La fin des années 80 du XXème siècle ramène à la surface mondiale le conflit, longtemps refoulé dans les dossiers internes de l’URSS, opposant Arméniens et Azerbaïdjanais sur la région agricole montagneuse du Nagorno-Karabakh, également connu par le Haut-Karabakh. Un vieux conflit épineux qui remonte, à l’ère moderne, à 1923, date à laquelle adhère l’Arménie martyrisée de l’époque ottomane à l’Union soviétique pour devenir une de ses républiques, pensant ainsi échapper au danger turc qui la menaçait.
La mémoire des terribles massacres du génocide arménien de 1915, perpétrés par les Trucs et leurs alliés, était, à l’époque, encore vive dans l’esprit du Peuple arménien qui cherchait refuge des ardeurs colonisatrices sanguinaires de son voisin et de ses partenaires régionaux et internationaux. Il estimait trouver son salut dans le corps du géant industriel et ethnique qui venait de naître, en 1917, lors de la révolution Bolchévique.
Toutefois, le nouveau géant naissant, ayant comme priorité de sécuriser ses frontières avec le voisinage, fait don de certains territoires arméniens, dont le plus important est celui du Karabakh, à l’Azerbaïdjan, pays turcophone musulman et un des principaux alliés de la Turquie dans la région. L’Union soviétique croyait, ainsi, plaire au leader turc, Kemal Atatürk, nouvellement accédé au pouvoir après l’effondrement de l’Empire ottoman.
Les Arméniens, paysans pour la plupart, vivant dans cette région fertile du Caucase qui s’étend sur une superficie d’environ 4400 km2 et dont le nom arménien, Karabakh, signifie “le jardin noir”, souffrent du nouveau statut qui leur a été imposé par l’Union soviétique pour des fins stratégiques. Ils multiplient, par conséquent, pendant près d’un quart de siècle, les plaintes à Moscou exigeant leur rattachement à leur patrie, l’Arménie.
Les Arméniens du Karabakh invoquent, parmi les arguments de leurs plaintes, la discrimination culturelle et l’abandon économique où l’Azerbaïdjan laisse cette région riche en ressources naturelles, jadis, peuplé seulement d’Arméniens. Or, avec son nouveau statut d’une région autonome au sein de la République azérie, le Karabakh reçoit les migrations d’une population grandissante d’Azerbaïdjanais qui s’établit sur son territoire pour atteindre, à la fin des années 80, le nombre de 40.000 Azéris contre 145.000 Arméniens. Cette évolution démographique considérable dans la région pousse les Arméniens à croire à un stratagème azerbaïdjanais visant à rendre légitime l’annexion du Karabakh à la République d’Azerbaïdjan.
Moscou ignore les plaintes arméniennes qui s’accumulent et sous l’énorme pression des divers régimes soviétiques, qui se sont succédés pendant environ 60 ans, les Arméniens ont opté pour le silence en attendant l’occasion favorable pour plaider leur cause et récupérer leurs droits.
L’arrivée de Gorbatchev au pouvoir, dans les années 80 du siècle dernier, et son adoption des politiques de réforme, semble un moment propice aux Arméniens de réclamer leurs droits longtemps suspendus. La population arménienne du Karabakh présente, alors, une pétition à Moscou réclamant la reconsidération des frontières de l’Arménie de 1923. Le refus de la pétition émane, cependant, de l’administration du Comité central du Parti communiste de l’Union Soviétique (PCUS). Gorbatchev se prononce contre tout changement de frontières pour ne pas aggraver les problèmes qui menaçait l’Union à ce carrefour fatidique de son histoire.
Et depuis, le conflit arméno-azerbaïdjanais, sur la région de Nagorno-Karabakh, persiste même après l’effondrement de l’Union soviétique et l’accession à l’indépendance de chacune de ses républiques. Le problème continue d’être un témoin important et vivant sur les sombres répercussions des régimes tyranniques et répressifs dont les échos néfastes de leurs politiques se font entendre pour des décennies, voire des siècles, à venir.
Amal M. Ragheb
(Carmen Aprahamyan)
Journaliste internationale et écrivain