ruban à l’ouverture de l’exposition. À cette occasion, M. Mounesan a présenté la politique de l’Iran envers ses voisins : « Un message de paix et d’amitié que le gouvernement iranien poursuit comme sa diplomatie culturelle. »
Les relations entre les deux nations ont presque toujours été amicales au cours des siècles, sauf peut-être pendant la guerre de Vartanants, en 451, lorsque les Arméniens se sont battus pour préserver leur foi chrétienne nouvellement acquise. Durant le règne du Shah d’Iran, la communauté arménienne jouissait d’une position privilégiée et prospère. Contrairement à ceux qui ont vilipendé l’Iran, les Arméniens sont restés une minorité respectée et le gouvernement iranien a pris soin des monuments, des églises et des institutions arméniennes, contrairement à la Turquie voisine.
L’ère la plus significative des relations entre l’Arménie et l’Iran a, peut-être été sous le règne du Shah Abbas (1571-1629), le dirigeant le plus fort de la dynastie safavide en Perse.
L’Iran a combattu plusieurs fois contre l’Empire ottoman, et l’Arménie a changé de mains durant le flux et le reflux de ces conflits. En l’an 1604, le Shah Abbas a forcé le déménagement de 250 000 à 300 000 Arméniens de leur terre natale vers Nouvelle Julfa (Nor Jugha), aujourd’hui le quartier arménien d’Ispahan ; Nous ne pouvons dire si cette réinstallation était liée à l’admiration du Shah pour les compétences créatives des Arméniens ou à cause de sa politique de la terre brûlée envers les forces ottomanes plus puissantes de l’époque, d’autant qu’il y a eu un nombre important de victimes arméniennes en traversant la rivière Araxe.
Ses mesures impitoyables définissent les actions d’un dirigeant qui a emprisonné son propre père et tué son propre fils.
Une fois installés sur les terres persanes, les Arméniens se sont vu offrir des privilèges spéciaux en conservant leurs maires et juges, et en développant le commerce dans le pays qu’ils ont été en mesure d’étendre jusqu’en Extrême-Orient et en Europe.
Ces dernières années, la dépendance de l’Arménie vis-à-vis de l’Iran s’est accrue par nécessité, étant donné les blocus mis en place par la Turquie et l’Azerbaïdjan avec l’aide géorgienne. Il s’agit d’une relation risquée pour l’Iran, soumis à des sanctions internationales et, par conséquent, une croissance commerciale plus lente. Une fois ces sanctions allégées, les exportations de l’Arménie vers l’Iran ont bondi de 54,8 millions de dollars entre janvier et août 2017, soit une augmentation nette de 11%.

Le Premier ministre arménien, Karen Karapetian, s’est récemment rendu à Téhéran pour signer un certain nombre d’accords dans les domaines de l’électricité, du gaz, de l’agriculture, des industries de transformation, des transports, des sciences et de la culture. Le gaz iranien, en particulier, permettra à l’Arménie d’avoir une alternative, et d’être sevrée de l’unique source de gaz russe qui traverse son hostile voisine de Géorgie.

Lors d’une conférence de presse conjointe avec Karapetian, le premier vice-président iranien Eshagh Jahangiri a souligné la nécessité de lever les obstacles au renforcement des relations économiques et de « tirer parti des liens de l’Arménie avec l’Union européenne ».
Les Arméniens s’étaient plaints que le pays n’avait pas beaucoup bénéficié de son adhésion à l’Union économique eurasienne centrée sur la Russie. Maintenant, dans le contexte des développements régionaux, la valeur de cette adhésion sera renforcée par la signature d’un accord avec l’UEE et l’Iran. Cette relation peut contrecarrer les tentatives de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie d’isoler l’Arménie à la fois économique et politiquement.
L’Iran entretient des relations équilibrées avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan, toujours en faveur d’une solution pacifique au conflit du Nagorny-Karabagh, qui pourrait déborder sur l’Iran en cas de guerre à grande échelle. L’autre raison n’est pas uniquement le souci de paix dans la région, mais la crainte que la république azérie en mode de guerre fasse aussi un jeu pour récupérer la province azerbaïdjanaise d’Iran. La population iranienne de 80 millions d’habitants n’est pas homogène. Il y a 9 millions d’Azéris iraniens qui vivent dans le nord de l’Iran, dans la province d’Azerbaïdjan, déjà revendiquée par l’ancien président azéri Abulfaz Elchibey.
Dans les plans néoconservateur de l’Iran, l’Azerbaïdjan iranien est considéré comme situé sur une ligne de faille ethnique, ce qui peut être une ligne de démarcation pratique pour les ennemis potentiels. Les dirigeants iraniens se méfient également des plans et des activités israéliens dans l’Azerbaïdjan voisin.
Pour l’instant, il semble qu’une paix relative ait été rétablie dans la région avec l’accord nucléaire iranien. Mais l’imprévisible président Trump a commencé à menacer de se retirer unilatéralement de l’accord en dépit du fait que la Russie et l’Europe en sont aussi signataires. Le président Trump considère que l’accord est une mauvaise affaire, bien qu’il n’y ait aucune preuve que l’Iran ne tienne sa promesse.
L’Accord de Paris sur le climat a également été sabordé de la même manière par Trump, bien que ses collègues signataires internationaux demeurent en place. Le président des États-Unis s’en moque et pourrait également désavouer l’accord avec l’Iran.
Mais cette fois-ci, son administration semble divisée ; Le secrétaire d’État Rex Tillerson et le secrétaire à la Défense James Mattis ne semblent pas être d’accord avec le président. En outre, Frederica Mogherini, la commissaire aux Affaires étrangères de l’Union européenne, a contourné la Maison Blanche, appelant le Congrès américain à maintenir l’accord.
Si toute l’administration américaine agit de concert et réprouve l’accord nucléaire iranien, non seulement cela engendrerait de l’instabilité dans la région, mais cela aurait des conséquences et des ramifications beaucoup plus grandes ailleurs dans le monde.
Lorsque les sanctions étaient en vigueur, le Département d’État se montrait tolérant envers les relations de l’Arménie avec l’Iran après la Révolution islamique, réalisant que le pays offrait à l’Arménie son unique débouché sur les marchés internationaux.
En cas de reprise des hostilités, l’Arménie pourrait toujours être en sécurité, mais ses activités commerciales demeureraient limitées et son économie continuerait d’en souffrir.
L’Iran sert de fondation à la stabilité de l’Arménie. Toute pression sur l’Iran aura des répercussions sur l’Arménie en limitant son accès aux marchés internationaux et entravera ses perspectives de développement économique. Edmond Y. Azadian

Traduction N.P.