Lors de son dernier discours sur l’état de l’Union, le président Barack Obama a annoncé qu’une autre guerre avait été évitée, faisant référence à l’accord sur le nucléaire iranien, qui a levé les sanctions imposées à l’Iran en échange du démantèlement des armes nucléaires.
L’accord historique a été signé le 14 juillet 2015, à Vienne, entre les six grandes puissances et l’Iran, et a pris effet le 16 janvier, après que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ait certifié la conformité de l’Iran avec l’accord concernant le programme nucléaire du pays et le Plan conjoint d’action global (JCPOA).
Ainsi, le régime des sanctions imposées à l’Iran par les Etats-Unis a été considérablement affaibli.
Les sanctions avaient été imposées par un décret présidentiel et par l’action du Congrès en 1979, et ont été étendues en 1995. Les premières sanctions peuvent être levées par le président, mais les secondes dépendent de l’action du Congrès, qui pourraient rencontrer quelques obstacles en fonction de la configuration du prochain congrès.
Il y a certainement eu une certaine jubilation en Iran ainsi qu’un soupir de soulagement dans toute la région, mais également certains discours musclés sur le sentier de la campagne présidentielle américaine. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui avait obtenu des milliards de dollars d’aide américaine supplémentaire pour Israël et avait réussi à diviser le lobby israélien aux Etats-Unis, a acquiescé à contrecœur à la nouvelle situation. Il a continué à affirmer que « l’Iran n’a pas renoncé à ses ambitions nucléaires » et qu’il allait continuer de surveiller étroitement ses actions. Sur le sentier de la campagne présidentielle, le candidat républicain Ted Cruz a promis de se débarrasser de l’accord nucléaire iranien dès son premier jour au pouvoir, les yeux tournés sur Netanyahu, plutôt que vers l’électorat américain.
Le président Obama est parvenu à faire adopter l’accord avec l’Iran contre toute attente, comme le rapprochement avec Cuba, parce qu’il a été capable de lire la lassitude du public envers la guerre après la perte de plusieurs milliards de dollars de l’argent des contribuables américains et le sang de jeunes en uniforme. Cette lassitude envers la guerre s’est reflétée dans les défaites successives des campagnes de John McCain et Mitt Romney, pour qui une défense solide était un euphémisme, afin de participer à une autre guerre, le tout sous le couvert de patriotisme, tout en dirigeant l’argent des contribuables vers le complexe militaro-industriel.
Aucune nation dans le monde ne peut égaler, ni contester la suprématie militaire des Etats-Unis dans un avenir prévisible. Voilà pourquoi le leadeur travailliste britannique de l’opposition Jeremy Corbyn préconise la mise hors service des sous-marins nucléaires du Royaume-Uni, symboles du gaspillage de l’argent des contribuables.
L’Iran était sous le radar militaire de l’administration Bush-Cheney avec l’Irak, la Syrie et la Libye, qui jouissent des fruits du « renforcement de la démocratie » dans leurs bains de sang respectifs.
Malgré la diabolisation du régime de Téhéran, les mollahs ont prouvé qu’ils étaient compétents pour jouer le jeu de la diplomatie et extraire leur pays de l’isolement politique.
La diplomatie éprouvée pourrait aussi conduire à un règlement du cauchemar syrien, dans lequel Téhéran est un acteur primordial.
Incidemment, l’Occident utilise et approfondit les lignes de fracture religieuses au Moyen-Orient afin de fragmenter et de pulvériser plusieurs pays arabes. Malgré le fait que ces lignes de faille ont historiquement existé, elles ont explosé seulement au cours des dernières décennies, ont servi d’autres intérêts, et ont conduit à un nouveau profil de la région. Toutefois, ironiquement, l’Iran est devenu le principal bénéficiaire et la conséquence involontaire de la politique de « diviser pour régner, » de la mobilisation du monde islamique au sein de la fracture entre sunnites et chiites.
Téhéran jouit actuellement d’une grande influence en Irak, au Liban, à Bahreïn, au Yémen (chiites houthis) et parmi les chiites du Koweït. En Syrie, l’Iran soutient les Alewis, une branche chiite. Il y a plus de 4 millions de chiites en Arabie Saoudite, qui vivent juste à côté des puits de pétrole saoudiens. Ainsi, l’Iran domine le « croissant chiite » dans la région, plutôt que l’Arabie saoudite, la Turquie et Israël, des compagnons de lit hors norme.
L’Iran a la huitième plus grande armée du monde, pour une population de 80 millions, en croissance au rythme d’un million par année.
Le Fonds monétaire international estime que le PIB de l’Iran pour l’année a été de 393 500 millions de dollars, une croissance de 1% en dépit des sanctions. Selon les prévisions, il augmentera de 4,5 à 5% en 2016-2017.
À la suite de la levée des sanctions, 100 milliards de dollars d’avoirs gelés seront débloqués pour stimuler l’économie. Avec la levée des sanctions, l’Iran pompera plus de 500 000 barils de pétrole par jour pour un total de 2 millions de barils.
Téhéran assure les membres de l’OPEP que le pompage supplémentaire n’aura pas d’impact sur le marché du pétrole, puisque l’acheteur principal est la Chine, qui a déjà négocié avec l’Iran, et ce malgré les sanctions.
L’Arménie est le seul pays qui a eu des relations amicales stables avec l’Iran, et est donc en mesure de participer de toutes les façons positives à relier l’Iran au reste du monde. En fait, elle peut agir comme un pont entre l’Iran et l’Europe.
« Nous saluons le début de la mise en œuvre de l’accord sur le programme nucléaire iranien et la levée des sanctions envers l’Iran, » a déclaré cette semaine le ministre des Affaires étrangères d’Arménie, Edouard Nalbandian.
Le gouvernement de Téhéran a déjà indiqué qu’il était prêt à développer davantage de relations économiques avec Erévan.
Lors d’une visite en octobre dernier en Arménie, le premier vice-président d’Iran, Eshaq Jahangiri, a discuté des projets avec les dirigeants arméniens, leur disant que la partie iranienne était prête à renforcer « sans limites » les relations arméno-iraniennes.
Outre le développement économique entre les deux pays, l’Arménie bénéficiera de la reconfiguration des réalignements géopolitiques de la région.
En premier lieu, l’Iran offre le gaz moins cher à la Géorgie. Si un accord est conclu entre les deux pays, les pipelines traverseront l’Arménie. En raison des nécessités économiques, Tbilissi a pris le parti de Bakou, source de son gaz, devenant ainsi le troisième membre du blocus imposé par la Turquie et l’Azerbaïdjan. Ce blocus sera desserré si les intérêts de la Géorgie sont mieux servis par l’Iran. L’Azerbaïdjan, dont la monnaie, le manat, a subi une chute spectaculaire récemment, va encore perdre sur le marché du gaz avec l’émergence de l’Iran comme puissance importante dans la région. La Turquie enfin, adversaire tenace de l’Iran, va encore perdre du terrain dans la région, en plus de sa confrontation avec la Russie.
En août dernier, l’Iran et l’Arménie ont finalisé un accord sur la construction d’une nouvelle ligne de transport qui stimulera l’exportation de l’électricité arménienne vers l’Iran, qui à son tour va payer avec du gaz naturel livré par un pipeline qui est utilisé à pleine capacité. Le ministre de l’Energie Yervant Zakarian a annoncé qu’avec le déblocage de ses actifs, l’Iran sera en mesure de financer la construction de la centrale hydroélectrique de la rivière Arax. Le projet de 350 millions de dollars avait été mis de côté en raison d’un manque de fonds.
L’Arménie est dépendante de son approvisionnement en gaz de Gazprom de Russie. Avec la disponibilité d’un plus grand marché de gaz iranien, Erévan sera en mesure de négocier un taux inférieur avec la Russie.
Jusqu’à présent, les exportations d’Arménie vers l’Iran étaient limitées en raison des tarifs élevés de l’Union économique eurasienne, tarifs négociés entre les membres de l’UEE et Téhéran afin de stimuler les exportations.
Une autoroute Nord-Sud reliant les pays du Golfe vers l’Europe a une meilleure chance d’être construite à travers l’Arménie. Cela contribuera également à l’essor de l’industrie du tourisme du pays.
L’émancipation politique et économique de l’Iran est une aubaine pour ses voisins. Il reste à Erévan à profiter de ce développement unique afin d’améliorer son économie, stabiliser le pays et fournir raison et espoir à la population arménienne pour ne pas émigrer.
Les développements politiques vaquent dans un domaine coulant ; ils peuvent changer de cap à tout moment pour une quelconque raison. Nous devons naviguer avec des vents commerciaux favorables tant qu’ils durent.
Traduction N.P.