Nous sommes à plus d’un an de l’élection présidentielle aux États-Unis, mais la campagne est déjà en pleine explosion.
Du côté démocrate, Hillary Clinton a commencé sa campagne lorsqu’elle a quitté le poste de secrétaire d’Etat. Certains experts croient même qu’elle n’a jamais quitté la campagne après avoir cédé, à contrecœur, l’investiture démocrate à Barack Obama. Peut-être était-ce également la raison pour laquelle son début de campagne a croisé quelques turbulences ; l’utilisation d’un serveur privé pour ses courriels officiels continue de la hanter. Sa mauvaise gestion du fiasco libyen, et son soutien à la guerre en Irak ont bosselé sa popularité et ont miné sa crédibilité.
En ce qui concerne sa position belliciste en matière de politique étrangère, elle peut difficilement se distinguer du sénateur John McCain. Elle semble être complètement redevable au complexe militaro-industriel. Encore plus inquiétant, elle semble débitrice des urnes plutôt que de véritables idéaux.
Si elle remportait son investiture à la Maison Blanche, le Moyen-Orient ne profitera pas de la paix, et de la solution de deux États pour Israël et la Palestine, que le président Obama tente de sceller avant son terme, un revers pour un autre laps de quatre ou même huit ans.
Voilà pourquoi maintenant elle essaie de détourner l’attention vers d’autres points de discussion, comme la réforme des finances, les problèmes des femmes, ou les questions raciales (« La vie des Noirs est importante »).
Dans le camp démocrate, la plupart des candidats déclarés – Lincoln Chafee, Lawrence Lessing, Martin O’Malley et Jim Webb – n’arrivent pas à la cheville de Mme Clinton en termes de collecte de fonds. Le Vice-président Joe Biden tâte encore le terrain, mais dès qu’il se mouillera les pieds, il se rendra compte que la campagne de cette année est pour les requins, et non pour une pour une figure aussi douce que lui.
Quant à la campagne de Mme Clinton, son seul concurrent sérieux semble être le sénateur Bernie Sanders du Vermont qui détient une avance constante sur elle dans les sondages du New Hampshire. M. Sanders est contre les grandes banques, les accords commerciaux, les allègements fiscaux pour les riches, et les « Super comités d’action politique » comme ceux qui versent de l’argent dans la campagne de Mme Clinton. Lorsque Sanders a posé sa candidature il y a plusieurs mois, celle-ci semblait extrêmement risquée. Après tout, Sanders ne fait pas de bruit, c’est un mordu intellectuel et un politicien qui tente de corriger l’économie incroyablement déséquilibré des États-Unis.
L’ironie est qu’il n’est pas dans les petits papiers du parti démocrate; il a une tendance socialiste, et est un chalengeur du parti, tout comme Donald Trump l’est – son contraire dans tous les sens du terme – dans le camp républicain.
Au cours du premier débat républicain, Trump était encore en train de jouer avec l’idée de se présenter en candidat indépendant, donnant des frissons aux gros bonnets du « GOP » (le vieux grand parti républicain). Ross Perot et Ralph Nader avant lui avaient joué à ce jeu. Mais après son serment d’allégeance au parti républicain, sa popularité est en plein essor, et il semble être dans la ligne de mire de l’investiture du parti, au grand dam des dirigeants du GOP.
La longue liste de candidats républicains offre quelques éléments aux non-partisans. Après tout, ils sont en concurrence les uns avec les autres pour proclamer leur foi en Dieu, leur aversion envers l’avortement, leur oubli concernant les changements climatiques, ainsi que l’évolution et l’ignorance des autres nations.
Au cours du débat de septembre, dans la bibliothèque Ronald Reagan, organisé par CNN et animé par Jake Tapper, 16 candidats républicains à la présidentielle ont montré tout ce que le parti pouvait offrir aux masses.
Derrière les candidats, une réplique d’Air Force One domine la scène, et chaque candidat doit certainement avoir imaginé voler à bord de celui-ci pour faire son entrée à la Maison Blanche.
Le débat était plus divertissant qu’intéressant. Les candidats étaient en concurrence les uns avec les autres et diffusaient leurs rengaines préparées pour un effet maximum. Bien sûr, l’emphase était mise sur l’étoile de la téléréalité et des affaires Donald Trump, connu pour ses blagues, à l’origine parfois de situations délicates. Cette fois, il a été relativement modéré. Interrogé sur ses commentaires désobligeants concernant l’apparence de la candidate Carly Fiorina, au lieu de présenter des excuses, il a déclaré : « C’est une belle femme, » plus sarcastique qu’une excuse. Et, une fois de plus, il n’a pas traité Fiorina comme tout autre candidat mais plutôt telle une femme qu’il avait le droit de critiquer, favorablement ou non.
De même, lorsque Trump a dû commenter sa déclaration selon laquelle Jeb Bush était influencé par sa femme d’origine mexicaine pour assouplir la question de l’immigration, il n’a pas répondu à l’invitation de Bush de présenter des excuses à sa femme.
M. Trump s’est distingué sur un point de ses rivaux républicains – prêts à déchirer l’accord nucléaire avec l’Iran, et à bombarder le monde – il a déclaré être pour une Amérique militariste forte, mais donnerait d’abord une chance à la diplomatie (comme Rand Paul).
Cependant, sa modération n’a pas aidé à éviter une définition cinglante du chroniqueur du New York Times, David Brooks, qui a écrit, « Son ego est de la taille d’une galaxie, mais son ignorance politique est un vide qui déborde de l’univers connu. Il est le Magicien d’Oz. Quand le rideau tombe, ce qui demeure est pathétique. »
M. Brooks est tout aussi impitoyable envers la position du parti républicain dont les commentaires se résument à quelques déclarations de politique négative, et se condensent à la déclaration suivante : « Un groupe veut déchirer le processus politique et tout bouleverser. Renoncer dès le premier jour à l’accord avec l’Iran, peu importe ce qu’en disent nos alliés. Ignorer la Cour suprême et interdire le mariage homosexuel. Stopper le plan gouvernemental de planning familial. Expulser par magie les 11 millions d’immigrants illégaux. … » « Les autres, comme Lindsey Graham, John Kasich et Jeb Bush, vivent aux limites de la réalité. »
Ceci, bien sûr, concerne la politique intérieure. Quant à la politique étrangère, ils sont d’accord pour une philosophie belliciste, afin d’augmenter la puissance militaire américaine, et s’adresser au reste du monde avec la pointe de l’épée. Rand Paul a été le seul à s’opposer à la philosophie de la gâchette.
Les sénateurs Marco Rubio et Ted Cruz, tous deux descendants d’immigrants cubains, ont essayé de conscientiser leurs rivaux non-hispaniques. Fiorina, qui aurait pu gagné quelques points lors de sa présentation dramatique sur l’avortement, a déclaré que lors de son premier jour à la Maison Blanche, elle appellerait Benyamin Netanyahu d’Israël, lui assurerait le soutien de l’Amérique, puis menacerait les mollahs d’Iran.
Ce genre de soumission ne surprend plus le public, non plus lorsqu’un candidat met les intérêts d’une nation étrangère – peu importe combien amie – au-dessus des États-Unis. D’autres candidats se sont adressés au lobby israélien plutôt qu’aux auditeurs, y compris Cruz et Mike Huckabee, ancien gouverneur de l’Arkansas. Ce dernier ressemblait plus à George Bush, qui a tenu la Bible et a créé le chaos en Irak, avec un million de victimes civiles et 4 500 militaires américains décédés, sans oublier les deux milliards de dollars gaspillés.
Ted Cruz n’a pas manqué l’occasion d’envoyer un message au lobby des armes.
Un autre enfant d’immigrés, Piyush « Bobby » Jindal, boursier du Rhodes Island qui a étudié à Oxford (refusant d’aller à la faculté de médecine de Harvard, et à la faculté de droit de Yale), préfère réduire le budget des écoles de Louisiane et briser les syndicats d’enseignants.
Jeb Bush a eu une attitude corporelle complaisante qui indiquait qu’il avait déjà un pied sur la nomination par ordre dynastique. (Fait intéressant, il partage cette position avec sa rivale démocrate Clinton) Mais il a été surpris lorsque le modérateur lui a demandé pourquoi il disait vouloir être son propre maître, et pourtant avoir réuni les conseillers de son frère, Wolfowitz le néoconservateur, Douglas Feith et d’autres, qui ont déclenché toutes les guerres dévastatrices.
Pris au dépourvu, M. Bush n’a pas été en mesure de répondre directement.
Presque tous les candidats ont essayé d’énumérer leurs réalisations et leurs plans pour reconstruire l’Amérique. Ils ont également eu des remarques désobligeantes envers le président Obama, en dépit de l’amélioration de l’économie, l’adoption de la Loi sur des soins de santé abordables pour des millions d’Américains, et ses victoires en politique étrangère à Cuba et en Iran, par le biais de négociations plutôt que par les armes.
Aussi divertissant qu’ait été le débat, l’idée que l’un de ceux sur la scène puisse en fait devenir président, et avoir le sort du peuple de ce pays, et celui du monde, dans la paume de leur main, fait froid dans le dos.
La majorité des immigrants Arméniens votent démocrate. Plus leur situation économique s’améliore, plus ils optent pour le camp républicain. Bien sûr, comme tous les autres citoyens, les Arméniens doivent voter avec leur conscience, et leur portefeuille. Mais il serait bon d’avoir une ouverture dans les deux partis, d’une manière organisée.
Beaucoup de citoyens américains – y compris ceux qui sont naturalisés – ne voient pas ni se soucient de la politique étrangère des Etats-Unis. Mais les Arméniens, comme les Juifs, doivent être vigilants. Lorsque nous votons pour des bellicistes, ils répandent la dévastation dans les régions où vivent les Arméniens, et la sécurité de la communauté est en danger. Méfiez-vous également des candidats qui ont l’intention d’étendre le spectre de la guerre dans les régions où se trouve l’Arménie.
Nous assisterons à d’autres débats divertissants. Mais pensons sobrement lorsque nous voterons.
Traduction N.P.