La résolution allemande reconnaissant le Génocide arménien de la fin de l’époque ottomane

La résolution allemande

reconnaissant le Génocide arménien de la fin de l’époque ottomane :

Des pas qui risquent de coûter cher

sur le chemin de la vérité et de la justice

Les nuages étouffants des tensions et des pressions n’ont pas tardé à planer sur l’Allemagne, son régime, son parlement et son gouvernement, après le courageux et louable vote des députés allemands, le 2 juin courant, d’une résolution reconnaissant le Génocide arménien de 1915 où environ un million et demi d’Arméniens ont perdu la vie..

Suite à la divulgation du résultat du vote du parlement allemand, la Turquie a immédiatement réagi en convoquant le chargé d’affaires de l’ambassade allemande à Ankara, en rappelant son ambassadeur à Berlin et en menaçant d’une riposte en pleine crise migratoire. Étant donné que Berlin a joué, en mars dernier, un rôle de premier plan pour passer un accord, contesté par l’ONU et les ONG internationales, entre l’Union européenne et la Turquie, qui réduit considérablement l’afflux de migrants, notamment syriens, en Europe.

Pour atténuer la fureur de la Turquie, partenaire incontournable, face au vote qui la condamne dans une affaire qu’elle souhaite radicalement effacer de son histoire, l’Allemagne a opté pour la diplomatie et son ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, espère qu’il n’y aurait pas de « réactions excessives » d’Ankara.

De son côté, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, menace que « cette résolution » risque fort de « sérieusement affecter les liens turco-allemands », tout en se réservant la surprise des futures « démarches » à prendre. Incapable de retenir sa colère et sa frustration, son ministre de la justice, Bekir Bozdag, rappelle à l’Allemagne son passé nazi : « D’abord, vous brûlez des juifs dans des fours et ensuite vous venez accuser le Peuple turc de cette calomnie de génocide. »

Toutefois, le 3 juin en cours, un jour après le vote allemand foudroyant, le chef du gouvernement turc a calmé son ton en déclarant : « L’Allemagne et la Turquie sont deux alliés très importants. Personne ne doit s’attendre à ce que les relations se détériorent totalement d’un seul coup à cause de cette décision ou de décisions semblables. » Il a, cependant, ajouté : « Or, cela ne veut pas dire que nous ne réagirons pas, que nous ne dirons rien. » Il a conclu, pourtant, ses déclarations en douceur en soulignant : « Quelles que soient les conditions, nous poursuivrons les relations avec nos amis, avec nos alliés. »

La chancelière allemande, Angela Merkel, qui n’a pas participé au vote avec son gouvernement, mais a soutenu la résolution, a expliqué, peu après, que son pays favorise « le dialogue entre l’Arménie et la Turquie » et que les trois millions de personnes d’origine turque vivant en Allemagne « sont et resteront » des citoyens à part entière.

Il est à noter que le Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand, avait adopté, à la mi-journée du jeudi 2 juin courant, la résolution, intitulée « Souvenir et commémoration du génocide des Arméniens et d’autres minorités chrétiennes il y a 101 ans », à la quasi-unanimité des députés présents (une voix contre et une abstention). Des personnes présentes dans le public avaient, alors, brandi des panneaux sur lesquels était inscrit « Danke » ou « Merci ». Juste après le vote, l’Arménie a salué « un apport appréciable de l’Allemagne à la reconnaissance et à la condamnation internationale du Génocide arménien ».

Pour éviter toute confusion ou toute mauvaise interprétation du résultat du vote qui pourrait déboucher sur un conflit ou un malentendu, la majorité des orateurs allemands avaient pris soin de préciser que cette résolution ne vise pas les autorités turques actuelles, mais le gouvernement des Jeunes-Turcs responsable des massacres de 1915.

À l’ouverture des débats au Bundestag, son président, Norbert Lammert, a même stipulé que cette assemblée n’était pas « un tribunal », mais que les députés allemands prenaient « leurs responsabilités » en se prononçant sur une telle question. Il a, toutefois, déploré les « nombreuses menaces, y compris de mort, » qui avaient visé certains députés en amont de ce débat, notamment les élus ayant des origines turques, en particulier le chef de file des Verts, Cem Özdemir, qui avait été qualifié aussi d’« ennemi de la Turquie » par le journal turc Yeni Safak.

Il faut spécifier que la résolution du Bundestag constitue une deuxième étape importante dans la reconnaissance officielle de l’Allemagne du Génocide arménien, le premier étant l’usage du président allemand du terme de « génocide », l’année dernière, lors des cérémonies commémorant en 2015, en Arménie, le centenaire du carnage.

Par ce large pas franchi sur le chemin de la vérité et de la justice, l’Allemagne rejoigne, ainsi, les autres pays qui l’ont précédée, dont la France, l’Italie et la Russie, en reconnaissant les exterminations systématiques perpétrées contre le Peuple arménien qui se sont étendues sur deux ans (1915-1917) et visaient à purifier l’Anatolie de leur présence. Alors que la Turquie continue à affirmer, de sa part, qu’il s’agissait d’une guerre civile, doublée d’une famine, dans laquelle 300 000 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort !

(Paru au journal arménien, Abaka News, suite à la résolution historique du Parlement allemand, le jeudi 2 juin 2016, en faveur de la cause arménienne en reconnaissant le Génocide arménien du seuil du XXe siècle où environ un million et demi d’Arméniens ont péri.)

Amal M. Ragheb

Journaliste internationale et écrivaine

Amragheb2@gmail.com