Le Premier ministre Nikol Pachinian, s’appuyant sur la vague de populisme qu’il avait engendrée, a pris le pouvoir en mai 2018.
Le 22 septembre dernier, il a tenté d’étendre l’élan de ce populisme à la diaspora en prononçant un discours majestueux à Los Angeles. Son discours ne se limitait pas à la célébration du 28e anniversaire de l’indépendance de l’Arménie mais couvrait également des questions fondamentales concernant l’Arménie et les Arméniens du monde.
Bien que ces jours-ci, les défenses de l’administration Pachinian rivalisent avec celles du président Trump et trahissent une certaine instabilité à la barre, le premier ministre a réussi à capter son auditoire par son charisme et son sérieux.
En premier lieu, son discours a été un hommage retentissant envers la diaspora, reconnaissant en détail les efforts déployés pour soutenir le renouveau de l’Arménie. Peut-être est-il allé trop loin, affirmant que sans l’aide de la diaspora, l’Arménie ne pourrait pas survivre.
Il a ensuite construit bloc à bloc un pont d’or qu’il souhaite prolonger de l’Arménie vers la diaspora et inversement.
Il a exprimé sa gratitude envers les programmes de secours humanitaires que les organismes de la diaspora ont mis en place en Arménie et renversé les rôles. Il a proposé de convertir les programmes humanitaires en programmes « utilitaires » en investissant en Arménie. Ainsi, sa recommandation a été « enrichissez l’Arménie et enrichissez-vous ».
Abordant quelques points sensibles, il a essayé de passer sous silence la situation désastreuse de l’émigration, donnant ainsi une tournure positive au mouvement.
Il a déclaré que de nombreux citoyens avaient été forcés de quitter l’Arménie afin de chercher un emploi rémunéré dans différents pays, pour aider leurs familles demeurées en Arménie.
Il a également abordé la question du rapatriement. Sa précédente affirmation selon laquelle la population de l’Arménie avait atteint les cinq millions d’habitants avait fait sourciller. Le rapatriement a donc été cette fois-ci formulé différemment. Plutôt que d’anticiper ou d’encourager une migration interne, il a étendu les frontières morales de l’Arménie à travers le monde, englobant les dix millions d’Arméniens comme étant des citoyens virtuels de la mère-patrie.
Il a ensuite développé la question du « pan-arménianisme ». Faisant référence à sa déclaration du 5 août à Stepanakert, il a déclaré que quel que soit le pays de résidence des Arméniens, ceux-ci doivent soutenir l’Arménie et l’Artzakh, mais pas aux dépens des pays hôtes. Ils devraient se sentir astreints à améliorer et renforcer les liens d’amitié entre ces pays hôtes et l’Arménie.
Dans l’ensemble, la déclaration de Pachinian était bien structurée, fournissant le crédit et la considération à toutes les contributions versées par la diaspora à l’Arménie. Il a certainement acquis les cœurs de la majorité.
L’approche populiste de Pachinian lui a permis d’obtenir des résultats tangibles en Arménie. Il a en fait utilisé cette méthode pour renverser un régime bien enraciné. Mais l’efficacité de cette pratique dans la diaspora reste à démontrer. La diaspora n’a pas de gouvernement, elle n’a même pas de structure capable de réunir les parties. Au mieux, le pouvoir de Pachinian est virtuel, de nature éphémère et peut se dissiper facilement s’il n’est pas régulièrement alimenté. Et cette nourriture doit être basée sur l’apprentissage de la vraie nature de la diaspora.
Jusqu’ici, la diaspora a été la vache à lait du gouvernement arménien et ce statut a été créé par le patriotisme naïf de la diaspora. Les deux parties sont parvenues maintenant à une approche plus réaliste pouvant constituer une base solide que le Premier ministre espère accroitre.
L’administration Pachinian a eu, cette année, l’idée originale de tenir les célébrations de la Journée de l’indépendance dans une région défavorisée de l’Arménie, Goumri. L’année prochaine et la suivante, d’autres régions seront mises de l’avant. La croissance d’Erévan s’est faite aux dépens des autres régions. Cette politique vise à uniformiser le développement dans tout le pays.
À la fin de son discours, il a lancé le défi aux Arméniens de la diaspora de venir célébrer le Nouvel An en Arménie.
La réponse à cet appel peut constituer un bon critère pour mesurer l’impact du discours expressif de Pachinian. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.