Sommet des BRICS : choix ou absence de choix ?

Écrit en anglais par Souren Sargissian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 11 septembre 2024

 

Dans un article pour le Armenian Mirror-Spectator publié en juillet 2008, j’expliquais que l’absence de l’Arménie au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai était une erreur stratégique de la part de son gouvernement. Dans le même article, je mentionnais également que les puissances régionales du Caucase du Sud – la Russie, l’Iran et la Turquie – cherchaient à réduire l’influence géopolitique occidentale dans la région, tandis que la Chine émergeait comme un nouvel acteur dans le Caucase du Sud. Elle se joignait au club des opposants à la présence occidentale et aux intérêts américains, en particulier à la position des États-Unis contre la Chine. Tout cela suggérait que l’Arménie ne pouvait pas poursuivre sa politique étrangère de manière isolée dans le Caucase du Sud.

Récemment, il a été annoncé que l’Arménie aura une délégation de haut niveau au prochain sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Kazan, en Russie, avec la visite du Premier ministre arménien. Cela fait suite à une conférence de presse au cours de laquelle Nikol Pachinian a fait des gestes positifs notables envers la Russie, remerciant les gardes-frontières russes pour leur travail à l’aéroport de Zvartnots après leur départ à la demande de l’Arménie en août 2024. Au cours de sa conférence, Pachinian a reconnu le rôle potentiel de la Russie dans la médiation du processus de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et a écarté les discussions sur le retrait de la 102e base militaire russe d’Arménie. Il a souligné l’importance de maintenir des relations respectueuses avec la Russie et de résoudre les problèmes par un dialogue constructif.
Tout cela ressemble à une préparation publique à l’annonce de sa participation au sommet des BRICS en Russie. Certains en Arménie ont qualifié la décision de Pachinian de se rendre en Russie de mise en œuvre équilibrée de la politique étrangère ou même d’exemple de complémentarisme (concept de politique étrangère sous l’administration du président Kotcharian). En réalité, je pense que le Premier ministre est obligé de se rendre au sommet des BRICS. Il y a quelques semaines, on a appris que la Turquie y avait déjà déposé une demande d’adhésion et que l’Azerbaïdjan avait également manifesté son intérêt. Il est possible que la réunion en Russie donne le coup d’envoi officiel de ces processus. Cela indique que tous les voisins de l’Arménie, à l’exception de la Géorgie, manifestent leur intérêt pour les BRICS et souhaitent approfondir leur coopération avec l’organisation en devenant des États membres.

La situation en Géorgie est assez intrigante. Les prochaines élections d’octobre pourraient influencer considérablement l’orientation de sa politique étrangère. Si un gouvernement est formé dans le but de renforcer les liens avec la Russie et promulgue sa loi sur les agents étrangers, qui oblige les organismes qui reçoivent plus de 20 % de leur financement de l’étranger à s’enregistrer, les relations de la Géorgie avec l’Union européenne, ainsi que ses liens économiques et ses préférences actuelles, pourraient être mis en péril. Cela obligerait la Géorgie à rechercher de nouveaux partenaires économiques et de nouvelles plateformes pour soutenir ses exportations, ce qui pourrait accroître son intérêt pour le renforcement de ses liens avec les BRICS.

L’Iran est devenu membre des BRICS au début de l’année et collabore activement avec l’organisme et ses États membres. Avant d’adhérer aux BRICS, l’Iran était également devenu membre de l’Organisation de coopération de Shanghai, ce qui a facilité son entrée dans les BRICS. L’Azerbaïdjan se prépare à se joindre aux BRICS tout en coopérant activement avec l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). La Turquie est également engagée auprès de l’OCS et souhaite devenir membre des BRICS. Le statut de la Géorgie sera précisé d’ici la fin octobre.

L’Arménie se retrouve donc presque entièrement entourée de membres actifs ou potentiels des BRICS, ce qui signifie qu’elle n’aura d’autre choix que d’approfondir ses relations avec l’organisme et peut-être même d’y adhérer. Il est clair que les pays de la région ne lui permettront pas de poursuivre une orientation différente si eux-mêmes s’alignent sur les BRICS ou des organismes internationaux similaires. Tous ces pays ont des intérêts géopolitiques et l’Arménie ne peut être exclue de la mosaïque régionale ou de la structure économique régionale globale.

Les BRICS, avec la Chine comme puissance économique, suscitent également un intérêt considérable dans les pays arabes, notamment en Égypte et aux Émirats arabes unis, ce qui signifie qu’ils deviennent plus grands géographiquement, plus grands en termes de marché économique et plus riches en termes de PIB des États membres.

Je ne suis pas en faveur de l’adhésion de l’Arménie aux BRICS, mais je pense qu’à la lumière des réalités géopolitiques actuelles, l’Arménie doit évoluer rapidement et stratégiquement dans un monde en mutation. Adopter une politique étrangère anti-américaine, anti-européenne, antirusse ou anti-iranienne n’est pas une option. Nous devons éviter ces faux pas et adopter une approche pragmatique afin de préserver notre statut d’État et notre intégrité territoriale. L’Arménie doit aligner ses intérêts sur ceux des principaux acteurs extérieurs et coopérer sur des terrains communs plutôt que sur des conflits.

La politique étrangère de l’Arménie semble aujourd’hui prudente, évitant toute action contraire aux intérêts des acteurs extérieurs, même lorsque ces actions sont conformes à ses propres intérêts nationaux. Cela peut paraître pragmatique, mais il s’agit en réalité d’une attitude craintive, dénuée de principes et contradictoire à l’égard des intérêts nationaux, qui doit être éliminée.

 

Traduction N.P.