Les efforts audacieux d’un blogueur russo-israélien pour soutenir l’Arménie et l’Artsakh

Écrit en anglais par Harout Sassounian, éditorialiste du California Courier et publié le 26 juin 2023

 

Je viens de lire un article très important paru dans l’Armenian Mirror-Spectator dans lequel Aram Arkun questionnait le blogueur russo-israélien Aleksander Lapshin qui est actuellement en tournée au Canada et aux États-Unis. Il a déjà rencontré des Arméniens à Toronto, Canada, le 3 juin dernier, et à New York le 11 juin. Il a également rencontré les organismes comme Human Rights Watch, Amnesty International et le Comité pour la protection des journalistes afin de les informer de la situation désastreuse en Artsakh.

Lapshin est né en Russie et a déménagé en Israël à l’âge de 13 ans. Sa femme est originaire de Moldavie et a déménagé en Israël il y a 14 ans. Cependant, elle attend depuis 2017 l’approbation afin de devenir citoyenne d’Israël.

Au cours de ses nombreuses visites en Arménie, il s’est rendu trois fois en Artsakh de 2011 à 2016. Le gouvernement azerbaïdjanais a émis un mandat d’arrêt contre lui et a demandé à la Biélorussie de l’envoyer à Bakou pour « traverser illégalement la frontière azerbaïdjanaise » à partir de l’Arménie. La Biélorussie l’a extradé vers l’Azerbaïdjan en 2017 où « il a été condamné à trois ans de prison, mais a été gracié en septembre et renvoyé en Israël après ce qu’il décrit comme une tentative d’assassinat en prison par quatre hommes masqués. Le gouvernement azerbaïdjanais a cependant affirmé qu’il avait tenté de se suicider », a rapporté Arkun.

Lapshin a déclaré que l’Agence de sécurité israélienne l’avait exhorté à plusieurs reprises à cesser de soutenir l’Arménie parce que « l’Azerbaïdjan est notre allié ». Il lui a également été conseillé de retirer ses plaintes contre l’Azerbaïdjan auprès de la Cour européenne des droits de l’homme et des Nations unies. Lapshin leur a répondu : « Non, pas question. J’irai jusqu’au bout et je gagnerai ».

Le 21 mai 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a statué en faveur de Lapshin dans son procès contre l’Azerbaïdjan pour tentative de meurtre, torture et emprisonnement illégal. Cependant, l’Azerbaïdjan a refusé de lui verser l’indemnité de 30 000 euros. « Entre-temps, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a adopté une résolution le 19 juillet 2022 condamnant les autorités biélorusses pour avoir illégalement arrêté Lapshin et l’avoir extradé vers l’Azerbaïdjan », a écrit l’Armenian Mirror-Spectator.

Lapshin a déclaré à l’Armenian Mirror-Spectator qu’en raison de ses critiques, il ne peut ni se rendre en Russie et ni dans les ex-républiques soviétiques, « sauf en Arménie », mais a ajouté : « Je viens de dire sauf l’Arménie, mais qui sait ? L’Arménie est sous une énorme influence russe ».

« Lapshin continue de poursuivre sa propre action contre les violations des droits de l’homme par l’Azerbaïdjan, mais s’engage également à aider l’Arménie. Il a compris, a-t-il dit, que « ce serait mieux pour moi, ma famille et pour notre sécurité, de laisser ça de côté et de continuer notre ancienne vie ». Cependant, il a poursuivi : « Je ne peux tout simplement pas abandonner ce que je fais en faveur de l’Arménie et de l’Artsakh parce que j’ai beaucoup d’amis en Arménie. Certains d’entre eux ont été tués pendant la seconde guerre du Karabagh. En fait, j’aime ce pays, donc je me sens en Arménie comme dans ma seconde demeure », rapporte Arkun. Lapshin a ajouté: « Regardez, six millions de Juifs ont été tués pendant l’Holocauste. De nombreux Arméniens ont en fait soutenu les Juifs et leur ont sauvé la vie. Donc, je ressens la même chose ».

Lapshin a déclaré à l’Armenian Mirror-Spectator : « Bien sûr, je ne reçois aucun soutien du gouvernement arménien ». De plus, le fait que l’Arménie, confrontée à une menace existentielle, tente de signer un accord de paix avec l’Azerbaïdjan et la Turquie, semble créer des motivations compliquées. « Même certains politiciens arméniens ont essayé de me convaincre de les laisser de côté, pour des raisons politiques. Ce que je fais contre l’Azerbaïdjan, d’une certaine manière, va à l’encontre des intérêts nationaux du gouvernement arménien actuel… Je me sens donc un peu seul dans ce combat, mais cette fois, heureusement, j’ai beaucoup d’amis, à la fois des amis arméniens et des amis américains et européens, qui me soutiennent réellement ».

« Pendant son séjour en Arménie, Lapshin a rencontré plusieurs anciens prisonniers de guerre qui ont été violés en prison [à Bakou] et a essayé de les convaincre de l’accompagner aux États-Unis et en Europe pour témoigner à ce sujet, mais, a déclaré Lapshin, ils se sentaient mal à l’aise de parler ouvertement de telles expériences en raison des normes sociales ou de la culture arménienne », a rapporté Arkun. Les anciens prisonniers de guerre arméniens ont déclaré à Lapshin : « Les services de renseignement arméniens leur ont strictement interdit de communiquer avec des journalistes ou des militants des droits de l’homme. On peut supposer que si cela est vrai, cela est dû à la situation actuelle précaire de l’Arménie, qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour éviter une nouvelle guerre d’agression par l’Azerbaïdjan ».

Lapshin a déclaré à l’Armenian Mirror-Spectator que les membres de la communauté juive américaine ne soutenaient pas ses activités de défense des droits humains pour l’Arménie. Ils lui ont dit : « Pourquoi avez-vous besoin de traiter avec l’Azerbaïdjan, parce que l’Azerbaïdjan est en fait l’allié d’Israël. D’accord, vous avez eu une mauvaise expérience avec l’Azerbaïdjan, mais il faut penser globalement. C’est cela la realpolitik. Ce que vous faites contre l’Azerbaïdjan est contraire à l’intérêt national d’Israël ».

Lapshin a dit regretter que la « communauté arménienne américaine soit si divisée et faible. Il y a de la méfiance à l’égard du gouvernement arménien et des autres, a-t-il dit, et cette situation l’a rendu émotionnellement déprimé », a rapporté Arkun.

« Si quelqu’un veut m’inviter à des réunions avec des militants des droits de l’homme ou des politiciens, même au niveau de l’État, j’en serai plus qu’heureux », a-t-il déclaré à Arkun. Après Toronto et New York, il se rend à Los Angeles, San Francisco, Sacramento, Las Vegas, Seattle, Portland, Dallas, Miami et probablement Chicago, ainsi qu’à Vancouver au Canada. Plus tard cette année, il prévoit se rendre à nouveau en Arménie. Cependant, a-t-il ajouté, en raison de la situation politique instable, « je ne peux jamais savoir si je vais être autorisé à entrer en Arménie ».

 

Traduction N.P.