Pourquoi la communauté du renseignement américain considère l’Arménie comme une menace potentielle pour ses intérêts ?

Écrit en anglais par Souren Sargissian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 22 mars 2024

 

L’évaluation annuelle des menaces pesant sur la communauté américaine du renseignement du 5 février 2024 a été récemment publiée par les agences d’État américaines. Le rapport donne une compréhension claire de la façon dont la communauté du renseignement américain perçoit l’état actuel des choses, quels pays sont considérés comme des rivaux géopolitiques des États-Unis et les problèmes régionaux qui ont le potentiel d’avoir un impact à l’échelle internationale ainsi que des aspects fonctionnels et les défis transnationaux, par exemple la prolifération, les technologies émergentes ou le changement climatique, le terrorisme, etc. Ce texte se concentrera sur l’analyse des parties du rapport consacrées aux rivaux géopolitiques des États-Unis, à l’état actuel des relations internationales, ainsi qu’aux relations arméno-azerbaïdjanaises.

Le rapport indique que les États-Unis sont confrontés à un « ordre mondial de plus en plus fragile ». Cela n’est pas surprenant car depuis la fin de la guerre froide, qui a vu les États-Unis devenir la seule superpuissance, beaucoup de choses ont changé et de plus en plus de pays défient les États-Unis. Les principaux rivaux géopolitiques des États-Unis demeurent aujourd’hui la Russie et la Chine, ainsi que d’autres pays comme l’Iran et la Corée du Nord. Certains acteurs non étatiques demeurent également une menace pour ce que le rapport appelle « la primauté des États-Unis au sein du système international ». Cette confrontation géopolitique est présentée comme une « compétition plus large entre différentes formes de gouvernement démocratiques et autoritaires », dans laquelle les États-Unis sont les champions de la démocratie.

Les principaux rivaux géopolitiques des États-Unis sont la Russie et la Chine. Le rapport examine en détail les domaines et les types d’actions qui menacent la sécurité des États-Unis. Vient d’abord la Chine, qui « sape l’influence américaine, creuse des divisions entre Washington et ses partenaires et favorise des normes mondiales qui favorisent son système autoritaire ». Certains grands projets d’importance géopolitique visent à accroître l’influence de la Chine, à savoir l’Initiative la Ceinture et la Route (aussi appelée Nouvelle route de la soie), l’Initiative de développement mondial et l’Initiative de sécurité internationale. Ce sont des projets sur lesquels la Chine travaille depuis des années.

Cependant, en termes de développement économique, l’économie chinoise ralentira dans les années à venir en raison des « barrières structurelles et de la réticence de Pékin à prendre des mesures de relance agressives pour stimuler la croissance économique ». En dehors de cela, la Chine cherche à devenir une superpuissance scientifique et technologique et à l’utiliser à des fins économiques, politiques et militaires. La science et la technologie constituent l’un des domaines de confrontation les plus brûlants entre la Chine et les États-Unis.

En termes d’influence militaire, la communauté du renseignement américain considère que Pékin s’efforcera de faire de l’Armée populaire de libération une armée de classe mondiale d’ici 2049, même si son efficacité est discutable en raison du manque d’expérience récente en matière de guerre. Cela étant dit, la Chine est prête à œuvrer pour réduire les tensions avec Washington chaque fois que cela sera bénéfique.

Le deuxième rival géopolitique pour la suprématie américaine est la Russie. La communauté du renseignement américain considère qu’elle représente une menace sérieuse pour les États-Unis dans de nombreux domaines, malgré les énormes dégâts causés par la guerre en Ukraine. Un défi majeur pour les États-Unis et leurs partenaires est le renforcement des liens de la Russie avec la Chine, l’Iran et la Corée du Nord, y compris l’engagement économique de la Russie avec Pékin, qui peut fournir une protection contre d’éventuelles sanctions.

La communauté du renseignement américain considère que même si la Russie ne souhaite pas s’engager dans un conflit direct avec les États-Unis et l’OTAN, elle « poursuivra ses activités asymétriques en dessous de ce qu’elle estime être le seuil d’un conflit militaire à l’échelle internationale ». La Russie modernisera ses capacités nucléaires, considérées comme un moyen de dissuasion et un garant ultime. Enfin et surtout, la communauté du renseignement américain considère que la Russie tentera probablement d’influencer les élections de 2024, car les élections sont considérées comme une occasion d’influence.

À l’échelle régionale, l’Iran est considéré comme l’une des principales menaces pour les intérêts américains sur plusieurs fronts. Avant tout, la question d’actualité entre les États-Unis et l’Iran est celle de Gaza. Dans le rapport, l’Iran est présenté comme une menace persistante pour Israël et les alliés des États-Unis. Les États-Unis craignent particulièrement que l’Iran continue d’armer et d’aider ses alliés et de soutenir le Hamas pour menacer les États-Unis. Ils sont toutefois convaincus que l’Iran veillera à éviter un conflit direct avec Israël ou les États-Unis.

Une autre préoccupation majeure regardant l’Iran concerne son arsenal nucléaire. Bien que l’Iran ne mène actuellement pas d’activités majeures de développement d’armes nucléaires nécessaires à la production de dispositifs nucléaires testables, Téhéran a réitéré depuis 2020 qu’il n’était plus lié par les restrictions du Plan d’action global commun. Il s’est lancé dans des activités qui lui permettraient d’étendre considérablement son programme nucléaire et de mieux fabriquer des dispositifs nucléaires s’il décidait d’en acquérir un.

Le rapprochement de l’Iran avec la Russie est une autre source d’inquiétude. Les États-Unis estiment que l’Iran poursuivra ses ambitions en tentant de renforcer ses liens avec Moscou. De plus, en 2023, elle a déjà étendu son influence diplomatique en renforçant ses relations avec la Russie, l’Arabie saoudite et l’Irak.

L’Iran s’immisce également dans les élections américaines. Lors des élections américaines de 2020, des pirates informatiques iraniens ont obtenu ou tenté d’obtenir des informations sur les électeurs américains, leur ont envoyé des courriels d’intimidation et ont diffusé de la désinformation sur les élections. Selon le rapport, les cyberacteurs iraniens ont développé de nouveaux ensembles de technologies, combinant cybercapacités et capacités d’influence. Leurs nouvelles capacités pourraient potentiellement être utilisées pendant la période électorale américaine de 2024.

L’autre menace régionale pour les intérêts américains est la Corée du Nord. Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un poursuivra le développement de ses capacités militaires nucléaires et conventionnelles, ce qui constitue une menace pour la sécurité de l’Occident et ses alliés. En outre, le dirigeant nord-coréen s’efforce d’approfondir sa coopération avec les rivaux géopolitiques des États-Unis, tels que la Russie et la Chine, afin de renforcer davantage ses avantages financiers, ainsi que sa coopération diplomatique et de défense.

Le rapport de la communauté du renseignement américain a également analysé certains conflits régionaux ou locaux en raison du potentiel de débordement régional et, à terme, mondial. Le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan fait partie de la liste de ces conflits régionaux. Selon le rapport, il existe une menace d’escalade du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan compte tenu des facteurs suivants : l’absence d’un traité de paix bilatéral, la proximité des forces militaires, l’absence de mécanisme pour faire respecter un cessez-le-feu et la volonté de l’Azerbaïdjan d’utiliser la force militaire pour faire avancer ses objectifs dans les négociations avec l’Arménie.

Le rapport fait référence à la perte du Haut-Karabagh par les Arméniens dans le contexte des relations russo-arméniennes, affirmant que la raison en est l’implication de la Russie dans la guerre avec l’Ukraine. Cela a conduit la Russie à ne pas vouloir dépenser ses ressources et son capital politique pour empêcher l’Azerbaïdjan de réacquérir le Haut-Karabagh. Cela a finalement conduit l’Arménie à rechercher des partenaires alternatifs à la Russie.

 

Traduction N.P.