Le 19 septembre, l’Azerbaïdjan a lancé une offensive à grande échelle contre la République autoproclamée du Haut-Karabagh avec un seul objectif : en finir avec cette république.
L’attaque azerbaïdjanaise n’a surpris personne. Au moins depuis le début de l’année 2023, l’Azerbaïdjan a déclaré clairement et haut et fort que Bakou ne tolérerait pas le statu quo apparu après la guerre du Haut-Karabagh de 2020 et ferait tout son possible pour détruire la République du Haut-Karabagh. L’Azerbaïdjan a également clairement indiqué qu’il atteindrait son objectif rapidement. Depuis le début de septembre 2023, alors que l’Azerbaïdjan commençait à concentrer ses troupes le long de la ligne de contact, il était clair que l’offensive militaire aurait lieu très rapidement. L’Arménie savait que la Russie le savait, l’Union européenne (UE) et les États-Unis le savaient, et les autorités du Haut-Karabagh le savaient également. Quelles étaient les positions des parties concernant la prochaine offensive de l’Azerbaïdjan ?
L’Arménie pensait qu’elle ne pouvait et ne devait rien faire. Cela n’a pas été possible car l’équilibre militaire était largement en faveur de l’Azerbaïdjan, car au cours des trois années qui ont suivi la guerre de 2020, l’Arménie n’a pas réussi à entreprendre des réformes militaires significatives. L’Arménie n’aurait rien dû faire car le Haut-Karabagh ne fait pas partie de l’Arménie mais de l’Azerbaïdjan. Il est donc de la responsabilité de la Russie, qui disposait de soldats de maintien de la paix, et de l’Occident, qui parlait du caractère inacceptable des violations du droit international humanitaire et des meurtres de civils, d’empêcher l’offensive azerbaïdjanaise.
La Russie pensait que si l’Arménie ne se souciait pas des Arméniens du Haut-Karabagh, qui détiennent des passeports arméniens, alors la Russie ne devrait pas ruiner ses relations avec l’Azerbaïdjan et la Turquie en entrant dans une confrontation militaire avec Bakou. Ce que la Russie pouvait et devait faire, c’est chercher à protéger les civils autant que possible et garantir le déploiement de soldats de maintien de la paix russes au moins jusqu’en novembre 2025.
L’UE s’est opposée aux violations des droits de l’homme mais a déclaré qu’elle n’était pas présente sur le terrain. Ainsi, elle ne pouvait pas faire grand-chose pour empêcher une nouvelle attaque azerbaïdjanaise. Elle est prête à aider l’Arménie à faire face à la nouvelle vague de réfugiés du Haut-Karabagh et à y envoyer une aide humanitaire si l’Azerbaïdjan le permet.
Les États-Unis ont publiquement mis en garde contre le caractère inacceptable d’une nouvelle attaque contre le Haut-Karabagh. Cependant, comme l’intérêt principal des États-Unis dans la région est la diminution de la présence et de l’influence russes, l’exode « doux/volontaire » des Arméniens du Haut-Karabagh, qui pourrait entraîner le retrait des soldats de maintien de la paix russes de la région, n’était pas contraire à la stratégie et aux intérêts américains. Pendant ce temps, la prise de contrôle du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan pourrait déclencher davantage de sentiments antirusses en Arménie, ce qui serait tout à fait conforme aux intérêts régionaux des États-Unis.
Ainsi, pour différentes raisons, tous les acteurs extérieurs, y compris l’Arménie, n’étaient pas prêts à prendre des mesures concrètes pour empêcher une nouvelle attaque azerbaïdjanaise. Les autorités du Haut-Karabagh ont décidé de changer de direction, espérant probablement que les idées modérées du nouveau président, qui a parlé du « statut du Haut-Karabagh », évitant d’utiliser le terme d’indépendance, pourraient créer une base pour toute sorte de discussion significative avec l’Azerbaïdjan. Cependant, ce dernier a utilisé les élections présidentielles du 9 septembre comme un « casus belli » pour son offensive bien préparée.
Parce que le Haut-Karabagh était complètement seul face à l’Azerbaïdjan, avec seulement 120 000 habitants affamés à cause du blocus, le résultat de l’attaque azerbaïdjanaise était clair pour tout le monde. La seule question était de savoir durant combien de temps le Haut-Karabagh pourrait résister. Il est apparu qu’après 24 heures d’hostilités, le Haut-Karabagh a été contraint d’accepter les exigences de l’Azerbaïdjan, notamment la dissolution et le désarmement de l’armée de défense. En 24 heures, l’armée azerbaïdjanaise a pénétré le territoire, entourant les régions de Martakert et de Martouni, et était sur le point d’entrer dans Stepanakert.
Après la conclusion d’un accord de cessez-le-feu le 20 septembre et la rencontre entre les représentants des Arméniens du Haut-Karabagh et de l’Azerbaïdjan à Yevlakh le 21 septembre, la question cruciale est de savoir quelle est la prochaine étape ? Que peut-on et doit-on faire maintenant ?
La tâche immédiate consiste à rétablir l’approvisionnement en marchandises humanitaires et en électricité au Haut-Karabagh, car de nombreuses personnes pourraient mourir de faim dans les prochains jours. Une autre tâche urgente est de mettre fin au blocus des villages et des villes du Haut-Karabagh par l’armée azerbaïdjanaise, afin d’évaluer la situation de la population et d’acheminer l’aide. Des centaines, voire des milliers, manquent à l’appel ; des mesures devraient être prises pour clarifier leur sort. Le 22 septembre, les soldats de maintien de la paix russes ont livré 50 tonnes de marchandises humanitaires à Stepanakert, et ce processus doit se poursuivre.
Entre-temps, des décisions doivent être prises concernant l’avenir des Arméniens du Haut-Karabagh. Très bientôt, probablement d’ici la fin 2023, les institutions de l’État de la République du Haut-Karabagh seront dissoutes et « l’intégration de la région » à l’Azerbaïdjan commencera. Cela peut impliquer la diffusion de passeports azerbaïdjanais, l’utilisation de la monnaie azerbaïdjanaise et la création d’institutions publiques azerbaïdjanaises – telles que la police, les services fiscaux, etc.
Cependant, peu d’Arméniens, voire aucun, ne souhaiteraient vivre sous la juridiction azerbaïdjanaise sans aucune présence ni garantie internationale. Pour ces personnes, l’accès aux organismes internationaux, notamment aux agences compétentes des Nations unies, devrait être assuré au Haut-Karabagh, à la fois pour organiser l’évacuation et pour fournir au moins des garanties de base aux Arméniens qui, pour quelque raison que ce soit, souhaiteraient rester. L’Arménie, la Russie, l’Union européenne et les États-Unis devraient obliger l’Azerbaïdjan à assurer un passage sécurisé par le corridor de Latchine à tous les Arméniens qui souhaitent partir, y compris la population masculine, car l’Azerbaïdjan a ouvert des poursuites pénales contre beaucoup d’entre eux. La communauté internationale devrait fournir une aide humanitaire d’urgence à l’Arménie pour faire face à cette nouvelle vague de réfugiés, qui pourrait entrer en Arménie dans les mois à venir.
Ces tâches – l’accès au Haut-Karabagh pour les agences des Nations unies, l’évacuation en toute sécurité vers l’Arménie de tous les Arméniens qui n’accepteraient pas de vivre sous la juridiction azerbaïdjanaise et l’aide humanitaire d’urgence à l’Arménie pour faire face aux nouvelles vagues de réfugiés – devraient être réalisées très rapidement, afin d’éviter une tragédie humaine encore plus importante.
Traduction N.P.