Écrit en anglais par Michael Rubin et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 11 avril 2024
Michael Rubin est directeur de l’analyse politique au Middle East Forum et chercheur principal à l’American Enterprise Institute.
Le 5 avril, le secrétaire d’État américain Antony Blinken et l’administratrice de l’USAID Samantha Power, aux côtés de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et du chef des Affaires étrangères de l’Union européenne Josep Borrell, ont rencontré le Premier ministre arménien Nikol Pachinian à Bruxelles. Le Département d’État a déclaré que l’objectif de cette réunion était de « réaffirmer le soutien à la souveraineté, à la démocratie, à l’intégrité territoriale et à la résilience socio-économique de l’Arménie ». La Turquie a réagi avec fureur et sans ironie, qualifiant l’implication diplomatique de Washington et de Bruxelles de violation de la neutralité puisque l’affaire ne les concernait pas.
Pour souligner l’engagement des États-Unis et de l’Europe en faveur de la sécurité et de la résilience économique de l’Arménie, les États-Unis et l’Union européenne ont promis de décaisser 290 millions de dollars sur quatre ans.
L’administration Biden et les responsables européens voudront peut-être considérer cet argent comme un signe de leur engagement envers l’Arménie, mais l’offre fait en réalité le contraire.
Offrir à l’Arménie 72,5 millions de dollars par an s’apparente à un manque de sérieux. C’est un tiers de ce que les États-Unis accordent à la République centrafricaine, avant même d’y ajouter la contribution européenne, et à peine plus que l’aide à la Moldavie, un ancien État soviétique ayant à peu près la même population. Plutôt que de véritablement soutenir l’Arménie dans son tournant vers l’Occident, le Département d’État et l’USAID donnent donc à l’Arménie une injection pour qu’elle se joigne à la ligne de départ.
Depuis trop longtemps, Blinken et Power cherchent à associer toute concession à l’Arménie à un apaisement à l’égard de l’Azerbaïdjan. Ils le refont maintenant. Il est vrai que l’aide étrangère américaine à l’Azerbaïdjan est en retard sur celle de l’Arménie. Cela n’est pas surprenant, étant donné que l’Azerbaïdjan reçoit chaque année des dizaines de milliards de dollars de revenus provenant des hydrocarbures. Néanmoins, le Département d’État et l’USAID ont augmenté l’aide étrangère à l’Azerbaïdjan de plus de 1100% depuis 2021. De telles actions ont des conséquences. L’Azerbaïdjan aurait reçu plus d’une livraison d’armes par jour, provenant d’Israël et du Pakistan.
Une telle accumulation survient non seulement après que l’Azerbaïdjan ait déraciné et expulsé la population arménienne native du Haut-Karabagh, mais aussi alors qu’il continue d’attaquer l’Arménie proprement dite et d’occuper les terres arméniennes.
Le poste de surveillance en construction de la frontière azerbaïdjano-arménienne près de Nerkin Khndzoresk était simple : un bâtiment de deux étages destinés à fournir des locaux d’habitation et de travail aux gardes-frontières arméniens de la région. À moins d’un kilomètre de là, le nouveau poste azerbaïdjanais était également visible, avec un radar avancé, des installations d’atterrissage et de carburant pour hélicoptères, des lance-roquettes et des nids de mitrailleuses. En d’autres termes, l’Arménie a construit un poste frontière, l’Azerbaïdjan a construit une base opérationnelle avancée pour poursuivre sa guerre.
Les Arméniens aux États-Unis devraient comparer l’offre américano-européenne avec l’aide accompagnant d’autres processus de paix. L’Égypte reçoit environ 1,3 milliard de dollars par an pour adoucir son adhésion aux accords de Camp David. Cela représente des dizaines de milliards de dollars d’assistance militaire. Israël a reçu encore plus.
Il y a ensuite la Corée du Nord, le pays le plus répressif au monde et un État parrain désigné du terrorisme. Après que Pyongyang ait signé l’accord-cadre de 1994, Washington lui a fourni plus de 400 millions de dollars d’aide énergétique malgré ses tricheries persistantes.
La recherche de la paix est louable, mais lorsqu’elle se déroule au hasard, elle compromet la sécurité et encourage l’agression. Blinken et Power ne doivent pas s’attendre à des applaudissements pour leur programme d’aide, mais plutôt à de l’opprobre, car ils montrent à quel point ils ne sont pas sérieux. Une tempête se prépare dans le Caucase. L’Arménie est confrontée à une menace existentielle de la part de l’Azerbaïdjan et à l’idéologie irrédentiste et génocidaire de la Turquie ainsi qu’au péril économique d’un président russe renaissant et vengeur, Vladimir Poutine.
70% des 5,7 milliards de dollars que l’Arménie reçoit en envois de fonds proviennent de Russie. La Russie représente également 40% du marché d’exportation de l’Arménie et une source majeure de son énergie. En d’autres termes, alors que l’Arménie est potentiellement confrontée à un blocus à l’échelle de la crise de Berlin, Blinken et Power souhaitent fournir à l’Arménie 2,5 % de ce qu’ils risquent de perdre. C’est l’équivalent diplomatique de donner un bonbon à la menthe à un enfant affamé au Soudan et de déclarer que c’est la preuve que les États-Unis sont inébranlables face à la faim.
Après la trahison de la Russie dans le Haut-Karabagh et ses efforts manifestes pour s’immiscer violemment dans la politique arménienne, les Arméniens méritent une véritable démocratie, une sécurité et un partenariat réels. Power a fait carrière en écrivant sur le génocide arménien, et le président Biden l’a reconnu. Blinken, quant à lui, recherche l’autorité morale de l’expérience de l’Holocauste de son beau-père.
Comme il est donc triste qu’ils ne semblent pas reconnaître que le génocide arménien n’est pas un événement historique oublié, mais une menace imminente que la négligence peut catalyser.
Traduction N.P.