Négociations à Washington : les parties sont-elles proches d’un accord de paix ?

Écrit en anglais par Benyamin Poghosian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 6 mai 2023

Les ministres des Affaires étrangères arménien et azerbaïdjanais ont organisé un marathon de négociations de quatre jours à Washington du 1er au 4 mai. Le dernier cycle de négociations qui a duré près d’une semaine a eu lieu il y a 22 ans, toujours aux États-Unis. Les présidents Robert Kotcharian et Heydar Aliev avaient mené des négociations intensives à Key West, en Floride, en avril 2001.

Les négociations de Key West se sont terminées par un succès et l’espoir qu’à l’été 2001, un accord global pourrait être signé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Cela ne s’est pas concrétisé. En mai 2023, personne ne prévoyait qu’un document pourrait être signé à Washington, car des négociations se tenaient entre des ministres et non des chefs d’État.

Cependant, le travail préparatoire intensif effectué par les diplomates américains avant le début de la réunion a indiqué que les États-Unis étaient intéressés à réaliser une percée et éventuellement à préparer un texte, que les dirigeants pourraient ensuite approuver. Alors que des négociations étaient en cours pour préparer une rencontre Pachinian-Aliev à Chisinau lors du deuxième sommet de la communauté politique européenne, prévu le 1er juin 2023, certains experts ont même avancé qu’un document pourrait être signé sinon un traité de paix, au moins une feuille de route, ou un document de principes.

L’implication considérablement accrue des États-Unis dans les négociations Arménie-Azerbaïdjan s’est déroulée dans le contexte de la confrontation Russie-Occident en raison de la guerre en Ukraine. Alors que les États-Unis parlent de la nécessité de mettre fin à la guerre en Ukraine avec une défaite stratégique de la Russie, beaucoup pensent que l’intérêt central des États-Unis dans l’espace post-soviétique, et dans le Caucase du Sud en particulier, est l’affaiblissement de la présence et de l’influence russe. Le principal moteur des efforts américains pour parvenir à un accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est l’espoir qu’un accord ouvre la voie à l’expulsion des casques bleus russes du Haut-Karabagh et, éventuellement, au déplacement de la base militaire russe hors d’Arménie.

La participation de Rouben Roubinian, le représentant spécial de l’Arménie dans le processus de normalisation Arménie-Turquie, aux négociations tenues à Washington est l’indicateur que les discussions ont porté non seulement sur les relations Arménie-Azerbaïdjan, mais aussi sur un contexte régional plus large, y compris l’avenir de l’Arménie et ses relations avec la Turquie.

Les États-Unis se sont bien préparés pour ce cycle de négociations. Le secrétaire d’État Antony Blinken a ouvert les pourparlers, tandis que le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan a rencontré des représentants arméniens et azerbaïdjanais. Selon des informations préliminaires, le marathon des négociations devait se terminer par une déclaration commune et une conférence de presse. Cependant, le 4 mai, nous n’avons eu qu’une courte déclaration du secrétaire Blinken. Il a parlé de progrès significatifs et a déclaré que les parties étaient sur le point de franchir la ligne menant à un accord de paix. Cependant, les déclarations séparées des ministres des Affaires étrangères arménien et azerbaïdjanais étaient moins optimistes. Tout en parlant d’une certaine compréhension mutuelle, ils ont reconnu que les positions sur certaines questions clés demeuraient divergentes.

Le Premier ministre Nikol Pachinian a fait la lumière sur ces questions dans une entrevue accordée à Radio Liberty lors de sa visite en République tchèque. Selon Pachinian, si la distance entre les positions arménienne et azerbaïdjanaise était de 1 km auparavant, les négociations de Washington l’ont réduite à 999 mètres. Bien sûr, un gain d’un mètre est une avancée, mais c’est loin d’être réellement significatif. Selon Pachinian, des désaccords subsistent sur toutes les questions sensibles : les droits et la sécurité des Arméniens du Haut-Karabagh, l’établissement d’un mécanisme international pour les négociations Azerbaïdjan-Haut-Karabagh, le processus de délimitation et de démarcation de la frontière Arménie-Azerbaïdjan, le mécanisme de garanties d’un futur accord de paix et la question des « enclaves ».

Il est apparu que les parties n’avaient fait aucun progrès à Washington, à l’exception de certains accords secrets. L’absence de réalisations tangibles soulève des questions sur le travail préparatoire effectué par les diplomates américains, qui étaient engagés dans la navette diplomatique entre Bakou et Erévan fin avril 2023. Habituellement, si la diplomatie de la navette échoue, les parties acceptent de reporter les sommets suivants plutôt que de faire montre d’un échec public. La décision des Américains d’aller de l’avant avec un sommet de quatre jours signifiait qu’il y avait des accords préliminaires pour transformer le sommet en succès. Cependant, les parties ou au moins une partie ont fait marche arrière durant les négociations.

Le prochain cycle de négociations entre les ministres des Affaires étrangères arménien et azerbaïdjanais aura lieu dans la seconde quinzaine de mai à Moscou, tandis que Pachinian se rendra à Moscou du 8 au 14 mai. Cependant, il est peu probable que les parties parviennent à surmonter leurs différences importantes en deux semaines pour réaliser une percée à Moscou. Pendant ce temps, l’Azerbaïdjan pourrait utiliser l’absence de succès des négociations pour lancer des frappes ciblées contre l’Armée de défense du Haut-Karabagh, qualifiant les frappes d’ « opérations anti-terroristes ». Les autorités des deux républiques arméniennes devraient se préparer rapidement face à un tel scénario et prendre des mesures pour empêcher l’escalade ou atténuer ses implications.

 

Traduction N.P.