Possibles changements dans la politique étrangère des États-Unis envers le Caucase du Sud

Écrit en anglais par Souren Sargissian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 13 août 2024

 

Nombreux sont les curieux voulant connaitre les changements et l’avenir de la politique étrangère américaine selon qui de Kamala Harris ou de Donald Trump remporteront l’élection présidentielle. Certains pensent que l’approche de Harris reflétera étroitement celle de Joe Biden, en se concentrant sur le soutien continu à l’Ukraine, le renforcement des relations avec l’OTAN et le maintien de la pression sur la Russie et la Chine. En revanche, d’autres soutiennent qu’une présidence Trump ressemblerait à son mandat précédent, caractérisé par des pressions sur l’OTAN, un engagement limité dans les affaires internationales sauf pour certaines priorités, un soutien inébranlable à Israël, des pressions sur l’Iran et des changements dans les relations avec la Russie et la Chine. Cependant, nous nous concentrerons sur les implications de la politique étrangère américaine dans le Caucase du Sud, en particulier en ce qui concerne l’Arménie, selon Harris ou Trump.

Le 21 juillet, le président américain Biden a annoncé son retrait de la course à la présidentielle et a soutenu Kamala Harris comme candidate du Parti démocrate. Biden est devenu le troisième président de l’histoire des États-Unis à suivre une telle ligne de conduite. Les deux autres présidents par intérim qui avaient précédemment décidé de ne pas poursuivre un autre mandat de président ont été le 33e président, Harry S. Truman, et le 36e président, Lyndon B. Johnson.

Les élections présidentielles américaines sont lourdes de conséquences pour la politique étrangère des États-Unis et pour le monde entier. Ainsi, la décision de Biden va inévitablement influencer l’avenir de la politique étrangère américaine. Outre Harris et Trump, il existe un troisième candidat indépendant à la présidence : l’avocat-activiste Robert F. Kennedy Jr. Il peut causer des problèmes à Trump et à Kamala en remportant des scrutins importants dans des États charnières où ses simples milliers de voix peuvent changer le résultat des votes des États pivot et, en fin de compte, aura un impact sur le résultat des élections présidentielles. Mais la bataille principale se déroulera néanmoins entre les deux premiers. Et quel que soit le candidat élu, une chose est sûre : la trajectoire de la politique étrangère américaine va subir un certain changement. En conséquence, la politique étrangère américaine à l’égard de la région du Caucase du Sud va également changer.

Premièrement, sous l’administration Biden, les États-Unis ont assumé le rôle de médiateur actif pour réguler les relations arméno-azerbaïdjanaises et encourager activement le règlement des relations arméno-turques. Cependant, cette approche n’est pas nouvelle, puisque toutes les administrations américaines, à commencer par l’administration de George HW Bush, ont mené une politique active de régulation des relations arméno-turques et arméno-azerbaïdjanaises. Ce qui est très différent aujourd’hui, c’est que l’Arménie est prête à faire des concessions unilatérales, ce qui n’était jamais arrivé sous aucun autre président. Cela ouvre également une nouvelle fenêtre de possibilité aux États-Unis afin de réduire l’influence de la Russie à travers le règlement des conflits dans le Caucase du Sud. Nous avons donc observé une implication américaine beaucoup plus active dans la région.

Quant à Kamala Harris, il convient de noter qu’elle a activement coopéré avec les lobbyistes arméniens au cours de ses années de sénatrice et qu’elle a soutenu certaines initiatives pro-arméniennes. En 2019 et 2020, Kamala Harris a signé les lettres de soutien au déminage de l’Artsakh, en 2020 elle a signé une lettre à la Bibliothèque du Congrès les exhortant à catégoriser correctement le génocide arménien, et elle a publié une déclaration le 24 avril marquant le génocide arménien en 2019/2020. Mais parallèlement, Harris n’a pas coparrainé ni soutenu la résolution sur les droits de l’homme et l’interdiction des armes en Azerbaïdjan, elle n’a pas non plus coparrainé la résolution sur les droits de l’homme et l’interdiction des armes en Turquie et n’a pas signé la déclaration de 2020 condamnant les attaques de l’Azerbaïdjan et de la Turquie contre l’Arménie et l’Artsakh. Bien qu’elle ait été sénatrice représentant la Californie, elle ne s’est jamais distinguée par ses initiatives pro-arméniennes actives.

Pour comprendre quelle sera la politique étrangère de Harris si elle devient la nouvelle présidente des États-Unis, il faut garder à l’esprit qu’elle n’a pas beaucoup d’expérience en politique étrangère et qu’elle s’appuiera principalement sur les opinions de ses conseillers, contrairement au président Biden, qui possédait une expérience et une connaissance approfondies de la politique étrangère américaine et des relations internationales en général.

En cas de victoire de Trump, le règlement des relations arméno-azerbaïdjanaises et arméno-turques serait retardé et une certaine passivité s’ensuivrait. Nous avons observé le déroulement de la politique étrangère de Trump jusqu’en 2021, y compris la guerre de 44 jours au Haut-Karabagh. Trump a adopté une position plutôt passive, se limitant à quelques tweets et déclarations qui n’impliquaient pas de mesures concrètes vers la résolution du conflit. Le seul engagement significatif de l’administration Trump dans cette guerre a été la rencontre entre son conseiller à la sécurité nationale et la communauté arménienne, ainsi que le troisième cessez-le-feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan négocié par les États-Unis et qui n’a pas duré longtemps. L’administration Trump n’a eu aucune autre implication substantielle et il n’y a aucune raison de penser que cela changera au cours d’un second mandat.

Il est possible qu’il adopte à nouveau une politique quelque peu isolationniste. À l’instar de ses premières années de mandat, Trump accordera probablement la priorité au traitement des questions critiques vitales pour les États-Unis, telles que le Moyen-Orient, la résolution du conflit en Ukraine et la clarification des relations avec la Chine. Compte tenu de la forte probabilité que Trump veuille réguler les relations avec la Russie et mettre fin à la guerre russo-ukrainienne, cela signifie que la Russie commencera à prendre des mesures plus actives dans le Caucase du Sud, notamment en assumant le rôle de médiateur principal dans le règlement du conflit arméno-azerbaïdjanais.

En résumé, quel que soit le résultat de ces élections, que soient vainqueurs l’actuelle vice-présidente Kamala Harris ou l’ancien président Donald Trump, la politique active des États-Unis à l’égard de l’Arménie déclinera en partie.

 

Traduction N.P.