Un an après la révolution de velours

Éditorial écrit en anglais par Edmond Y. Azadian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 16 mai 2019

Le premier anniversaire de la révolution de velours en Arménie a provoqué une avalanche de commentaires et d’évaluations dans les médias pour cet événement bénéfique. Bien qu’il soit trop tôt pour s’attendre à des changements importants dans la vie des citoyens ordinaires, les attentes et les espoirs sont élevés et l’ambiance continue d’être positive.
Les gens ont compris que la révolution devait suivre son cours et porter ses fruits. Il n’y a pas de parcours alternatif ni de place pour les hésitations.
Sous le précédent régime corrompu, les gens étaient si déprimés qu’ils répugnaient à performer et à mener le pays vers la prospérité. Aujourd’hui, la note du Premier ministre Nikol Pachinian est toujours élevée, les gens respirent mieux et sont donc plus enclins à faire de nouveaux sacrifices pour se rapprocher de la réalisation de leurs objectifs.
Il existe un climat de confiance intangible qui pourrait donner des résultats tangibles. À l’exception de la première année d’indépendance, le soutien populaire au gouvernement n’a jamais été aussi fort. C’est un atout précieux qui aidera le gouvernement à relever tous les défis qui pourraient se présenter à lui.
L’Arménie n’est pas isolée sur une île sur laquelle elle peut rétablir et développer son économie sans entraves.
En évaluant les réalisations de la révolution, il faut tenir compte des paramètres restrictifs au sein desquels le nouveau gouvernement doit agir.
Pour commencer, deux guerres potentielles se profilent à ses frontières ; À tout moment, le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, John Bolton, et le secrétaire d’État, Mike Pompeo, pourraient lancer des missiles Tomahawk depuis les navires de guerre croisant dans le golfe Persique vers des cibles stratégiques en Iran, ce qui aura certainement de terribles répercussions sur l’Arménie voisine. Il y a aussi la patience d’un dirigeant désespéré à Bakou qui risque de s’épuiser, le poussant à commettre un acte d’agression semblable à celui d’avril 2016. Ce sont là de réelles possibilités pouvant influer sur le fonctionnement du nouveau gouvernement à Erévan, des forces externes qu’il faut prendre en compte.
Il y a aussi des défis nationaux. Le parti républicain est grièvement blessé, mais pas hors de course. Il a regroupé ses forces pour un retour vengeur. L’ancien président Robert Kotcharian, bien qu’incarcéré et actuellement en procès, s’est juré de diriger une puissante opposition. Kotcharian et les survivants de l’ancien régime sont frénétiques à acheter des médias et à inonder les médias sociaux, réalisant tardivement que c’est le blitz médiatique bien coordonné qui a catapulté le mouvement de Pachinian au pouvoir. Kotcharian lui-même et le gendre de Serge Sarkissian, Mikael Minassian, sont sur le point de devenir les nababs des médias.
En attendant, Pachinian lui-même et les membres de sa jeune équipe apprennent vite de leurs erreurs pour maintenir un gouvernement honnête et répondre aux besoins des citoyens.

Pachinian a déjà compris que lancer des slogans caustiques lors de rassemblements publics et faire fonctionner les machines d’un gouvernement sont deux jeux de balle différents.

Le cabinet arménien s’attend à une croissance économique annuelle de 5%. Pour y parvenir, il a entrepris certaines réformes, notamment en modifiant les réglementations de l’État et en mettant en place des mesures de lutte contre la corruption. En outre, il prévoit d’élargir la collecte des impôts ordinaires, ce qui, dans le passé, ne touchait pas les oligarques et imputait la charge de la collecte aux citoyens ordinaires.
Le Premier ministre Pachinian a tenu une conférence de presse de sept heures à la Galerie des Arts pour présenter les réalisations de son administration. Il a présenté 100 domaines dans lesquels des progrès avaient été enregistrés, affirmant que la collecte des impôts serait renforcée de 62 milliards de drams (129 millions de dollars). Il a également mentionné que lui et sa famille avaient décidé de ne porter que des vêtements fabriqués en Arménie.
Une session de dialogue stratégique américano-arménienne a récemment eu lieu à Erévan. Les États-Unis aideront l’Arménie à mener à bien des réformes dans les domaines judiciaire et juridique et à développer les secteurs de l’énergie, de la technologie de l’information et de l’environnement. Une promesse de 16 millions de dollars est déjà en route pour la croissance économique et une gouvernance efficace. En outre, l’Agence américaine pour le développement international fournira 6 millions de dollars destinés aux réformes démocratiques. En raison des largesses du gouvernement américain à l’égard des pays du tiers monde, les montants susmentionnés semblent dérisoires, face aux immenses besoins de l’Arménie. Mais la raison derrière cette mise en garde semble être la critique selon laquelle l’administration de Nikol Pachinian se tourne vers l’Occident au détriment des relations traditionnelles de l’Arménie avec la Russie et autres alliés régionaux.
Lors de sa conférence de presse, le Premier ministre a justifié les subventions versées par les agences occidentales à hauteur de 200 000 dollars pour réaliser la révolution. Cet aveu a déjà suscité des critiques selon lesquelles son administration est redevable envers ces agences.
Diriger un nouveau gouvernement contre toute attente est déjà assez difficile. Mais le gouvernement doit également faire face à des critiques, la plupart acerbes, mais certains offrant des conseils constructifs. David Arakelian semble être l’un de ces critiques, car il estime que le Premier ministre n’a pas encore réussi à s’entourer de cadres compétents. En effet, nous avons vu les résultats de cet échec dans le scandale du chef d’orchestre Constantine Orbelian, directeur artistique de l’Opéra national arménien.
L’autre critique concerne le rôle de Premier ministre. Le prédécesseur de Pachinian, Serge Sargissian, avait modifié la constitution pour donner plus de pouvoirs au bureau du Premier ministre. Pachinian était l’un des critiques de ce changement. La révolution de velours est arrivée, empêchant Sargissian d’exercer ce pouvoir dont Pachinian a hérité. Lors de sa conférence de presse, lorsque les journalistes lui ont demandé s’il avait l’intention de supprimer certains éléments de ce pouvoir, Pachinian a répondu que la révolution s’était déjà occupée de cette question.
Alors que l’Arménie aborde le second anniversaire de la révolution, de nombreux défis restent à relever. Mais la solide administration de Pachinian s’est déjà adaptée pour se frayer un chemin dans des eaux inexplorées et mener l’Arménie prudemment mais sûrement vers un avenir plus prometteur. Edmond Y. Azadian

 

Traduction N.P.