Plusieurs sites Internet azéris ont affirmé que les Arméniens d’Azerbaïdjan avaient envoyé en octobre dernier, en pleine guerre d’Artzakh, un appel au « catholicos Karekin II, aux Arméniens du monde et aux Arméniens du Karabagh ».
L’un des sites azéris (Report News Agency) a affirmé que « l’appel avait été signé par une dizaine de milliers d’Arméniens » d’Azerbaïdjan. Rien qu’à partir de cette seule phrase, on peut dire que cette information est un mensonge total car il n’y a pas de « dizaines de milliers d’Arméniens » à Bakou. Après les massacres brutaux d’Arméniens à Soumgaït et Bakou et ailleurs en Azerbaïdjan en 1988 et 1990 par des foules azéries, presque tous les Arméniens ont fui ce pays pour sauver leur vie. Les quelques Arméniens qui subsistent en Azerbaïdjan sont ceux mariés à des Azéris. Vivant dans une peur constante, ils utilisent des noms azéris pour dissimuler leur véritable identité.
J’ai fait deux tentatives pour vérifier si cette lettre était authentique ou non. Tout d’abord, j’ai vérifié auprès de l’un des sites Internet azéris qui a référencé la lettre. J’ai demandé une photocopie de cette lettre. Je voulais voir combien de signataires il y avait et leurs noms. Le site azéri, très probablement financé par le gouvernement azéri, a répondu qu’il était incapable de « mener une enquête minutieuse ! » Le seul endroit où le texte entier de la fausse lettre est apparu a été sur un site azéri (Armenia.az) qui publie régulièrement des centaines d’articles anti-arméniens en arménien et en russe. Ces articles sont écrits par des Azéris qui vivaient auparavant en Arménie et qui parlent couramment l’arménien.
Ma prochaine tentative pour vérifier la véracité de la lettre a été avec le Département d’information du Saint-Siège d’Etchmiadzine en Arménie, le destinataire présumé. Le Catholicosat n’était pas au courant d’une telle lettre et a déclaré qu’il s’agissait très probablement d’un exemple de fabrication routinière de Bakou.
Pour le plaisir des lecteurs, voici des extraits de la traduction anglaise de la fausse lettre arménienne publiée le 9 octobre 2020 sur le site Internet azéri, Armenia.az.
« Aujourd’hui, des dizaines de milliers d’Arméniens vivent en Azerbaïdjan. Dans ce pays, toutes les personnes, sans distinction de religion ou de race, sont traitées sur un pied d’égalité. Tout le monde dans ce pays jouit des mêmes droits accordés à ses citoyens par la Constitution azerbaïdjanaise. » Dans ces deux premières phrases de la lettre, il y a deux mensonges évidents : « des dizaines de milliers d’Arméniens vivent en Azerbaïdjan » et ils « sont traités sur un pied d’égalité » comme tous les autres citoyens azerbaïdjanais.
Les auteurs présumés de lettres arméniennes appellent le Catholicos Karekin II à utiliser son « autorité et son pouvoir… » Aucun vrai Arménien ne ferait une telle déclaration, à moins que sa vie ne soit menacée.
La lettre fait ensuite appel « aux Arméniens du monde et à divers lobbies arméniens afin que les gens puissent vivre en paix », affirmant qu’une femme arménienne du nom de Karina Grigorian de Gandja, en Azerbaïdjan (Gandzak en arménien), a été grièvement blessée lors du bombardement arménien. Il est hautement improbable qu’une telle femme arménienne vive à Gandzak. Une chose est sûre; aucun Arménien en Azerbaïdjan ne porterait un nom arménien aussi évident. Ceux portant des noms arméniens qui vivaient en Azerbaïdjan ont été tués ou ont fui le pays, il y a plus de 30 ans.
La lettre affirme également que l’Azerbaïdjan « mène des opérations antiterroristes uniquement sur ses territoires, souhaitant libérer ses terres historiques de l’occupation ». C’est le comble de l’hypocrisie pour l’Azerbaïdjan d’affirmer qu’il combat le terrorisme après avoir amené plusieurs milliers de terroristes islamistes syriens à lutter contre l’Artzakh lors de la guerre de l’an dernier.
La lettre fait aussi appel aux « Arméniens vivant au Karabagh » (Artzakh), alléguant faussement qu’« il y a 30 ans, vous étiez heureux sur les terres d’Azerbaïdjan, où vous vivez maintenant. Votre bien-être matériel était élevé et tous vos droits humains étaient protégés, car l’Azerbaïdjan vous a toujours traités comme ses citoyens. Et maintenant, la direction mafieuse de l’Arménie vous a transformé en victime de ses propres jeux. Nous en sommes vraiment désolés. Vous avez également le droit et la possibilité de vivre comme un être humain, mais l’Arménie vous en a privé. Réveillez-vous, il n’est pas trop tard et refusez d’être un outil dans ce jeu. L’Azerbaïdjan protégera tous vos droits, y compris votre sécurité. Nous en sommes un exemple clair. » Le contenu de la lettre ressemble plus à une comédie qu’à un appel crédible. Ceux qui ont concocté cette lettre sont si irréels qu’aucun Arménien ne croira à des mensonges aussi évidents.
La lettre lance finalement un appel aux mères arméniennes : « Ne fermez pas les yeux sur la mort de vos enfants sur les terres d’Azerbaïdjan, car vous ne les avez pas mis au monde pour devenir les victimes du jeu de certaines forces. » Il est très touchant que le gouvernement azéri, se faisant passer pour des Arméniens de Bakou, se soucie autant du bien-être des mères arméniennes et de leurs enfants !
La seule bonne chose à propos de cet appel est que le gouvernement azerbaïdjanais gaspille beaucoup d’argent pour payer des Azéris, qui seraient autrement au chômage, afin de préparer ces lettres et sites Internet inutiles. Aucun Arménien ne croira un mot de ces fausses nouvelles apparaissant sur le site d’Armenia.az (az pour Azerbaïdjan). Je suggère que le gouvernement de l’Azerbaïdjan crée également une station de télévision et de radio pour diffuser des programmes en arménien afin de gaspiller l’argent que leurs dirigeants n’ont pas encore volé !
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un véritable appel lancé par les Arméniens de Bakou. Cependant, même s’il y a une once de vérité dans ces revendications, cela signifie que l’Azerbaïdjan a adopté la politique turque consistant à forcer ses minorités arméniennes et autres à publier de fausses déclarations de propagande afin de dissimuler sa grave violation des droits de l’homme.
Traduction N.P.
