Trump est de retour : à quoi faut-il s’attendre ?

Écrit en anglais par Souren Sargissian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 7 novembre 2024

 

La première présidence de Trump a été marquée par une approche passive de la politique américaine dans le Caucase du Sud. Les États-Unis ne s’intéressaient pas particulièrement à ce qui se passait dans cette région, de sorte que l’administration Trump s’est principalement concentrée sur les régions qui présentaient un intérêt particulier et une importance vitale, comme le Moyen-Orient, l’Asie et l’Asie centrale. Par conséquent, l’administration n’a pas été impliquée de manière significative dans la guerre déclenchée par l’Azerbaïdjan en 2020, qui a eu lieu au plus fort de la saison des élections présidentielles américaines.

Préoccupé par ses élections, Trump a fait quelques déclarations à l’adresse des Arméniens et a envoyé son conseiller à la sécurité nationale rencontrer la communauté arménienne, mais il n’a pas pu ou voulu prendre de véritables mesures pour arrêter la guerre. Même après avoir invité les ministres des Affaires étrangères d’Arménie et d’Azerbaïdjan à Washington, aucun cessez-le-feu n’a été conclu.

En réalité, l’Artsakh a été attaqué sous l’administration Trump et, sous Biden, il a subi un dépeuplement et un nettoyage ethnique des Arméniens. Et ce, malgré l’implication limitée de l’administration Trump et l’engagement actif de l’administration Biden dans la région du Caucase du Sud.

Aujourd’hui, il est difficile de prédire quelle politique étrangère Trump poursuivra et en quoi elle pourrait différer de celle de son premier mandat. D’un côté, les temps ont changé, notamment en raison de la guerre en cours en Ukraine ; de l’autre, la politique américaine elle-même a changé sous l’administration Biden. Biden avait une politique claire dans le Caucase du Sud et visait à voir un accord de paix dans les relations arméno-azerbaïdjanaises et arméno-turques d’ici la fin de sa présidence. De plus, l’Amérique a pu accroître son implication dans le Caucase du Sud en raison du rôle réduit de la Russie après la guerre arméno-azerbaïdjanaise de 2020 et son implication dans la guerre en Ukraine. Cela a permis aux États-Unis de combler cette lacune et d’établir rapidement une présence dans le Caucase du Sud.

Il est important de considérer que si Trump parvient à mettre fin à la guerre en Ukraine, la Russie cherchera inévitablement à revenir dans le Caucase du Sud et à y défendre ses intérêts vitaux. Elle n’a ni les ressources ni le temps de le faire en raison de son implication en Ukraine, où elle fait face à l’opposition internationale. Si tout cela se produit, la Russie reviendra certainement dans le Caucase du Sud, et le rôle et l’importance des États-Unis dans cette région diminueront.

En ce qui concerne l’Iran, Trump affirme d’un côté vouloir établir la paix au Moyen-Orient et de l’autre qu’Israël doit bénéficier d’un soutien inconditionnel. Il est difficile d’imaginer comment ces deux déclarations pourront être conciliées, car pour parvenir à la paix, il faut soit négocier, soit l’imposer, deux approches fondamentalement différentes. Dans tous les cas, une nouvelle escalade avec l’Iran ne correspond pas aux intérêts de l’Arménie, car l’Iran est l’une des deux portes d’entrée de l’Arménie vers le monde extérieur et est un allié historique.

Mais Trump a ouvert un nouveau front d’engagement avec la communauté arménienne à travers ses deux actions récentes. D’abord, il s’est adressé directement à la communauté arméno-américaine, en utilisant les termes « Artsakh » et « nettoyage ethnique », deux expressions que les autorités arméniennes évitent généralement. Ensuite, il a téléphoné au Catholicos Aram Ier de la Grande Maison de Cilicie, qui était en visite aux États-Unis à ce moment-là. Bien que ces mesures aient été prises pendant une campagne électorale, elles revêtent une importance considérable.

Premièrement, Trump a transmis son message à la communauté arménienne par l’intermédiaire de l’Église plutôt qu’en contactant les dirigeants arméniens, dont les relations avec l’Église sont très tendues. En utilisant le terme « nettoyage ethnique », Trump a également fourni une évaluation juridique claire de ce qui est arrivé au peuple d’Artsakh. Cela implique que même si les autorités arméniennes ne poursuivent pas cette voie, la communauté arméno-américaine, les lobbyistes, d’autres organisations et l’Église disposent désormais d’une base pour œuvrer à la reconnaissance par les États-Unis du nettoyage ethnique en Artsakh, en faisant directement référence aux paroles du président. Il s’agit sans aucun doute d’une tâche complexe et longue, mais avec un effort unifié, elle peut être réalisable – sans compter sur le gouvernement arménien.

 

Traduction N.P.