Stationnés depuis 2020 dans l’enclave arménienne séparatiste, les soldats russes de maintien de la paix ont entamé leur retrait, le 16 avril, de manière anticipée. En effet, l’Azerbaïdjan a repris possession du territoire depuis la fin de 2023, et les Arméniens l’ont totalement déserté. Certains observateurs d’Arménie pensent cependant que leur mission n’est pas tout à fait terminée.
« Les plus hauts dirigeants de Russie et d’Azerbaïdjan ont pris la décision de retirer, avant terme, du territoire de notre pays, les ‘casques bleus’ de la Fédération de Russie [sans rapport avec l’ONU] stationnés temporairement en république d’Azerbaïdjan, conformément à la déclaration tripartite signée [par l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’égide de la Russie] le 10 novembre 2020 », s’est réjoui Hikmet Gadjiev, conseiller du président de l’Azerbaïdjan, relayé par le site azerbaïdjanais Day.
Cette déclaration tripartie a été signée à la fin de la deuxième guerre du Haut-Karabagh, à l’issue de laquelle les Arméniens avaient perdu les deux tiers de leur enclave sur le territoire azerbaïdjanais.
Près de 2 000 soldats de maintien de la paix.
Le 16 avril, la Russie a entamé le retrait de ses 1 960 soldats de maintien de la paix, déployés en 2020 pour une durée de cinq ans afin d’empêcher les hostilités entre Arméniens du Haut-Karabagh et troupes azerbaïdjanaises soutenues par la Turquie, et de protéger la population civile arménienne.
Le site russe Gazeta.ru rappelle que la question du retrait anticipé des forces russes de maintien la paix « s’est posée en 2023 [au terme de vingt-quatre heures de combat, du 19 au 20 septembre], lorsque l’Azerbaïdjan a récupéré la totalité du territoire du Haut-Karabakh », provoquant l’exode de tous les Arméniens qui y vivaient.
En l’absence d’Arméniens au Karabagh, « plus besoin de ‘casques bleus’ russes », explique le député russe Constantin Zatouline, selon qui Bakou s’apprête vraisemblablement à « ‘digérer’ entièrement ce territoire et à éliminer progressivement toute trace de la présence des Arméniens au Haut-Karabagh ». Dans ces conditions, poursuit-il, « les soldats russes de maintien de la paix deviendraient un motif de conflits ».
Selon Zatouline, ce retrait russe ne provoquera aucune nouvelle guerre autour du Haut-Karabagh. En effet, explique-t-il, cela ne pourrait se produire que « si le pouvoir à Erévan tombait dans les mains de personnes qui arrêtent de céder des territoires et de brader les intérêts nationaux arméniens ».
En septembre 2023, le Premier ministre de l’Arménie, Nikol Pachinian, au pouvoir pendant les deux guerres du Haut-Karabagh, avait, comme le rappelle Gazeeta.ru, accusé les soldats russes « de ne pas avoir rempli leur mission », à savoir, de ne pas avoir obtenu la « levée du blocus économique du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan » ni « empêché l’accaparement total du Haut-Karabagh » par Bakou.
Moscou pointe du doigt la responsabilité de l’Arménie
Le journal russe Vzgliad ne mâche pas ses mots pour faire porter à Erévan la responsabilité de la situation actuelle : « Les dirigeants arméniens ont pris la décision stratégique de renoncer au Haut-Karabagh et à la lutte pour le maintien de la population arménienne sur place. La mission du contingent de maintien de la paix a perdu son sens pratique et politique, car il n’y a plus personne à protéger. »
La date butoir pour l’achèvement du retrait, qui se fera par étapes, n’a pas été fixée. Selon l’expert militaire arménien David Djamalian, ce détail est porteur d’espoir : « Pour la Russie, le Caucase du Sud, frontière de son influence géopolitique, est une région très importante », relaie le site arménien Verelq. Il estime que Moscou devrait « étirer le processus jusqu’en 2025 », et « porter à nouveau son attention sur le Caucase du Sud » plus tard, si la guerre en Ukraine prend fin. L’expert va jusqu’à prévoir que le Kremlin « se chargera de jeter les bases du retour des Arméniens au Haut-Karabagh ».
La porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe, Maria Zakharova, a affirmé que la Russie était « prête à contribuer au retour des Arméniens au Haut-Karabagh », qui, dans le cadre de la « normalisation des relations arméno-azerbaïdjanaises », devraient obtenir des « garanties quant au respect de leurs droits et à leur sécurité », cite le média arménien Panorama.
Alda Engoian
Courrier international
18 avril 2024