Dans une entrevue accordée à Euronews, le président arménien Serge Sargissian estime qu’un changement de position de la part d’Ankara permettrait de rétablir les relations diplomatiques entre les deux pays.
« Sans aucun doute, la reconnaissance du génocide par les Turcs est le chemin le plus court vers la réconciliation de nos nations. C’est ma conviction profonde : s’ils le font, et s’ils le font sincèrement, dans un court laps de temps, nos relations, je veux dire les relations entre les nations arméniennes et turques, seraient rétablies à un niveau très élevé. »
À l’approche des commémorations, le gouvernement turc d’Ahmet Davutoğlu a émis un communiqué dans lequel il dit présenter ses « condoléances » aux descendants des victimes. Ankara dit aussi partager la souffrance des Arméniens.
Serge Sargissian a déclaré : « Les évènements que vont commémorer les victimes du génocide contiennent en eux-mêmes quelques messages. Le premier est le message du souvenir. Nous pensons que les crimes contre l’humanité n’ont aucune prescription. Et ils ne peuvent être oubliés avec le temps qui passe. Le deuxième message, c’est le message de gratitude, qui est directement liée au souvenir. La gratitude envers les individus, organisations et nations qui, au moment le plus difficile pour nous, ont su parler et ont tendu une main, pour aider notre peuple à survivre. Le troisième message est un mélange des deux : il faut prévenir et empêcher la répétition de tels crimes. Il est de notre devoir d’identifier et de dénoncer les tendances qui peuvent demain provoquer ce type de crime. Il est nécessaire de lutter contre ces phénomènes, pour empêcher à l’avenir d’autres génocides, pour que d’autres crimes contre l’humanité ne se reproduisent. Enfin un message général : c’est le message de la renaissance de notre nation. Nous disons que, cette fois encore, ceux qui nous voulaient du mal n’ont pas réussi à nous effacer de la terre.
Parlant des perspectives de réconciliation, Serge Sargissian a déclaré: « En tant que président de la République d’Arménie, j’ai essayé deux fois d’engager cette voie. Et avant moi, les deux présidents qui m’ont précédé ont essayé eux aussi. Au début, nous avons déclaré notre volonté d‘établir des relations diplomatiques avec la Turquie, sans conditions préalables. Après, les deux parties auraient pu discuter et traiter toutes les questions. La deuxième tentative a été faite à la veille du centenaire du génocide arménien. Il y a plusieurs mois, j’ai envoyé une lettre au président de la Turquie. Cette lettre a été livrée en personne par notre ministre des Affaires étrangères, ce n‘était pas seulement une action médiatisée. Et par cette lettre, je l’ai invité à participer aux évènements du 24 avril, et d’exprimer conjointement des condoléances pour commémorer toutes les victimes. Mais les autorités turques ont décidé, pour le 24 avril, le jour même de notre souvenir du génocide, ils ont décidé de commémorer la bataille des Dardanelles, (Gallipoli). »
Ces derniers jours, les autorités turques ont exprimé leur colère, avec des déclarations virulentes et très rudes, après la déclaration du pape, et la résolution votée par le Parlement européen, le président arménien a répondu : « Pour nous, ces déclarations, et ces réactions de la partie turque, étaient de toute façon attendues. Nous avons toujours vu et entendu leur posture négationniste. A chaque fois, ils ont renouvelé leur boite à outils du déni. En ce qui concerne la déclaration du pape, je crois qu’elle était appropriée. Vous savez, je crois qu’un monde sans aucun crime contre l’humanité peut être atteint, grâce à l’action de quelques personnes fortes. Le Pape est un grand dirigeant, juste et qui dit la vérité.
Le président a ajouté : « Sans aucun doute, la reconnaissance du génocide par les Turcs est le chemin le plus court vers la réconciliation de nos nations. C’est ma conviction profonde : s’ils le font, et s’ils le font sincèrement, dans une courte période de temps, nos relations, je veux dire les relations entre les nations arménienne et turque, seraient rétablies à un niveau très élevé.
Quant à la proposition de la Turquie de mettre en place une commission d’historiens, le président Sargissian a déclaré : « Tout d’abord, cela ne s’est jamais vu. Il est inexact de penser que des historiens puissent s’assoir autour d’une table pour prendre une décision commune, et régler un différend une fois pour toute. C’est le premier point. Deuxièmement, je ne peux pas imaginer comment une telle commission fonctionnerait, puisque les historiens turcs seraient sous la pression de la société et des autorités turques, et les historiens arméniens seraient sous la pression de la société et des autorités arméniennes. Mais même cela, ce n’est pas l’argument le plus important. L’essentiel, c’est que les structures spécialisées, les pays qui possèdent les plus grandes archives sur cette question, n’ont aucun doute. Je reviens à nouveau sur le Vatican: n’est-ce pas le Vatican l’un des pays les mieux informés sur les évènements de la Première Guerre mondiale ? Le Vatican subit-il une pénurie d’historiens bien formés ? Pour nous, une telle proposition est en elle-même une insulte, car elle remet en question le fait même et la véracité du génocide arménien. À la fin d’une seule journée, ce que les historiens savent très bien, combien de personnes sont mortes ? Y a t-il une différence si importante entre 1 million et demi, et 1 million 449 000 tués ? »