L’Arménie et l’Europe resserrent leurs liens

Un peu plus d’un an après le ralliement controversé de l’Arménie à l’Union économique eurasienne (UEE) dirigée par la Russie, qui remettait en cause le processus d’intégration pourtant bien engagé de l’Arménie dans l’Union européenne, ce processus a été relancé sous une autre forme, a minima, avec la finalisation lundi 27 février, d’un nouvel accord entre l’UE et l’Arménie visant à renforcer leurs liens politiques et économiques, dans le respect et les limites toutefois des engagements contractés par Erevan en intégrant l’UEE. A l’issue d’une rencontre avec le président arménien Serge Sarkissian, qui visitait Bruxelles, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a déclaré qu’il “avait l’extrême honneur d’annoncer la conclusion des négociations sur un nouvel accord de partenariat entre l’UE et l’Arménie ». “Ce nouvel accord élargira le spectre de nos relations, en prenant en compte les nouveaux enjeux et intérêts mondiaux, politiques et économiques que nous partageons et les défis que nous souhaitons relever ensemble”, a notamment déclaré D. Tusk lors d’une conférence de presse aux côtés de S. Sarkissian à Bruxelles, en faisant remarquer que l’Europe est déjà le premier partenaire commercial de l’Arménie, son premier bailleur de fonds international et le plus ardent défenseur de ses réformes”, et qu’elle avait l’intention, sur cette base, “d’approfondir ces relations dans les années à venir”.

La Russie, qui n’avait pourtant pas ménagé ses efforts et ses pressions pour rallier fin 2013 l’Arménie à son Union eurasienne et la faire renoncer du même coup à l’accord d’association et de libre échange qu’elle était sur le point de conclure avec Bruxelles, a fait savoir qu’elle ne voyait aucune objection à cet accord arméno-européen. Il est vrai que la Russie, dont les investissements dans le domaine énergétique notamment, ont accordé à ses groupes et compagnie une situation de quasi monopole dans l’économie arménienne, reste le principal partenaire stratégique de l’Arménie, son alliée militaire aussi. De plus, l’Europe, affaiblie par le Brexit, puis par l’élection de D. Trump à la Maison Blanche, qui a jeté une ombre sur les liens transatlantiques, mais aussi par la pression à ses frontières orientales par la Russie de Poutine comme par la Turquie d’Erdogan, aggravées par la progression du populisme en Europe centrale et orientale, est en perte de vitesse et entend retrouver son influence et ses capacités d’attraction et de séduction dans les ex-Républiques soviétiques associées dans un programme de Partenariat oriental qui a trouvé ses limites, sous les coups conjugués de la Russie, qui les tient pour son intérieur proche, et sous l’effet d’un certain discrédit de l’idée européenne dans ces pays.

Ainsi, des 6 anciennes Républiques soviétiques associées à ce programme en œuvre depuis 2009, dont l’Arménie, seule la Géorgie et la Moldavie ont signé l’accord d’association et de libre échange avec l’Europe début 2014. L’Ukraine a suivi après l’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, mais le processus semble grippé. La Moldavie semble faire machine arrière depuis l’élection de son président pro-russe et anti-européen fin 2016, quant à l’Ukraine, l’accord attend encore d’être ratifié par les législateurs des Pays-Bas, et la persistance de la corruption à Kiev, conjuguée à l’absence de progrès dans le conflit territorial opposant l’armée ukrainienne aux séparatistes russophones de l’Est du pays, ne plaide pas en faveur d’une intégration rapide de l’Ukraine. Si l’Azerbaïdjan et la Biélorussie, toutes deux dirigées par des potentats qui ont confirmé leurs relations de copinage aux dépends du blogger russo-israélien Lapshin extradé en février de Minsk à Bakou, n’ont guère de chance de voir progresser leur dossier en vue d’un accord d’association avec l’Europe, auquel ils sont théoriquement éligibles, l’Arménie semble avoir mieux su tirer son épingle du jeu, en jouant prudemment, comme à son habitude, sur les deux tableaux russe et européen, et en faisant en sorte que ses choix stratégiques déclarés en faveur de la Russie n’obèrent pas ses ambitions européennes. Encore faut-il qu’elle ne déçoive pas une nouvelle fois aux élections législatives à venir, en avril, par des fraudes et irrégularités qu’elle s’est engagée à proscrire et dont l’Europe pourrait se lasser d’avoir à déplorer qu’elles ont encore entaché le scrutin, même si c’est de manière moins massive !