Par Samer R. Zoughaib
L’arrestation de plusieurs magistrats et militaires turcs, accuses d’avoir intercepté une cargaison d’armes à destination des extremists en Syrie, fait la lumière sur le soutien apporté par la Turquie aux groupes terroristes et sur son rôle dans la poursuite de la guerre en Syrie.
La Turquie constitue le principal pays par lequel transitent les milliers de terroristes venus du monde entier, et qui vont grossir les rangs d’«Al-Qaïda», de l’organisation «Etat islamique» et des autres groupes extrémistes. Le nombre de terroristes qui seraient passés par la Turquie pour se rendre en Syrie ou en Irak s’élèverait, selon des sources de sécurité, à plus de vingt-cinq mille. Même la presse occidentale, citant des sources des renseignements européens et américains, met en exergue le rôle de la Turquie.
Malgré ces faits Ankara s’obstine à nier, souvent avec véhémence, les agissements qui lui sont attribués. Mais après une affaire de saisie d’armes qui défraie la chronique en Turquie, il n’y a plus de place pour le doute.
En effet, début mai, un tribunal turc a ordonné l’arrestation de quatre procureurs et d’un officier de l’armée dans cette affaire de saisie de livraison d’armes à destination de la Syrie l’an dernier.
Les quatre procureurs avaient d’abord été mutés puis suspendus après avoir ordonné la fouille de plusieurs camions et bus dans les provinces d’Adana et Hatay, frontalières de la Syrie, en janvier 2014, parce qu’ils les suspectaient de contrebande de munitions et armes à destination de la Syrie. Il est apparu ensuite que les camions saisis étaient en réalité des véhicules de l’Agence de renseignements nationale (MIT) livrant des armes aux extrémistes syriens.
Embarrassé, le gouvernement turc a imposé un silence médiatique, y compris sur Facebook et Twitter, interdisant la publication des documents concernant l’affaire de la saisie d’armes.
La police a placé en garde à vue deux des procureurs, Souleiman Bagriyanik et Ozcan Sisman, dans leurs résidences d’Antalya et Adana.
Les deux autres magistrats s’appellent Aziz Takci et Ahmet Karaca. «Nous venons de vivre une nuit qui a vu la loi bafouée et l’ordre des choses renversé», a déclaré M. Bagriyanik, ancien procureur général d’Adana, alors qu’il était détenu par la police. «Je suis détenu maintenant uniquement parce que je n’ai pas suivi les menaces et l’ordre de M. le ministre: ‘Ne fouillez pas les camions’, et n’ai pas empêché mes collègues de le faire. Que puis-je dire de plus?», a-t-il poursuivi. «Les lois sont là. C’est mon travail de faire appliquer les lois».
Les services de sécurité ont également arrêté le colonel Ozkan Cokay, parce qu’il était le plus haut gradé dans la région au moment de la saisie des camions de contrebande d’armes. Le 17 mai, nouveau rebondissement. Sept militaires sont inculpés et placés en détention provisoire.
Début avril, dix-sept militaires avaient déjà été écroués dans le cadre de la même affaire. Ils avaient été inculpés de «complot contre le gouvernement» uniquement pour avoir arrêté et fouillé les fameux camions du service de renseignement turc.
Au total, 55 personnes, des magistrats, des soldats et des policiers, ont été arrêtées dans le cadre de ce scandale, uniquement parce qu’ils étaient en train de faire leur devoir.
A travers ces agissements, le gouvernement turc se rend coupable de la violation de la résolution 2199 du Conseil de sécurité et des résolutions précédentes, interdisant tout soutien, y compris financier, à «al-Nosra» et «Daech», qui sont nommément cités.
Le moment n’est-il pas venu de demander des comptes à Recep Tayyeb Erdogan et à son gouvernement?