Pour que vive l’Arménie!

L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert Le Point 16 décembre 2021

L’Arménie est l’un des plus beaux pays du monde : un peuple bienveillant, une incroyable variété de paysages et une collection à tomber par terre de monastères séculaires, perchés dans le ciel. Faut-il mettre une croix dessus ?

Mme Pécresse et M. Zemmour avaient à peine décidé de se rendre en Arménie pour lui dire leur soutien que des vierges effarouchées se sont indignées de cette odieuse tentative de « récupération politique ». Les mêmes s’étaient pourtant bien gardées, jusqu’à présent, de manifester leur solidarité à la cause arménienne. Les jocrisses !

La question n’est pas de savoir qui a le droit de soutenir l’Arménie, mais comment nous la sauverons alors que ses hystériques voisins veulent l’effacer de la carte. Que voulez-vous, ils ne souffrent pas que les Arméniens habitent cette région depuis la nuit des temps, bien avant que les Turcs ottomans, venus d’Asie, envahissent et colonisent leur territoire, à l’aube du deuxième millénaire.

Depuis, les Turcs ottomans ou azéris n’ont eu de cesse d’éradiquer l’Arménie qui s’est peu à peu rapetissée pour devenir aujourd’hui un micro-pays peuplé de 2 à 3 millions d’habitants. Mais c’est encore trop pour la Turquie, qui a déjà perpétré le génocide de 1915 des Arméniens (1,2 million de victimes) sans oublier d’en massacrer avant et après. Trop aussi pour l’Azerbaïdjan, qui a beaucoup pratiqué, au siècle dernier, le pogrom anti-arménien.

Le grand crime de l’Arménie: être un pays chrétien, le plus vieux pays chrétien de l’histoire de l’humanité en pleine terre d’Islam. Or, s’il y fut parfois toléré, le christianisme y a de moins en moins sa place : il vaut mieux être imam en Occident chrétien que prêtre dans l’Orient musulman, c’est plus sûr. Sus aux mécréants ! Telle est l’explication de l’acharnement dont les Arméniens sont l’objet, ces derniers mois, de la part de la coalition turco-azéro-djihadiste qui, après avoir gagné la guerre de 2020, tente de déstabiliser le pays en multipliant les incursions militaires sporadiques pour provoquer l’incident qui déclencherait la déflagration.

Assourdissant est le silence des grandes consciences de l’intelligentsia qui, ces dernières années, se sont mobilisées pour les minorités persécutées, pourvu qu’elles fussent musulmanes, tels les Ouïghours en Chine ou les Rohingyas en Birmanie. Des justes combats, on en convient. Mais les Arméniens, très peu pour elles ! Gangrené par son islamo-gauchisme, Amnesty International a même poussé l’abjection jusqu’à renvoyer dos à dos, contre l’évidence, l’Arménie et l’Azerbaïdjan à propos des crimes de guerre.

Si l’Occident avait une conscience, ce dont il est permis de douter, l’Arménie serait un combat au lieu d’être un grand remords. Comment peut-il rester les bras ballants devant ce qui se trame ? Voilà un minuscule David chrétien aux prises avec deux Goliath islamistes qui veulent sa mort, la Turquie et l’Azerbaïdjan, tandis que le troisième, l’Iran, musulman lui aussi, se contente de compter les coups. Tout cela, sous le regard placide du grand protecteur historique, la Russie, qui laisse pisser le mérinos.

Il y a des siècles que les chrétiens d’Orient embêtent l’Occident qui, à l’instar du pape François, ne souffre plus d’entendre la litanie des massacres et des persécutions dont ils sont l’objet. Pensez ! À la longue, ce qu’ils subissent pourrait finir par troubler notre digestion. Alors, qu’ils quittent leurs terres ancestrales et qu’on n’en parle plus – sinon, tant pis pour eux ! Une civilisation qui ne défend pas les siens est une civilisation condamnée à mourir.

Mourir pour l’Arménie? Elle ne serait pas en danger si l’Europe et l’Occident se tenaient debout, pour une fois, au lieu de se coucher devant l’islamo-nationalisme turc conquérant, à l’image des dinosaures congelés du Quai d’Orsay ou de cette gauche qui, à quelques exceptions près, est de plus en plus rongée par la bigoterie musulmane. Comment peut-on avoir encore confiance en nous ? L’exemple de la Grèce est éloquent : elle a peur de la Turquie qui, au siècle dernier, massacra, à cause de leur religion (orthodoxe), 350 000 Grecs pontiques qui vivaient sous sa domination. Et quand, l’an dernier, un navire turc, escorté d’une flottille, viole les eaux territoriales grecques pour effectuer des recherches gazières, la France sauve certes l’honneur en protestant, mais c’est à peine si l’UE ose bouger le petit doigt !

Il n’y a qu’une diplomatie moins pleutre, appuyée sur une force de défense franco-allemande, qui nous permettra d’être respectés et de donner un espoir à l’Arménie qui, jusqu’à présent, il est vrai, a toujours eu raison de ses ennemis : comme dit le poète, il suffit de deux survivants pour créer une nouvelle Arménie. À méditer.

Bonnes fêtes !