Sœur Arousiag, la « mère Teresa » de l’Arménie

Le rideau de l’opéra d’Erevan est à peine retombé que les centaines d’Arméniens venus au spectacle des élèves de Sœur Arousiag se précipitent vers la petite religieuse. Elle se laisse embrasser et complimenter par chacun. « Tout le monde l’aime, parce qu’elle est très directe, très forte, très exigeante aussi », constate Gayane Avoyan, professeur de cuisine dans le lycée professionnel fondé à Gumri en 2009 par Sœur Arousiag.

Ce lycée réputé, qui forme chaque année une quarantaine de jeunes en électricité, informatique ou cuisine, aide à lutter contre le chômage qui sévit dans cette ancienne ville industrielle, sinistrée depuis le tremblement de terre de 1988 et la fin de l’ère soviétique.

C’est ce séisme qui a décidé Sœur Arousiag Sajonian à venir servir le pays de ses ancêtres. Née en Syrie en 1945, ayant grandi entre Alep et Beyrouth, elle avait le désir, depuis son entrée dans la congrégation des Sœurs arméniennes de l’Immaculée Conception, en 1965, d’être « missionnaire en Arménie ». Mais sa hiérarchie l’envoie à Philadelphie (États-Unis) où elle fonde et dirige une école arménienne pendant vingt-cinq ans, tout en assumant des responsabilités de vicaire générale.

« Le Seigneur m’a toujours aidée »

Après s’être rendue à Spitak, l’épicentre du tremblement de terre de 1988, elle envoie un rapport détaillé au pape Jean-Paul II. Car Sœur Arousiag n’hésite jamais à s’adresser au plus haut niveau : « Le Seigneur m’a toujours aidée ; si un projet ne marche pas, c’est que le Seigneur ne le veut pas ! » Arrivée en 1990 dans le nord de l’Arménie, elle commence par enseigner dans trois villages. Face au grand nombre d’orphelins, elle fait appel à la communauté américano-arménienne. C’est ainsi que la riche famille Boghossian construit un centre éducatif à Gumri.

Inauguré en 1996, ce centre accueille cette année 37 enfants, essentiellement des filles. « À l’époque, faute d’une alimentation suffisante, des enfants s’évanouissaient dans la journée. » Sœur Arousiag lance l’été suivant une colonie à la montagne pour les pensionnaires du Centre Boghossian et d’autres orphelins des environs.

Entourée des meilleurs professionnels

Pour occuper ces 850 enfants, Sœur Arousiag, qui a hérité du talent musical de son père (il jouait dans la fanfare de l’armée française, qui l’avait sauvé du génocide), monte une chorale. « Le chant aide à la confiance en soi, surtout pour des orphelines qui pensent qu’elles sont responsables de leur malheur. » C’est ainsi que naît le Chœur Notre-Dame d’Arménie, aujourd’hui connu internationalement.

Pour les élèves qui poursuivent leurs études dans les universités d’Erevan, l’infatigable religieuse a ouvert un foyer d’étudiantes. Elle a également fondé à Gumri un centre de jour pour personnes âgées esseulées. Pour chacune de ces œuvres, Sœur Arousiag s’entoure des meilleurs professionnels… Ainsi, « son » chœur répète sous la direction de Robert Mlkeyan, ancien chef de l’orchestre d’Arménie. C’est ce chœur qui chantera pendant la messe célébrée par le pape à Gumri.

Photo : Nazik Armenakyan

Claire Lesegretain