La presse arménienne s’intéresse aux résultats du référendum constitutionnel en Turquie qui va la transformer en une république présidentielle en renforçant les pouvoirs du président Erdogan. Armenpress donne la parole au rédacteur en chef de l’hebdomadaire arméno-turc d’Istanbul Agos, Bagrat Estukian, selon lequel la communauté arménienne de Turquie, s’est opposée, dans sa grande majorité, à ces changements constitutionnels qu’on peut difficilement considérer comme une réforme positive. De l’avis général des commentateurs arméniens, la faible différence entre le « oui » et le « non » et la victoire du « non » dans les grandes villes a mis en évidence la polarisation au sein de la société turque.Hayots Achkhar considère ce référendum comme un « événement historique » non seulement pour la Turquie, mais aussi pour toute la région, qui aura son incidence sur les relations entre la Turquie et l’Occident, mais aussi sur les relations arméno-turques. Selon le quotidien, les conséquences ne peuvent pas être positives : « Une Turquie dirigée par un président aussi déséquilibré et insolent que M. Erdogan peut représenter un sérieux danger pour l’Arménie ». Selon ce quotidien, « cette victoire à la Pyrrhus d’Erdogan divisera la société turque et plongera encore plus ce pays dans l’incertitude, le chaos et une ambiance de terreur ».
Haykakan Jamanak donne la parole au turcologue Rouben Melkonian, selon lequel, par ce changement de la Constitution, M. Erdogan a rompu avec l’UE et mis à mal les perspectives d’adhésion, d’autant qu’il évoque le possible rétablissement de la peine de mort. Selon le turcologue, en proie aux ambitions de devenir le maître de la région, la Turquie sera un voisin encore plus imprévisible pour l’Arménie. Il n’exclut pas qu’Ankara puisse durcir le ton envers l’Arménie, notamment en ce qui concerne le conflit du HK. « En ce qui concerne la normalisation des relations arméno-turque et l’ouverture de la frontière, cette question est reportée à un avenir lointain », selon M. Melkonian.
Dans un article intitulé « Erdogan deviendra un sultan », Haykakan Jamanak fait un point sur les changements constitutionnels en Turquie, observant que M. Erdogan peut ainsi régner jusqu’en 2029, devenant ainsi un « sultan ottoman ». « M. Erdogan ouvre la voie à l’échec du système laïc établi par le fondateur de la République de Turquie Moustafa Kemal et transforme le pays en une république islamique ».
Jamanak donne la parole à un autre turcologue, Levon Hovsepian, selon lequel ces changements constitutionnels vont non seulement renforcer de manière sans précédent les pouvoirs de M. Erdogan, mais également donner naissance à une nouvelle Turquie basée sur d’autres principes. Selon le turcologue, le fossé entre la Turquie et l’UE se creusera davantage, tandis que la politique d’Ankara envers l’Arménie peut se durcir. « Une Turquie marginalisée sur le plan international, qui est dirigée par un groupe de personnes sur lesquelles la communauté internationale disposera de peu de leviers d’influence, est susceptible de mener une politique plus agressive et irrationnelle et devenir ainsi un voisin dangereux pour l’Arménie ».
Hraparak estime dans son éditorial que l’Arménie était intéressée par une Turquie qui se rapproche de l’UE et donc plus prévisible et non par une Turquie devant laquelle la porte de l’UE semble désormais se refermer. « La victoire de la réforme d’Erdogan ne promet rien de positif pour nous », écrit l’éditorial, qui subodore « des temps difficiles pour l’opposition et la société turques et des perspectives sombres pour l’Etat turc en général ».
Extrait de la revue de presse de l’Ambassade de France en Arménie en date du 18 avril 2017