Cent ans après la bataille historique de Sardarapat, une visite permet d’observer visuellement le paysage, de ressusciter la mémoire de ceux qui ont sacrifié leur vie à cet endroit et la mémoire de ceux qui ont assisté à la victoire qui a scellé le destin de l’Arménie pour la postérité.
Les Arméniens n’ont peut-être pas fait preuve d’unité dans leur autonomie. Cependant, cette unité était amplement visible durant leurs batailles. Certaines de ces batailles ont eu lieu à Sardarapat, Bash Abaran et Ghara Kilisa (Vanadzor) en mai 1918, avec une victoire décisive, le 28 mai. Cette date signifie l’issue victorieuse d’une guerre et la fondation de la première République indépendante d’Arménie.
À la suite d’un siècle de débats, de discussions et de controverses entre Arméniens, la poussière s’est installée et les faits historiques sont là pour rester.
La bataille de Sardarapat a bénéficié d’une vague de soutien de la part de tous les Arméniens, y compris des réfugiés de Sassoun et de Van qui se sont joint à l’armée et aux forces populaires pour une place dans l’histoire.
Les Turcs trouvaient insuffisant d’exterminer notre peuple et de les usurper de l’Arménie historique, leur terre natale. Ils ont visé le dernier havre des Arméniens dans le Caucase pour achever le travail et relier la Turquie aux terres de leurs frères d’Asie centrale, en route vers leur rêve de panturquisme. Mais leur marche s’est interrompue sur les pentes de l’Ararat, où l’Arménie renaissait sur une parcelle de sa patrie historique.
La victoire de Sardarapat appartient à tous les Arméniens ainsi qu’à la république naissante, née du sang et de la sueur de ses héros.
Les forces de combat de Sardarapat comprenaient de nombreux éléments : des commandants militaires professionnels, très éclairés par l’effondrement de l’armée tsariste, comme le général Movses Silikian, Tovmas Nazarbekian, Daniel Bek-Piroumian (commandant général) et le général Boghos Bek-Piroumian. Des héros comme Dro (Drastamat Kanayan), issus des fedayees, des volontaires civils et des membres du clergé, étaient également essentiels. La participation du futur Catholicos de Cilicie, Mgr Garegin Hovsepian, surnommé à l’époque Yeghishé, d’après la figure historique de la bataille d’Avarayr, en 451 après J.-C., a inspiré les soldats par sa ferveur patriotique.
Dro et Aram Manoukian ont longtemps été dépeints comme les seuls vrais héros de la bataille, occultant parfois les militaires professionnels, véritables artisans de la victoire, car ces chefs militaires n’avaient pas d’héritiers politiques. Aujourd’hui, ils sont tous sur un piédestal pour toute la nation arménienne. Ce sont eux qui se sont battus collectivement sans distinction, ont sauvé une parcelle de terre historique de la calamité et ont créé une patrie ancestrale pour la postérité.
Pendant longtemps, il y a également eu une injustice historique à comparer et opposer la première république indépendante à la république soviétique. En revisitant les faits historiques sans préjugés, nous réalisons que les trois républiques se complètent dans une même unité.
Bien que les dirigeants de l’ère soviétique soient dénigrés comme des communistes corrompus, beaucoup d’entre eux portaient un véritable patriotisme et le nationalisme dans leur cœur, ils ont ainsi généré la fierté de la bataille de Sardarapat et inspiré le respect de nos martyrs.
Aghasi Khanjian, Grigor Haroutounian (qui parlait à peine arménien et qui revendiquait les territoires arméniens occidentaux), Yakob (Hakob) Zarobian, Andon Kochinian et Garen Demirjian, prétendant être de pieux communistes, parfois plus catholiques que le pape, ont été les bâtisseurs des édifices de Tsitsernakaberd et de Sardarapat, contrevenant à la politique soviétique étrangère qui traitait la Turquie avec des gants de velours, dans l’espoir de détourner ce pays de l’emprise de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
Ces dirigeants ont pris de telles initiatives à leurs risques et périls : Khanjian a été assassiné par Lavrenti Beria et Zarobian a été rétrogradé. Pourtant, ils se tiennent tous debout devant l’histoire et leur propre peuple.
Cette année, l’Arménie a également célébré le 50e anniversaire de la construction du monument de Sardarapat, qui défie les jardins de Versailles par son ambition. Sardarapat a plus que des symboles architecturaux. Il dénote de la survie d’un peuple assiégé dans le tumulte de l’histoire. Il a été conçu par l’éminent architecte et sculpteur Rafael Israelian. Le complexe du mémorial de Sardarapat est composé d’un mur incurvé représentant les détails de la guerre ainsi que de deux barbottes et d’une rangée de faucons gardant un œil vigilant sur Erévan.
À l’occasion du centenaire de la bataille de Sardarapat, une visite du site est un voyage dans l’histoire où les cris de guerre prennent vie, et l’agonie des soldats mourants est douloureusement ressentie.
Cette visite devient bien plus significative sur les talons de l’atterrissage en douceur de la révolution de velours. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.