La Turquie n’est pas simplement politisée. Elle est maintenant amèrement divisée entre deux planètes: ceux qui soutiennent et continueront de soutenir le président Recep Tayyip Erdoğan et ceux qui sont, pour une foule de raisons, contre lui.
« Erdoğan est le politicien qui divise le plus dans l’histoire politique moderne de la Turquie, » a écrit la célèbre écrivain turque Elif Shafak, dans un article publié dans le quotidien britannique The Guardian.
Elle a écrit qu’au milieu de l’agitation politique de cette semaine en Turquie, aboutissant à l’annonce du Premier ministre de se désister, Oscar Wilde a fait l’objet d’un débat houleux au parlement turc. Un membre du Parti démocratique des peuples pro-kurdes (HDP) a dit vouloir citer Oscar Wilde. Un député du parti AKP au pouvoir s’est opposé à l’idée de citer quelqu’un qui n’était ni musulman, ni turc. Pourtant, un autre membre de l’AKP a confondu l’auteur irlandais avec les Oscars !
Alors qu’ils débattaient de Wilde, les députés ont échangé des coups. Au cours d’une discussion de les dépouiller de leur immunité – une modification délibérée qui pourrait conduire à l’incarcération des députés kurdes – Garo Paylan, député arménien, a été expulsé, reçu des coups de poing et soumis à un discours de haine par plusieurs membres de l’AKP. Paylan a déclaré : « Ce qu’ils ne peuvent digérer est qu’une personne d’origine arménienne révèle leurs mensonges et se tient debout. »
« Il est difficile d’être un Arménien en Turquie. Ou un Kurde, ou un Alevi, ou un gay ou un Juif, ou une femme, ou quelqu’un qui n’est tout simplement pas d’accord avec ce qui se passe dans le pays », a écrit Shafak. « La diversité est étouffée. La liberté d’expression est abandonnée. C’est l’idéologie de la similitude qui domine, façonnée par le nationalisme turc, l’islamisme et l’autoritarisme. »
Se référant à la démission de M. Davutoglu, E. Shafak a écrit qu’Erdoğan veut transformer la Turquie en un régime présidentiel avec le monopole du pouvoir. Elle écrit que l’opposition est fragmentée, dispersée et démoralisée dans le pays. La Turquie arrive en tête des pays exigeant la suppression du contenu de Twitter.
« Tout va très vite en Turquie. Nous Turcs vivons avec un sentiment de « Et maintenant ? », sachant que chaque jour, quelque chose de nouveau se produit. Les éléments centraux de démocratie, soit la séparation des pouvoirs, la primauté du droit, la liberté d’expression, sont brisés », a-t-elle écrit.
Elle identifie trois dangers majeurs : un monopole absolutiste du pouvoir; l’effondrement total du processus de paix turco-kurde, et la perte de la laïcité.
« Dans le passé, nous avions une solide tradition d’humour noir. La politique a toujours été rude, mais il était permis de rire des politiciens. Plus maintenant. Des recherches récentes montrent que seule la moitié de la population de la Turquie pense qu’il est correct de critiquer le gouvernement publiquement. Quand Angela Merkel permet à des comédiens allemands d’être poursuivis par Erdoğan, c’est un message clair aux démocrates de Turquie : « Vous êtes seuls », a déclaré Elif Shafak.