Adieu à une année de tous les dangers

Éditorial écrit en anglais par Edmond Y. Azadian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 24 décembre 2020

Si cela est possible, beaucoup de monde voudrait certainement effacer l’année 2020 du calendrier et la supprimer pour toujours.

Cette année a amené beaucoup de misère et de traumatismes à la population de notre planète. L’Arménie et les Arméniens ont non seulement partagé la douleur de la famille mondiale, mais ont reçu également une dose supplémentaire de souffrance.

Des pandémies mondiales se produisent régulièrement tous les cent ans environ. C’est donc la chance de notre génération de vivre les horreurs que nous n’avions lu que dans les livres d’histoire.

Des précédents de pandémies mondiales ont été enregistrés depuis le 14e siècle, alors que la population de la terre a été affligée de la peste noire, connue comme la peste bubonique, et qui a finalement coûté la vie à 50 millions de personnes.

Dans les premiers temps, les pandémies frappaient les populations d’une certaine région, mais ne se propageaient pas à d’autres régions parce que ces populations étaient sédentaires et ne pouvaient généralement pas voyager au-delà d’une certaine distance.

Les anthropologues et les historiens, par exemple, n’ont pas été en mesure de déterminer la cause exacte de l’extinction de la population maya en Amérique centrale. La rareté de l’eau, la surpopulation et les guerres sont citées comme des causes probables. Cependant, cela peut aussi avoir été le résultat d’une pandémie localisée qui ne s’est pas propagée.

L’impact global de la peste noire du 14e siècle a agi sur les activités de la route de la soie, route qui s’étendait de la Chine à l’Europe, en passant par le Moyen-Orient. C’était une route commerciale active pour les personnes et les marchandises voyageant sur de longues distances et avec leurs marchandises, et ces voyageurs ont transporté la maladie avec eux.

La grippe espagnole, qui a sévi dans le monde entre 1918 et 1920, a certainement été exacerbée par la mobilité des personnes. On rapporte qu’elle a infecté 500 millions de personnes dans le monde, faisant 50 millions de morts. Au cours de cette pandémie, les États-Unis ont perdu 675 000 citoyens.

À l’ère des voyages en avion, la pandémie de COVID-19 a mis moins de six mois à couvrir la planète. Déjà, elle a coûté 1,6 million de morts, dont plus de 300 000 aux États-Unis.

La propagation du virus a entraîné la mort, la confusion et la peur, car aucun remède ou traitement connu n’était disponible. Seul le confinement a été utilisé comme prévention; les masques, la distanciation sociale et le lavage des mains ont été recommandés. Et ces mesures ont été politisées.

Le président Donald Trump a contesté cet avis et ce défi a immédiatement pris la forme d’une prise de position politique. On pense que les mesures de prudence ont été ignorées pour épargner les entreprises et l’économie et, surtout, pour obtenir l’immunité collective. Après avoir ruiné la vie de nombreuses familles, il semble que l’impact de la maladie pourrait s’amoindrir grâce à une vague de vaccins récemment approuvés.

De nombreux pays ont développé des vaccins, le premier étant celui produit par Pfizer et BioNTech. Le vaccin de Moderna vient d’être approuvé par les États-Unis. Bien que les scientifiques affirment qu’ils sont similaires, je mets ma foi dans le second en raison de la fierté nationale, car le conseil d’administration de la société est présidé par le Dr Noubar Afeyan.

En plus de la pandémie, en 2020, les États-Unis ont connu un autre spectacle au cours de l’élection présidentielle.

Lors des élections, le plus souvent, le candidat sortant est favorisé. Cependant, sous l’administration du président Trump, le pays est devenu si polarisé qu’un nombre record d’électeurs se sont rendus aux urnes. Ce ne serait pas rendre service à la vérité que de dire que M. Trump ne jouissait pas d’une grande popularité. Un nombre sans précédent de admirateurs dévoués – 74 millions, pour être exact – ont une dévotion éternelle à son égard et ont voté pour lui. Malgré cette polarisation, son adversaire a obtenu un nombre record de votes, 81 millions.

Trump n’a pas encore admis avoir perdu l’élection et n’a pas félicité le président élu Joseph Biden, pour la simple raison que M. Trump ne croit pas à la défaite. D’autres drames nous attendent jusqu’à (et peut-être après) l’intronisation du 20 janvier.

De retour en Arménie, le système de santé a été surchargé au point de s’effondrer, à cause de la pandémie rampante. Cette situation est maintenant aggravée par l’issue de la guerre du Karabagh, qui a envoyé dans les hôpitaux 10 000 soldats blessés. Au total, 5 000 soldats arméniens ont perdu la vie, laissant derrière eux le chaos. C’est la pire catastrophe qui ait frappé l’Arménie depuis le génocide, car la perte de vies humaines s’est également accompagnée d’une perte territoriale.

Aussi énormes que soient les pertes, elles pâlissent peut-être face à l’avenir incertain qui attend maintenant l’Arménie. L’Arménie a été mortellement blessée dans le processus de règlement de comptes entre la Russie et la Turquie. De nombreux experts qui avaient écarté les projets pantouraniens de la Turquie comme de la fiction ont soudainement réalisé que les forces turques se trouvaient aux frontières de l’Arménie, exigeant l’accès par l’Arménie à l’enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan.

Les troubles qui en résultent sont trop difficiles à gérer pour le régime de Pachinian. La confusion qui a suivi, les débats acrimonieux et les pointages du doigt n’ont laissé aucune place à un compromis. Le chaos politique arménien est devenu la risée des dirigeants de Bakou et d’Ankara.

L’opposition qualifie le Premier ministre Nikol Pachinian de traître. Mais il ne l’est certainement pas; c’est en effet un patriote, mais un chef incompétent. Sa révolution de velours n’a pas tenu ses promesses. Bien sûr, la pandémie incontrôlable est responsable de l’effondrement économique mais au-delà de la pandémie, son équipe a lamentablement échoué en termes de diplomatie et d’amélioration de l’économie avant la COVID-19.

Grâce à une campagne malavisée pour saisir les richesses illégalement acquises par les oligarques, il a effectivement chassé les entrepreneurs du pays avec leur capital, tout en échouant à attirer de nouveaux investissements de l’étranger.

L’opposition parlementaire, qui comprend l’Arménie prospère et l’Arménie lumineuse, est loin d’exercer un quelconque pouvoir politique.

Un groupe de dix-sept partis, non représentés au parlement, a formé un front d’opposition dirigé par l’ancien Premier ministre, Vazgen Manoukian. Mais derrière ce groupe, l’ombre de l’ancien régime se profile pour effrayer la majorité des électeurs. Si Pachinian a effectivement accompli quelque chose, il a diabolisé les représentants de l’ancien régime et polarisé la société.

La population arménienne est maintenant en train de panser ses blessures. La confusion abonde. Beaucoup demandent la démission de Pachinian, sans indiquer d’alternative viable. Le président Armen Sarkissian appelle également à la démission de Pachinian, espérant qu’il pourra lui-même diriger durant la période de transition, avec l’aide de technocrates, mais sa volonté n’a pas non plus suscité beaucoup d’attention. Le seul aspect positif de la pandémie est qu’elle a mis un terme à l’émigration. Le danger de dépeuplement de l’Arménie sera bien réel une fois la pandémie apaisée.

La période de Noël et du Nouvel An est traditionnellement une période de réjouissance. Mais aujourd’hui elle s’accompagne de désespoir et de traumatismes en Arménie et dans le monde. À minuit le 31 décembre, nous célébrerons tous la nouvelle année à venir. Il sera temps de dire enfin adieu et bon débarras à 2020, et espérer une bien meilleure année.

Edmond Y. Azadian

 

Traduction N.P.