ex-secrétaire général des Nations Unies
et de l’Organisation internationale de la Francophonie,
né au Caire, le 14 novembre 1922, et décédé, à la même ville, le 16 février 2016
Diplomate et humaniste du bon vieux temps
Dans son modeste bureau au onzième étage d’un bâtiment colossal surplombant le Nil, il me reçoit chaleureusement avec un sourire doux et tendre et m’invite à prendre place sur un vieux sofa en face de son bureau. Il ne tarde pas à me rejoindre de sa taille courbée sous le poids des années et des énormes responsabilités. Son maigre visage ridé aux joues creuses et aux petits yeux fatigués, derrière des lunettes aux verres épais, entouré des boucles argentés de ses cheveux frisés, semble être celui d’une momie d’un pharaon qui vient de retrouver la vie pour témoigner de la grandeur d’une époque révolue. Il s’assoit à côté de moi dans un fauteuil et, sans perdre le temps, plonge dans une conversation riche et profonde sur le projet qui m’emmène chez lui. Incrédule, je ne voulais rien manquer ni de son récit attachant, ni de la scène qui me semblait une illusion.
Des mois avant d’avoir l’idée de le rencontrer, son livre, Démocratiser la mondialisation, est tombée, par hasard, entre mes mains. Son titre m’a vivement intrigué. Comment pourrait être cette relation entre ces deux pôles idéologiquement si opposés! Si la démocratie a une connotation subtile et raffinée, la mondialisation est perçue comme un déluge submergeant qui efface les traits des pays et des nations au profit d’un seul aspect dominant qui impose sa suprématie au détriment de la volonté des populations.
Impatiente de percer le mystère de l’œuvre, je l’ai lu en quelques heures pour décider de la traduire, du français vers l’arabe, sous la direction de son auteur même, l’ex-secrétaire général de l’ONU, le controversé Boutros Boutros Ghali, qui était parmi les rares chefs de l’organisation internationale, depuis sa fondation après la deuxième guerre mondiale, en 1945, à ne pas bénéficier d’un second mandat. Dans son cas, c’était pour avoir pris une position ferme face à la politique des États-Unis quant à certains conflits internationaux épineux.
Après de longues correspondances avec son bureau de Paris, D. Ghali me répond en personne, à l’automne 2008, et accepte de me recevoir dans son bureau du Caire, au Conseil national des droits de l’homme, quand il serait de retour dans quelques semaines, pour répondre à mes questions suscitées par la lecture de ses propos révolutionnaires figurant dans son livre qui prend la forme d’une série de dialogues, innovants et fascinants, entre lui et le célèbre économiste français, Yves Berthelot, qui dirigeait intelligemment et ingénieusement le débat sur des sujets d’actualité cruciaux et intrigants.
Pendant environ un mois, j’ai eu la chance de puiser, presque quotidiennement, du savoir et de la sagesse d’un grand humaniste et savant qui, en toute humilité, a daigné partager généreusement ses vastes connaissances et son expérience unique dans la diplomatie et les droits de la personne pour donner de la profondeur et de l’ampleur à la traduction de son œuvre que, par souci de précision et d’exactitude, il a pris la précaution de réviser, lui-même, sa version en langue arabe que j’ai eue l’honneur et le plaisir de réaliser sous son égide.
Amal M. Ragheb
(Carmen Aprahamyan)
Journaliste internationale, écrivaine et traductrice agréée