Le Karabagh, ou la République d’Artzakh, son titre officiel le plus récent, est devenu une entité politique autonome et indépendante, avec tous les attributs d’un État à part entière. Il a organisé des élections normales et transparentes pour maintenir sa gouvernance. En outre, bien que les structures politiques mondiales n’aient pas encore doté la République d’une reconnaissance officielle et continuent de faire des déclarations sur leur refus de reconnaître les résultats des élections, elles comprennent que le Karabagh n’est pas un territoire rebelle séparatiste sous domination de chefs de guerre.
Et ainsi, le peuple et l’État du Karabagh se prennent au sérieux et continuent de gouverner la République en vertu d’une constitution fondée sur des principes démocratiques.
Les peuples arméniens d’Arménie et du Karabagh organisent méticuleusement les élections locales et nationales, invitant des observateurs internationaux à surveiller le processus électoral et à émettre leurs opinions.
Le 31 mars 2020, des élections aux niveaux législatif et exécutif devraient avoir lieu au Karabagh. Actuellement, 27 partis politiques ont présenté leurs candidats pour 33 sièges au Parlement. Il y a également 14 candidats en lice à la présidentielle. La campagne a été officiellement lancée le 26 février.
Le Karabagh maintient le système présidentiel, contrairement à l’Arménie qui est passée à un régime parlementaire.
Le Karabagh est un territoire contesté par l’Arménie et l’Azerbaïdjan et le Groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) mène des négociations depuis le cessez-le-feu du 14 mai 1994 pour tenter de régler le conflit.
Pour le gouvernement d’Erévan, le Karabagh est l’Arménie, point final. Pour l’Azerbaïdjan, il fait partie intégrante de son territoire national, où les Arméniens pourraient vivre sous « le plus haut niveau d’autonomie », s’ils déposent les armes. Malheureusement, l’Azerbaïdjan ne peut offrir ce « plus haut niveau d’autonomie », car 49% de sa population vise l’indépendance. Par conséquent, les élections au Karabagh auront des ramifications régionales, mais surtout, elles auront un impact intra-arménien.
La révolution de velours en Arménie en 2018 a développé un nouveau paradigme politique face au Karabagh. De nombreux partis politiques en Arménie ont déploré que la révolution n’ait pas atteint Stepanakert. Par conséquent, selon ces forces, non seulement une rhétorique passionnée, mais aussi des actions politiques, étaient nécessaires pour un changement similaire au Karabagh. Le parti politique radical Sasna Tsrer a même menacé d’organiser des raids armés pour provoquer ce changement. Ils ont été dissuadés par l’avertissement du héros de la guerre du Karabagh, Vitali Balasanian.
Mais en corolaire, les forces vaincues en Arménie ont trouvé refuge au Karabagh. Les copains de Serge Sargissian et de Robert Kotcharian ont fait des apparitions très évidentes au Karabagh. Même la FRA, après sa débâcle électorale en Arménie, s’est regroupée au Karabagh.
Le travail du Premier ministre Nikol Pachinian est à l’arrêt. Il est arrivé au pouvoir par la ferveur révolutionnaire et aujourd’hui il ne peut contrôler ni contenir ce sentiment parmi ses partisans. La logique révolutionnaire chez ces derniers est que lorsque la jeune administration a pris le contrôle total du pays, elle devait effacer complètement les vestiges restants de l’ancien régime, sans aucune exception.
Le Premier ministre, après avoir accédé au pouvoir, s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas procéder en ignorant les normes juridiques internationales. Pachinian a lui-même fait très attention à être élu par l’ancien parlement. Un autre exemple est également la crise actuelle de la Cour constitutionnelle. Ses partisans en colère ne comprennent pas pourquoi le chef de la révolution ne se contente pas de renvoyer les sept membres de la cour et de faire un pied de nez à la Commission de Venise du Conseil de l’Europe. Au lieu de cela, Pachinian tente de contourner la crise créée par le ménage forcé en organisant un référendum le 5 avril.
Pendant longtemps, l’ancien régime arménien a été toléré parce que les gens comprenaient qu’il y avait une guerre à la frontière. Puis les dirigeants du régime sont devenus intouchables, jusqu’au point de rupture. Tant que cela a duré, l’ancien régime a pillé le pays.
La même situation s’est reproduite au Karabagh, où les héros de guerre ont exploité leurs statuts privilégiés pour voler le pays. Et l’approche prudente du peuple a survécu à la révolution en Arménie. La situation au Karabagh était – et est toujours – plus fragile.
Des signes montrent que les nouvelles élections corrigeront la situation au Karabagh.
Officiellement, l’Arménie a adopté une politique de non-intervention en autorisant des élections justes et transparentes. Elle a promis d’inviter des observateurs internationaux. De plus, Erévan n’a apparemment aucun favori parmi les 14 candidats à la présidence (dont deux femmes). Cependant, le 5 août dernier, Pachinian était au Karabagh où il a défini les paramètres de la nouvelle présidence, à savoir aucun candidat formé par l’ancien régime arménien. La semaine dernière, lorsque les conseils de sécurité des deux républiques ont tenu une réunion conjointe, le Premier ministre a évoqué l’unité des deux républiques. À l’issue de cette session, le ministre de la Défense du Karabagh, le lieutenant-général Karen Abrahamian, a été limogé et remplacé par le général Jalal Haroutiounian.
Personne ne doute que la signature de Pachinian figure sur cet ordre.
Malgré toutes ces actions, l’Arménie a adopté une position neutre sur les élections, bien que cette dernière ait des raisons de surveiller attentivement les élections et les développements politiques. Bien que tous les candidats jurent de travailler en synchronisation avec l’administration d’Erévan, il est dit que les partisans de l’ancien régime pourraient en quelque sorte se regrouper à Stepanakert et créer une force revancharde. Encore plus dangereuse est l’idée de placer le Karabagh sous la tutelle de Moscou. Le promoteur de ce plan est Samuel Babayan, un héros de guerre, aventureux et activiste politique, qui a été expulsé du processus électoral par des actions en justice. Néanmoins, il a formé un nouveau parti politique, le Parti révolutionnaire d’Artzakh, pour rester dans le jeu.
Bien que tous les candidats de Stepanakert prétendent entretenir de bons termes avec Pachinian, une gradation dans ces relations est apparente. Même le candidat Vitali Balasanian, qui s’est engagé dans des altercations publiques avec Pachinian, estime qu’il entretient des relations amicales avec lui.
Vahan Bandassian, le chef du Parti de l’Arménie Unie, est le leadeur de l’opposition le plus bruyant et le plus radical, et semble traîner dans les sondages.
Les chefs de file du moment sont Arayik Haroutiounian, l’ancien Premier ministre, Masis Mayilian, l’actuel ministre des Affaires étrangères, et Ashod Ghoulyan, le président du Parlement.
Haroutiounian avait formé son Parti de la Patrie libre en juin 2006 et avait remporté 10 sièges cette année-là. Il est considéré comme l’un des oligarques qui a énormément contribué au développement économique de la république. Il pourrait gagner l’élection sur les questions de pain et de beurre.
Mayilian, qui occupe le poste de ministre des Affaires étrangères dans le cabinet actuel, se présente comme candidat de l’opposition. Il est soutenu par l’Alliance Nor Artzakh.
Ghoulian, le plus éloquent des candidats, dirige le Parti populaire d’Artzakh.
Haïk Khanoumian est le chef du Parti national de la Renaissance.
Sur 27 partis participant aux élections, 20 ont été formés récemment. Deux alliances regroupent les partis nouvellement formés. Elles n’ont pas d’histoire ni d’antécédents en matière d’activité politique et disparaîtront dès la fin des élections.
Il existe de véritables forces politiques au Karabagh, elles ont recruté des éléments plus jeunes qui complètent les rangs des éléments expérimentés.
Des élections transparentes et ordonnées renforceront encore le profil politique du Karabagh dans la région, en particulier à la suite des récentes élections en Azerbaïdjan, semées de pots-de-vin, de corruption et de violence. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.