Les ministres des Affaires étrangères d’Arménie et d’Azerbaïdjan, Zohrab Mnatsakanian et Elmar Mammadyarov, se sont rencontrés pour une 26e fois, le 4 décembre à Bratislava, Slovaquie, sous les auspices de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Les déclarations et les nouvelles indiquent que les ministres avaient, comme d’habitude, tourné en rond.
Les ministres ont fait des déclarations contradictoires tandis que la déclaration de l’OSCE a tenté de mettre en évidence les différences, comptant parmi leurs contributions des échanges de prisonniers, des visites de journalistes entre les deux pays, le relâchement des tensions à la frontière et la volonté des deux ministres de se revoir.
Après avoir examiné de nombreux plans au fil des ans et envisagé des solutions, le ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères est revenu sur les demandes initiales de l’Azerbaïdjan qui ne donnent lieu à aucun compromis.
La délégation de Mammadyarov a distribué un mémorandum aux délégués participants, présentant les conditions de l’Azerbaïdjan pour une solution : « Retrait immédiat, complet et inconditionnel des forces arméniennes de la région du Haut-Karabagh et des autres territoires occupés de l’Azerbaïdjan. »
Le mémorandum reconnaît également le droit de la population à majorité arménienne d’avoir « un statut d’autonomie au sein de l’Azerbaïdjan ».
Le parti qui a perdu une guerre demande la reddition inconditionnelle du vainqueur. D’où l’Azerbaïdjan tire-t-il un tel degré d’arrogance irréaliste sinon de son partenariat avec la Turquie ? L’Azerbaïdjan élargit la portée du conflit pour laisser une porte ouverte à la Turquie.
En effet, Ankara a conditionné le règlement de la question du Karabagh avec l’Arménie aux conditions azéries pour établir des relations diplomatiques et lever son blocus.
Une autre raison est la transformation interne de l’Azerbaïdjan, qui a commencé avec la récente dissolution du Parlement, l’élimination de la vieille garde aux postes clés du gouvernement et la transition du pouvoir d’Ilham Aliev vers son épouse, Mehriban Alieva, qui occupe déjà le poste de vice-présidente.
Il est intéressant de noter que l’Arménie semble offrir une autre voie diplomatique pour sortir de l’impasse. Anna Hakobian, l’épouse du Premier ministre Nikol Pachinian, a invité la semaine dernière Madame Alieva au Karabagh. Dans une entrevue antérieure, la première dame azérie avait exprimé son désir d’écouter de la musique folklorique azérie au Karabagh. Hakobian a déclaré qu’elle y serait la bienvenue comme invitée d’honneur si elle venait en paix et qu’elle-même accueillait favorablement une visite réciproque. Aucune réponse n’est venue du côté azéri.
Le ministre des Affaires étrangères d’Arménie a également présenté la position de l’Arménie en sept points. Essentiellement : « L’Azerbaïdjan doit assumer un engagement direct en faveur de la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple du Haut-Karabagh, dont l’issue ne devrait pas être limitée. »
Il est regrettable que les coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE, la Russie, la France et les États-Unis, ainsi que les Nations Unies aient adhéré à l’interprétation azerbaïdjanaise de la définition de l’intégrité territoriale, alors que la position arménienne était que le Karabagh a été cédé aux Soviétiques par la même voie légale que l’Azerbaïdjan. Par conséquent, le concept d’intégrité territoriale ne doit pas devenir une composante de la solution du conflit. Peut-être que les représentants de l’Arménie ont maintenu cette position pendant les négociations, mais nous assistons rarement à sa manifestation publique.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rencontré Mammadyarov et le président Aliev à Bakou avant son arrivée à Bratislava et, à la suite de ses discussions avec eux, a fait des déclarations positives sur les « possibilités de parvenir à un compromis » sur le Karabagh qui, malheureusement, ne se sont pas reflétées dans l’opinion publique ni dans les déclarations et discussions de Bratislava.
Le Kremlin, et en particulier M. Lavrov, semblent plus accommodants ces derniers mois à l’égard de la position d’Erévan. Lors de sa précédente visite, M. Lavrov avait déclaré qu’aucun règlement n’était possible sans la participation du peuple du Karabagh. C’est un ajout bien accueilli au « Plan Lavrov » qui, d’une certaine manière, fait écho à la position du Premier ministre Pachinian sur la question.
La position russe est expliquée de façon plus réaliste dans un article d’Aram Sargissian. Le titre de l’article en dit long : « La Russie rêve d’intégrer l’Azerbaïdjan dans la structure de la sécurité collective et de l’Union économique eurasienne ; Le prix à payer pour l’Azerbaïdjan est le Karabagh. »
Dans le flux et le reflux de la politique internationale, d’étranges compagnons de lit se rassemblent en fonction de leurs intérêts nationaux. La Russie estime que l’Azerbaïdjan peut devenir un lien commode pour la Russie, la Turquie et l’Iran. Pour le moment, la Russie n’est pas prête à payer le prix demandé par l’Azerbaïdjan, car elle estime qu’Erévan glisse déjà entre ses doigts, avec la générosité soudaine de Washington envers l’Arménie et l’adoption de la résolution sur le génocide au Congrès, qui a envoyé de nombreux signaux.
Parallèlement à l’intégration de l’Azerbaïdjan dans les structures russes, Moscou convoite la possibilité de stationner ses forces de maintien de la paix au Karabagh pour compléter sa base militaire de Goumri.
Outre l’initiative privée de M. Lavrov de servir de médiateur entre Bakou et Erévan, d’autres voix de la Douma russe offrent de l’espoir. Constantin Zadulin, membre de la Douma, a élaboré un plan qui implique la reconnaissance par l’Azerbaïdjan de l’indépendance du Karabagh en échange du transfert de cinq régions sur les sept qui ont été capturées par les forces arméniennes pendant la guerre comme garantie de sécurité. Bien sûr, ce sont de simples déclarations ; sinon, les parties auraient demandé des précisions, car le diable est dans les détails.
Le directeur de l’Institut du Caucase, Alexander Iskandarian, ne voit pas la possibilité d’une reprise à long terme, voire à court terme, des hostilités. Il ne trouve pas non plus réaliste la déclaration de l’OSCE selon laquelle le « statu quo est inacceptable ». Il pense que le statu quo se fera dépens des pertes des deux côtés. Iskandarian a déclaré : « Les parties ne sont pas prêtes à un compromis. Le concept de compromis de l’Arménie ne correspond pas à celui de l’Azerbaïdjan. Pour l’Azerbaïdjan, une solution de compromis est un retour à la situation d’avant 1988, qui est en fait un non-démarrage. L’Arménie appelle à un compromis, la préservation de la situation actuelle et en outre la reconnaissance du Karabagh, ce dont les Azerbaïdjanais ne sont pas prêts à discuter. »
Bien que l’Azerbaïdjan n’accepte pas le statu quo, en dernière analyse, le statu quo joue en sa faveur, affaiblissant l’Arménie par attrition au fil des ans.
D’un autre côté, le statu quo sauve des vies pour l’Arménie, laissant espérer qu’un jour l’évolution politique ouvrira la voie à une solution plus équitable.
La réunion de Bratislava n’a abouti nulle part et de futures réunions similaires ne seront autres que des coups d’épée dans l’eau. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.