Succès pour la nouvelle production de Gérald Papasian en Arménie

Le 14 octobre dernier, alors que la ville d’Erévan célébrait son 2799e anniversaire, une soirée des plus festives a été offerte aux amateurs de théâtre dans l’ambiance intime et conviviale du théâtre Henrik-Malian.
Une ovation a clôturé cette performance très savoureuse d’une nouvelle version de la comédie de Hagop Baronian, « Le dentiste oriental », rebaptisée « Le dentiste… encore ! » réécrite et mise en scène par Gerald Papasian. Une distribution jeune, brillante, et avec un ajout particulièrement ingénieux, conçu par G. Papasian.
La nouvelle version dramaturgique, testée plusieurs fois dans sa carrière, notamment en français auprès du public parisien, est encore plus audacieuse, plus physique et plus chargée d’électricité sexuelle grâce à une nouvelle génération d’acteurs d’Arménie.
G. Papasian a été invité par Narine Malian, directrice artistique du théâtre, qui souhaitait ajouter une pièce en arménien occidental, langue originale de Baronian, à son répertoire.
Comme dramaturge, G. Papasian parvient à conserver environ 90% du dialogue original de Baronian, mais le montage discret et les ajouts substantiels fonctionnent parfaitement, et ne sont à aucun moment superflu.
Sous sa direction, le jeu devient une farce burlesque outrageusement vilaine, un classique intemporel, sans prétention particulière de commentaires sociaux sérieux. Cependant, l’impeccable langue arménienne occidentale maîtrisée efficacement par les acteurs arméniens orientaux du théâtre Malian. Pour une fois, la langue n’est pas caricaturée au point d’être méconnaissable, car les pièces de Baronian étaient (et sont encore, hélas!) jouées ainsi sur les scènes d’Arménie.
Viktoria Riedo Hovhannisyan (Suisse/Arménie), qui participe à sa troisième collaboration avec G. Papasian (« Faisons un rêve » de Sacha Guitry au théâtre d’État Sos Sargissian et la présentation de l’opérette de Tchouhadjian « Gariné »  à l’Opéra national d’Erévan) a créé des décors minimalistes (seulement des coussins), presque comme un décor japonais, et les merveilleux costumes sensuels ont été créés par Maro Parian (Los Angeles), qui a collaboré avec G. Papasian, notamment pour le célèbre « Chant d’Ararat », interprété par G. Papasian et Nora Armani, pour lequel, en plus des récompenses données aux acteurs, elle a remporté le prix « Drama-Logue » des meilleurs costumes.
La sélection musicale de G. Papasian est basée sur des compositions de Charles Chaplin, à une exception près, une chanson de boisson folle-dingue par Robert Amirkhanyan. Il faut mentionner aussi le « faux départ » inattendu au début du spectacle, avec l’ouverture de Don Giovanni de Mozart, au cours de laquelle les acteurs, en costumes classiques, récitent des vers tragiques, et sont interrompus par nul autre que Baronian lui-même qui leur demande d’oublier la tragédie et de jouer une de ses comédies ! Une idée que G. Papasian emprunte ouvertement à la production du « Dentiste à l’oriental » monté par le regretté Varoujan Khedeshian en 1974, à Beyrouth, Liban, pour laquelle Gérald Papasian a dédié cette présentation à la mémoire du metteur en scène libano-arménien dans les pages du programme.
La troupe comprend des acteurs bien connus de cinéma et de théâtre comme Samvel Topalyan, brillant et éblouissant dans le rôle de Taparnigos, le dentiste, et Georgi Hovakimyan qui nous offre  son sens du jeu de comédien expérimenté, en tant que Thomas, le mari cocu.
D’autres acteurs parmi les merveilleux membres de la compagnie de théâtre Malian sont Vahagn Gasparyan, hilarant comme Nigo, serviteur habile, Astghik Abajyan, horriblement peu attirante au premier abord puis incroyablement belle en tant que Martha, l’épouse du dentiste, Levon Ghazaryan, écrasé au début, puis dangereusement fulminant en tant que Margos le patient, Alla Sahakyan (du Théâtre d’État Hamazkain Sos Sargissian) magnifiquement belle mais aussi très drôle dans le rôle de la femme de Margos, Anoush.
Les nouveaux arrivants, passionnants et très prometteurs comprennent, Anna Zaqaryan, qui incarne Sophie avec une attirance féminine épicé et un excellent sens de la comédie, Valentina Julhakyan, adorable femme-enfant et véritable acrobate en tant qu’Yeranyag, la fille du dentiste, et Poghos Guyumjyan en tant que Lévon, un chérubin amoureux affreusement mal dans sa peau.
La production est très effervescente, pleine d’esprit et de couleur. J’ai été impressionné par le concept et par l’exécution. Et surtout… c’était amusant ! Très fortement recommandé … et pour citer l’un des personnages : la production est en effet évocatrice de « tasagark yev djachag » (de classe et de bon goût) !
S’il vous arrive d’être à Erévan, les 7 ou 9 novembre prochain, ne le manquez pas. Le théâtre est situé dans la célèbre zone commerciale « Vernissage. »

Écrit par Haig Utidjian, chef d’orchestre et d’opéra professionnel et chef de chœur et musicologue à Prague. Il mène un emploi du temps chargé d’engagements de concerts ainsi que de conférences internationales comme pédagogue.