L’ego du secrétaire d’État Antony Blinken coûtera la vie aux Arméniens

Écrit en anglais par Michael Rubin et publié dans The Washington Examiner en date du 5 juin 2023.

Michael Rubin contribue au blog Beltway Confidential du Washington Examiner. Il est chercheur principal à l’American Enterprise Institute.

 

Les signes avant-coureurs d’atrocités sont au rouge, mais le secrétaire d’État Antony Blinken persiste à imposer un accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabagh, une enclave de l’actuel Azerbaïdjan traditionnellement peuplée d’Arméniens.

Blinken peut voir un accord de paix comme un succès qu’il pourra claironner dans le contexte d’un mandat dépourvu d’autres réalisations, mais les conséquences de ses actions seront énormes.

Il souhaitera peut-être un prix Nobel de la paix, tout comme le Premier ministre arménien Nikol Pachinian ou même le président azerbaïdjanais Ilham Aliev. C’est peu probable, mais si le Comité Nobel norvégien s’y obligeait, le prix Blinken annoncerait une catastrophe humanitaire, tout comme le prix du Comité Nobel au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed en 2019.

Les problèmes engendrés par le plan de paix de Blinken sont énormes.

Les démocraties ne devraient pas intimider leurs collègues démocrates pour qu’ils cèdent à la terreur face à l’agression. Le Département d’État ne devrait pas non plus démanteler les démocraties et les forcer à se soumettre à la dictature. Plus alarmant encore, Blinken ignore rapidement les abus d’Aliev, alors même qu’Aliev incite au génocide et nie la légitimité de toute une population.

Alors que les terres arméniennes sont tombées sous le contrôle de l’Azerbaïdjan, les Azerbaïdjanais ont démoli des églises et détruit un cimetière millénaire. Comme les extrémistes palestiniens le font envers les Juifs de Terre Sainte, ils ont nié tout lien historique entre les communautés arméniennes et les terres sur lesquelles ils ont vécu pendant des milliers d’années, depuis la fondation du premier État chrétien du monde il y a 1 722 ans. C’est pourquoi les restaurateurs azerbaïdjanais poncent les inscriptions arméniennes des églises et insistent sur le fait qu’elles appartiennent à des intrus Albanais plutôt qu’à d’anciens arméniens.

Le silence de Blinken alors que l’Azerbaïdjan exige que les prêtres arméniens abandonnent le monastère de Dadivank suggère son indifférence face à l’éradication culturelle.

Aliev, quant à lui, trouve du réconfort parmi ces flagorneurs qui nient toute légitimité à la population arménienne, rejetant leur communauté du Haut-Karabagh comme n’étant pas plus réelle que « Narnia ». Cela dit, le silence de Blinken est la règle plutôt que l’exception. Que ce soit au Nigeria, en ce qui concerne les Ouighours ou dans le Caucase du Sud, Blinken a été le pire secrétaire d’État de la liberté religieuse, du moins depuis que Cordell Hull a insisté pour renvoyer les Juifs vers l’Allemagne nazie alors que l’Holocauste se profilait.

Depuis la chute de l’Union soviétique, la communauté arménienne du Haut-Karabagh s’est organisée démocratiquement. Freedom House les a classés plus démocratiques que l’Azerbaïdjan, un pays que Freedom House cite parmi les pires dictatures du monde.

Les choses ont chauffé cette semaine.

Le 28 mai, Aliev a exigé la reddition du président élu du Haut-Karabagh, mais a suggéré qu’il offrirait l’amnistie aux autres administrateurs et élus arméniens de souche s’ils acceptaient le régime azerbaïdjanais. Bizarrement, le Département d’État a salué l’offre d’Aliev.

Cela ouvre la porte à une catastrophe humanitaire.

Dès que les Arméniens de souche se placeront sous le règne d’Aliev, ils deviendront des sujets azerbaïdjanais sans aucun droit civil ou humain à proprement parler. Aliev a déjà montré du mépris pour les Arméniens en les soumettant à un blocus de cinq mois sur la nourriture, les médicaments et le carburant. Il a séparé les enfants en âge d’aller à l’école primaire de leurs parents et les personnes âgées de leurs soignants en permettant à certains de se rendre en Arménie, pour mieux leur refuser le droit de retour.

Pendant la guerre du Haut-Karabagh de 2020 et après, les forces azerbaïdjanaises ont adopté la terreur comme tactique. Ils ont fait circuler des vidéos de décapitations de prisonniers, de mutilations et de destructions de cimetières pour à la fois désensibiliser leur propre population et forcer la fuite des Arméniens.

Si Blinken impose la paix, attendez-vous à ce que la tactique azerbaïdjanaise s’accélère.

L’Azerbaïdjan peut vouloir le Haut-Karabagh, mais il ne veut pas de ses habitants. Il traitera la capitale régionale Stepanakert comme les nationalistes serbes ont traité les musulmans bosniaques de Srebrenica. La logique reste la même : assassiner 8 000 personnes mais forcer 10 fois plus à fuir en révélant l’impuissance des casques bleus et des diplomates.

Il est temps d’en finir avec l’équivalence morale. La démocratie devrait être le précurseur de la paix. Il en va de même pour la fin de l’incitation à la haine ethnique dans les manuels et les médias azerbaïdjanais. Retarder la démarcation des frontières jusqu’après la paix ne fait que donner à l’Azerbaïdjan le feu vert pour revenir sur ses engagements.

Durant l’administration Obama, l’ego, la naïveté et l’ambition de Jake Sullivan ont fait le jeu des Iraniens et ont amené la République islamique au bord de l’éruption nucléaire. Le prix de l’ego, de la naïveté et de l’ambition de Blinken sera payé en dizaines de milliers de vies arméniennes.

 

Traduction N.P.