Évaluation de l’exercice militaire conjoint américano-arménien

Écrit en anglais par Souren Sargissian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 29 septembre 2023  

Les récents développements autour de l’Arménie et de l’Artsakh n’ont pas permis une évaluation complète des exercices militaires arméno-américains qui ont eu lieu en septembre. Il est clair que l’attention du public arménien était ailleurs. Cependant, la conduite de ces exercices militaires a introduit une autre tension dans les relations russo-américaines, dont l’épicentre était l’Arménie. Les exercices militaires conjoints américano-arméniens sont devenus le principal sujet de controverse tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Les « Eagle Partner 2023 » entre l’Arménie et les États-Unis ont eu lieu du 11 au 20 septembre en Arménie, notamment au Centre de formation de Zar de la Brigade de maintien de la paix et au Centre de formation du ministère de la Défense « dans le cadre de la préparation à la participation dans les missions internationales de maintien de la paix. Les exercices ont impliqué environ 85 militaires américains et 175 participants arméniens. Cette initiative avait plusieurs objectifs, dont ceux de renforcer l’alliance américaine avec l’Arménie, de renforcer l’interopérabilité et de préparer la 12e brigade arménienne de maintien de la paix à une évaluation du concept de capacités opérationnelles (OCC) de l’OTAN dans le cadre du programme de partenariat pour la paix de l’OTAN avant la fin de l’année.

La conduite des exercices militaires conjoints américano-arméniens a suscité des critiques de la part des responsables russes. En cette période de relations tendues entre les États-Unis et la Russie, la coopération de l’Arménie avec les États-Unis a été perçue comme un geste hostile.

La critique est venue du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Selon les mots de Lavrov, « cette action des dirigeants arméniens est regrettable ». De manière générale, la Russie s’inquiète du fait que les États-Unis tentent de jouer un rôle plus actif dans le Caucase. « Bien sûr, nous ne voyons pas grand-chose de positif de la part d’un pays agressif de l’OTAN qui tente de s’infiltrer dans le Caucase du Sud. Je ne pense pas que cela soit bon pour qui que ce soit, y compris pour l’Arménie elle-même », a déclaré M. Lavrov. Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a également commenté l’exercice militaire conjoint, déclarant que « dans cette situation, la mise en œuvre d’un tel exercice ne contribuera pas à la stabilisation de la situation, elle ne contribuera en aucun cas au renforcement de l’atmosphère de paix et de confiance mutuelle dans la région ».

En outre, le ministère russe des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur arménien en Russie pour protester, entre autres, contre les exercices militaires conjoints, actions jugées inacceptables par la Russie. Dans sa déclaration, le ministère des Affaires étrangères a déclaré que l’Arménie avait pris un certain nombre de mesures hostiles, parmi lesquelles « les exercices qui débuteront lundi, la fourniture par l’Arménie d’une aide humanitaire à l’Ukraine et ses démarches pour ratifier le Statut de Rome qui a créé la Cour pénale internationale, qui cette année, a inculpé le président Vladimir Poutine. En résumé, la réponse russe à ces exercices, couplée à d’autres mesures, a été plutôt négative.

À l’inverse, la partie américaine a souligné que cet exercice est un « exercice de routine qui n’est en aucun cas lié à d’autres événements ». Selon un porte-parole du Département d’État américain, les États-Unis entraînent et opèrent régulièrement aux côtés de leurs partenaires et améliorent continuellement l’interopérabilité entre les forces armées. Selon le porte-parole, l’Arménie est un partenaire des États-Unis et entretient « depuis 2003 une relation durable avec la Garde nationale du Kansas dans le cadre du programme de partenariat d’État du ministère de la Défense ». Par conséquent, la conduite d’exercices ne devrait pas être considérée comme une action dirigée contre un autre pays ou liée à un événement.

Interrogés sur la réponse de la Russie aux exercices militaires conjoints, les États-Unis ont répondu durement : « étant donné que la Russie a envahi deux de ses voisins ces dernières années, elle devrait s’abstenir de donner des leçons aux pays de la région sur les dispositions en matière de sécurité ». Par conséquent, cela n’est devenu qu’une autre question sur laquelle les responsables russes et américains s’attaquent et se critiquent mutuellement, laissant l’Arménie faire face aux répercussions.

Après avoir examiné toutes les critiques et accusations du côté russe, il est important de souligner que de tels exercices militaires conjoints ne sont pas une nouveauté entre les États-Unis et les pays post-soviétiques. De tels exercices ont lieu chaque année et ont un caractère permanent et régulier. Ce n’est pas seulement l’Arménie qui mène de tels exercices conjoints avec les États-Unis, mais aussi les pays d’Asie centrale.

De tels exercices conjoints ont eu lieu au Tadjikistan entre le 10 et le 20 août 2022 dans le cadre de la coopération régionale parrainée par le commandement central. Y ont participé les États-Unis, le Tadjikistan, le Kazakhstan, la République kirghize, la Mongolie, le Pakistan et l’Ouzbékistan. Le Tadjikistan et les États-Unis ont également organisé une composante bilatérale de formation sur le terrain de cinq jours au centre de formation de Fakhrabad. Un autre exercice conjoint de ce type, Steppe Eagle 19, a eu lieu au Kazakhstan en 2019, auquel ont participé des soldats de pays tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, le Kazakhstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et la Turquie. Cette année, le 8 août, l’exercice Coopération régionale 23 a eu lieu aux États-Unis, à Helena, dans le Montana. Il a réuni des militaires du Kazakhstan, du Kirghizistan, de la Mongolie, du Pakistan, du Tadjikistan, du Turkménistan et de l’Ouzbékistan, ainsi que du personnel américain de tout le pays.

Naturellement, le gouvernement arménien souhaiterait établir une coopération militaire continue avec les États-Unis après ces exercices militaires, y compris une coopération en matière de sécurité, mais rien n’indique du côté des États-Unis que ces exercices pourraient devenir plus que des exercices de routine.

 

Traduction N.P.