Alors que l’alliance Yelk dirigée de Nikol Pachinian s’achemine vers une victoire électorale écrasante, le destin du ministère de la Diaspora est incertain, car Pachinian a fait de la réduction des effectifs du gouvernement l’une de ses priorités.
Le ministre de la Diaspora, Mkhitar Hayrapetian, âgé de 28 ans, a présenté certaines projections sur le sort de son propre ministère, affirmant que le gouvernement « décidera probablement d’intégrer le ministère de la Diaspora à un autre ministère ou d’en réduire le statut ».
Espérons que tout changement résultera d’une étude approfondie plutôt que d’une conjecture irréfléchie. Après l’indépendance, le ministère de la Diaspora a été créé par l’ancien Président Serge Sargissian, au hasard, sans fixer d’objectif ni de programme. La plupart du temps, il décernait des médailles, avec des visites voyantes dans des communautés bien établies plutôt que des communautés nouvellement formées ou en expansion en Ukraine, en Europe du Nord ou dans la péninsule ibérique.
Poursuivant ses propos, le jeune ministre a conclu ses remarques en ces termes : « Mon idée est que si le ministère a des fonctions symboliques, telles que la planification du travail ou la satisfaction de certaines attentes, il ne doit pas nécessairement s’agir d’un ministère. »
La déclaration ci-dessus contient une part de vérité et l’expérience soviétique en matière de relations avec la diaspora peut servir de guide fiable pour tracer l’évolution des relations entre l’Arménie et sa diaspora. L’Arménie soviétique avait créé une ONG dénommée Comité des relations culturelles avec la diaspora, qui opérait à l’étranger sous le radar diplomatique. Les dirigeants arméniens, vêtus du chapeau communiste, ont nourri la diaspora d’une culture, une éducation, des sciences et des divertissements de qualité. Le pays avait beaucoup à offrir grâce à son ère d’or de la culture arménienne à la fin de la période soviétique. Les dirigeants arméniens avaient un code de conduite tacite pour contribuer de manière significative à la vie de la diaspora. Bien entendu, dans la haute hiérarchie des autorités soviétiques, la survie de la diaspora n’était pas une priorité. La propagation de l’idéologie soviétique était l’objectif principal. Mais les dirigeants véritablement patriotes d’Arménie ont répondu aux besoins et aux priorités de la diaspora, en expliquant aux hauts responsables de Moscou l’efficacité de la guerre idéologique. Mais maintenant que la mascarade idéologique est terminée, l’Arménie et la diaspora peuvent s’engager dans un nouveau mode de coopération.
Avec la disparition du rideau de fer, la profusion de communications et de transports a rétréci le monde, rapprochant encore plus l’Arménie et sa diaspora, qui demeure cependant un monde à part.
La diaspora est une formidable ressource pour l’Arménie, mais est un trésor inexploité. Les administrations successives n’ont pas été en mesure d’exploiter cette ressource pour diverses raisons, l’une étant les représentations négatives persistantes et les suspicions de l’époque soviétique et l’autre, la mauvaise interprétation des réalités de la diaspora.
À l’époque soviétique, l’Arménie avait prospéré dans presque tous les domaines de la vie sans développer de système politique pour des raisons très évidentes. D’autre part, la diaspora s’est dotée de ses propres partis politiques, mais ne disposait ni du terrain ni de la société sur lesquels tester ses idéologies et donner un sens à son existence. La diaspora a rencontré, en Arménie, un accueil si hostile qu’elle ne se s’en est pas encore remise.
L’Arménie, elle-même, a lamentablement échoué dans le développement d’institutions démocratiques de type occidental, fonctionnant par le biais de partis politiques animés par une idéologie. Jusqu’à présent, les partis politiques se sont formés autour d’individus puissants et leurs portefeuilles, pour ensuite dépérir. C’est un système de gouvernance qui ne peut être défini autrement que comme une forme primitive de système politique.
L’auteur de cet article a eu l’occasion de rencontrer récemment le Premier ministre Nikol Pachinian, alors qu’il recevait à son bureau la délégation de l’ADL. Les discussions ont principalement porté sur les relations entre l’Arménie et la diaspora et sur l’exploration des moyens de les rendre efficaces afin d’aider la patrie. L’idée la plus importante préconisée par notre groupe a été la reconnaissance mutuelle et une analyse scientifique effectuée par le gouvernement arménien afin d’évaluer de manière objective la diaspora, de développer une base de données afin d’identifier les acteurs de la diaspora, de trouver des Arméniens dans les hautes sphères des gouvernements étrangers et des médias, d’identifier de vrais investisseurs, de rechercher des scientifiques, des artistes, des écrivains, des journalistes et des Arméniens de renom dans tous les domaines et mettre à jour régulièrement cette base de données. Ce type d’approche sérieuse vis-à-vis de la diaspora aidera le gouvernement à établir son propre programme et ses propres priorités et à se concentrer sur les personnes et les organismes susceptibles d’aider l’Arménie plutôt que d’adopter une approche passive qui était la norme jusqu’à présent.
Cette détermination doit venir de l’Arménie même, sur la base d’études sérieuses et objectives. Dans le passé, le ministre dépendait des revendications de personnes appartenant à la diaspora, considérées comme des patriotes Arméniens qui se groupaient aux portes du ministère et imploraient de recevoir des médailles, généreusement distribuées.
Après l’indépendance, marquée par un déluge d’émigration, une nouvelle diaspora s’est constituée avec un nouvel agenda et de nouvelles priorités. Une étude anthropologique a pour but de déterminer comment les anciennes et les nouvelles diasporas devraient s’intégrer, comment aborder chaque groupe, ce qu’il faut leur offrir et ce qu’il faut en espérer.
L’un des tests immédiats est le récent téléthon du Fonds Arménie, qui s’est déroulé au cours du congé de l’Action de Grâce à Los Angeles. Il a récolté un million de dollars de moins que l’année précédente. Les opposants n’ont pas été agressifs parce qu’il n’y avait ni peurs ni prédictions « révolutionnaires » justifiées. Fait remarquable, les Arméniens qui avaient agité le drapeau à Marseille ou à Glendale ne figuraient pas sur la liste des principaux donateurs.
Le Fonds Arménie est un outil important, voire essentiel, qui lie de manière organique l’Arménie et la diaspora, mais il a besoin d’une refonte complète car il y a beaucoup de bois mort qui ne contribue à rien, si ce n’est à l’embarras.
La simple présence de Bako Sahakian était un puissant message: nous avons toujours un Karabagh saignant qui a besoin du soutien mondial des Arméniens.
La diaspora traditionnelle est le résultat de décennies, voire de siècles, d’exil de la patrie ancestrale. Avec tous ses maux, cette aliénation a aidé les Arméniens de la diaspora à développer l’instinct de conservation, la préservation de son identité. Cependant, la diaspora traditionnelle est vouée à l’extinction, aucun parti ne revendiquant la propriété de sa langue, de sa littérature et de sa culture.
La nouvelle diaspora, qui est en train de se former, tout en conservant son cordon ombilical avec la patrie, se trouve dans une situation plus périlleuse, car elle n’a pas été testée par d’autres cultures comme la diaspora traditionnelle l’a été et n’a donc jamais ressenti le besoin de l’auto-préservation. Elle est plus vulnérable dans une nouvelle société et plus encline à l’assimilation.
L’examen et l’analyse de l’expérience du Comité des relations culturelles de l’ère soviétique et de la décennie du ministère de la Diaspora doivent aider les planificateurs gouvernementaux à adopter une approche réaliste et à constituer un département relevant du ministère des Affaires étrangères afin d’éviter les conflits et la confusion qui ont jusqu’à présent caractérisé et gêné la diaspora.
À mesure que Pachinian accédera au pouvoir, son travail sera pénalisé, avec une guerre frémissante à la frontière, des pressions sur les relations internationales associées à la promesse d’une Arménie plus juste et plus prospère, mais les relations avec la diaspora ne doivent pas être reléguées au second plan, car cela signifierait le gaspillage d’un immense trésor qui, utilisé à bon escient, pourrait propulser l’Arménie vers les objectifs que la révolution de velours espère atteindre. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.