L’Arménie a exhorté le 16 avril la Cour internationale de Justice (CIJ) à tenir l’Azerbaïdjan pour responsable du nettoyage ethnique des Arméniens du Haut-Karabagh.
« Après avoir menacé de le faire pendant des années, l’Azerbaïdjan a achevé le nettoyage ethnique de la région et efface désormais systématiquement toute trace de la présence d’Arméniens de souche », a déclaré le représentant de l’Arménie, Yeghishe Kirakosian, lors de la deuxième journée d’audience devant la plus haute cour de l’ONU.
« Il n’y a pas de meilleur exemple de discrimination raciale, bouleversant la paix et la sécurité, que les récentes agressions armées de l’Azerbaïdjan qui ont abouti à un nettoyage ethnique de tout le Haut-Karabagh », a-t-il déclaré.
« Au grand regret de l’Arménie et de la communauté internationale, même cette Cour n’a pas été en mesure d’arrêter la course au nettoyage ethnique par l’Azerbaïdjan. En septembre 2023, après avoir affamé les Arméniens de souche du Haut-Karabagh pendant neuf mois en bloquant le couloir de Latchine, en violation flagrante des deux ordonnances de mesures provisoires de la Cour, l’Azerbaïdjan a lancé une attaque non provoquée, tuant des centaines de personnes et forçant plus de 100 000 Arméniens de souche à fuir leurs terres ancestrales », a déclaré Kirakosian. »
Lundi 15 avril, l’Azerbaïdjan a déclaré au tribunal que la plupart des plaintes de l’Arménie liées aux conflits armés du Haut-Karabagh ne relevaient pas du champ d’application du traité de l’ONU.
Il a également accusé l’Arménie de ne pas s’engager véritablement dans des négociations avant de porter l’affaire devant la CIJ. Kirakosian a rejeté ces affirmations.
« L’Arménie a négocié de bonne foi avec l’Azerbaïdjan et a poursuivi les discussions bien au-delà de leur utilités », a-t-il déclaré.
« L’Arménie n’a aucune revendication sur le territoire azerbaïdjanais et est déterminée à établir les conditions d’une paix véritable et durable », a déclaré Kirakosian.
« L’histoire nous a appris qu’une véritable paix se construit sur la justice, la responsabilité, la vérité et la réconciliation », a déclaré le représentant de l’Arménie.
Le professeur de droit international Pierre d’Argent, représentant l’Arménie, a répondu le 16 avril aux objections préliminaires soulevées par l’Azerbaïdjan.
« La deuxième exception préliminaire de l’Azerbaïdjan vise à exclure du débat sur le fond seulement certaines allégations de violation de la Convention formulées par l’Arménie, à savoir les allégations de détentions arbitraires d’Arméniens de souche, les allégations de disparitions forcées d’Arméniens de souche, enfin, les allégations de l’Arménie relatives à divers actes de violence commis contre les Arméniens de souche », a déclaré Pierre d’Argent.
« Comme vous le savez, la position de l’Azerbaïdjan a apparemment changé au cours de la procédure. La question est cependant de savoir si elle a réellement évolué, car il est difficile de savoir ce qui a changé. Les distinctions faites par l’Azerbaïdjan sont dénuées de pertinence et de sens au regard de la Convention, d’autant plus qu’il ne fait aucun doute que le conflit entre l’Azerbaïdjan et les Arméniens de souche lorsqu’ils vivaient au Haut-Karabagh avait des origines et des dimensions ethniques très marquées. L’Azerbaïdjan a reconnu que le conflit dont est saisie la Cour est un « conflit ethnique ».
Il a poursuivi : « Ce conflit n’est donc pas une guerre interétatique ordinaire, contrairement à ce que, de manière parfaitement contradictoire et décontextualisée, l’Azerbaïdjan tente de vous convaincre en affirmant qu’au sein de ce conflit se produisent des actes de violence particulièrement cruels et choquants qui n’ont rien à voir avec l’origine ethnique de leurs victimes.
« Ce conflit est un conflit ethnique car pendant trois décennies, sous prétexte d’intégrité territoriale, l’Azerbaïdjan a refusé d’accepter l’autodétermination des Arméniens vivant sur leurs terres ancestrales du Haut-Karabagh. Ce conflit était et est toujours ethniquement motivé et discriminatoire, tout comme la décision de l’Azerbaïdjan de mettre fin à cette autodétermination par ses opérations militaires en 2020 et, finalement, en septembre 2023, était ethniquement motivée et discriminatoire. Ce que l’Azerbaïdjan, par la voix de son président, appelle sa « guerre de libération » ou sa « guerre patriotique », a impliqué de nombreuses violations discriminatoires des droits fondamentaux des Arméniens de souche, y compris lorsqu’ils ont pris part aux hostilités. De plus, cette guerre a abouti au nettoyage ethnique complet du Haut-Karabagh, au mépris des ordonnances de la Cour, qui visaient à protéger des droits plausibles de la Convention qui étaient gravement menacés.
« Selon son propre récit national, l’Azerbaïdjan s’est ainsi « libéré » en menant la guerre fin 2020, puis, après un cessez-le-feu complet, en poursuivant ses objectifs en étranglant progressivement le Haut-Karabagh, jusqu’au coup de force en septembre 2023, par laquelle les habitants de souche arménienne du Haut-Karabagh ont été chassés. Ainsi, pour l’Azerbaïdjan, sa « libération » impliquait le rejet de toute autonomie des Arméniens de souche et, finalement, leur exclusion forcée de leurs terres ancestrales, qui se consolide par le déni, la destruction ou l’altération de toute trace de la présence arménienne séculaire sur ce territoire. Ceci, Mesdames et Messieurs de la Cour, est l’objectif et le fruit de la « guerre patriotique » de l’Azerbaïdjan: une patrie sans Arméniens de souche », a fait remarquer le professeur de droit.