Déployer les forces internationales de maintien de la paix aux frontières arméniennes pour prévenir de nouvelles catastrophes

Écrit en anglais par le Dr Arshavir Gundjian et publié dans The Armenian-Mirror Spectator en date du 27 septembre 2023

 

Alors que l’enfer a littéralement éclaté en Arménie, le gouvernement actuel, tous les partis d’opposition, ainsi que tous les groupes organisés en Arménie et en diaspora, doivent avoir un objectif principal qui l’emporte sur tous les autres objectifs humanitaires, économiques ou urgences politiques importants. Cet objectif est, comme le dit la sagesse populaire, de « sauver le mobilier actuel », c’est-à-dire de sauver tout ce qui reste encore des possessions arméniennes.

Il est écrit depuis longtemps, en particulier depuis la fin de la désastreuse guerre de 44 jours de 2020, que non seulement l’Artsakh, mais certainement également l’actuelle République d’Arménie, sont la cible d’une prise de pouvoir par l’Azerbaïdjan, agissant en pleine collaboration évidente avec la Turquie. En outre, quelles qu’en soient les raisons, il est devenu de plus en plus évident que la protection des soi-disant soldats de maintien de la paix russes était devenue tout à fait inopérante.

Il n’est pas nécessaire d’être expert pour constater qu’outre l’Artsakh, le belligérant président azerbaïdjanais Ilham Aliev utilise régulièrement le qualificatif d’« Azerbaïdjan occidental » pour désigner les territoires de l’actuelle République d’Arménie, dont Erévan, Sevan et Dilidjan.

Incroyablement, à chaque occasion, pratiquement aucune voix d’indignation, de protestation officielle et de condamnation n’a été entendue de la part du gouvernement arménien ou de tout autre organisme international. Les agences météorologiques azerbaïdjanaises parleraient même de la météo en Arménie comme de la « météo de l’Azerbaïdjan occidental ».

L’Arménie officielle a-t-elle pris l’utilisation d’un langage aussi cynique, choquant et dangereux pour une plaisanterie de mauvais goût ?

Si tel est le cas, il est préférable qu’ils se secouent sérieusement et se réveillent.

En effet, les Azerbaïdjanais et les Turcs ne plaisantent pas. Ils pensent ce qu’ils disent, et bien plus encore.

N’avons-nous pas appris des leçons de l’histoire de l’Arménie qu’effacer le pays de la carte était leur projet vieux de plusieurs siècles, comme élément central du grandiose projet turc pantouranique d’expansion de l’Europe jusqu’au cœur de l’Asie, dans un vaste empire ininterrompu ?

Jusqu’à présent, ils n’ont pas pu réaliser ce rêve, uniquement à cause de l’obstacle russe de l’ère soviétique, qui a soudainement disparu !

Il est incontestable que le monde arménien tout entier doit maintenant consolider tous ses moyens et toutes ses forces, en mettant de côté toutes les divergences internes, afin de sauver les territoires arméniens qui subsistent encore entre nos mains.

Nous ne disposons sans doute que d’un temps limité pour nous engager fébrilement dans cet effort de consolidation de toutes nos forces. Comme je l’ai déjà déclaré dans mes derniers écrits, tout manque de maturité et tout échec d’un parti arménien, aujourd’hui, qu’il s’agisse des autorités actuelles, des groupes d’opposition, des partis politiques ou des groupes de la diaspora, à se conformer à un esprit d’unité nationale motivée par l’urgence, serait considéré comme une trahison pure et simple envers les intérêts suprêmes de la nation arménienne.

Nous devons reconnaître, et simplement reconnaître pour l’instant, que les Arméniens, tant en Arménie qu’en Artsakh, n’ont en réalité pas réussi à construire leurs outils de sécurité nationale au cours des trois dernières décennies, alors qu’ils auraient dû consolider leurs efforts pour sécuriser le pays par leurs propres dispositifs de sécurité militaires et diplomatiques. Cela devait être accompli en priorité, de manière autonome et indépendamment de toute aide étrangère dite extérieure supplémentaire, quelle qu’elle soit. En effet, ils étaient censés savoir que cette dernière est volatile et peut être éphémère, alors que la sécurité est la seule chose sur laquelle une nation peut compter!

Immédiatement après l’effondrement de la structure soviétique, la plus haute priorité de l’Arménie aurait dû être non seulement de maintenir soigneusement son industrie de défense, mais aussi de continuer à la développer pour se doter d’une armée de classe mondiale, équipée d’armes sophistiquées de pointe et régulièrement mises à jour. L’Arménie disposait de l’infrastructure et de la main-d’œuvre intellectuelle pour réussir dans cette voie. En fait, nous tous, en particulier dans la diaspora, avons été amenés à croire que telle était effectivement la qualité et le calibre du système de défense arménien. Nous avons été trompés, et pire encore, par son comportement irresponsable, l’Arménie a créé tous les éléments de la catastrophe actuelle.

L’autre grand échec concerne spécifiquement le front diplomatique de l’Artsakh. L’Artsakh dispose en effet de deux outils juridiques solides et internationalement reconnus pour soutenir son droit à l’indépendance, qu’il a négligé d’utiliser depuis 1994, après la victoire arménienne contre l’Azerbaïdjan.

En effet, au moment même où le régime soviétique s’effondrait, il est un fait bien établi que l’Artsakh a organisé légalement (selon les lois en vigueur à l’époque) le référendum réussi du 10 décembre 1991 pour établir son droit de déclarer son indépendance et son droit de gérer son propre destin.

Les atrocités répétées de l’Azerbaïdjan contre ses propres citoyens d’origine arménienne, depuis les massacres de Soumgaït jusqu’aux actes de violence incessants de la part de l’Azerbaïdjan et à la rhétorique ouverte encourageant sa population à perpétrer des atrocités envers les Arméniens, qui se poursuivent encore aujourd’hui dans les médias azerbaïdjanais, sont les éléments incontestables de la demande de l’Artsakh, à la manière du Kosovo, de se séparer de l’Azerbaïdjan pour survivre.

Les autorités arméniennes d’Arménie et d’Artsakh ont effectivement laissé, timidement, les deux solides arguments internationalement acceptés en faveur de l’indépendance s’estomper avec le temps.

Cet échec a atteint son point le plus bas lorsque le Premier ministre Nikol Pachinian a récemment commencé à répéter que l’Arménie reconnaissait l’intégrité de l’Azerbaïdjan, y compris l’Artsakh, à l’intérieur de ses frontières.

Aussi incroyables que puissent être tous les échecs arméniens cités ci-dessus, et aussi graves que puissent être la responsabilité et donc la culpabilité de tous ceux qui ont causé de tels échecs, il est évident qu’au stade actuel de notre crise nationale pour la survie, nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de déployer tous les efforts nécessaires pour résoudre ces problèmes dès maintenant. Mais à cet égard, tout n’est pas perdu. Nous devons simplement prendre très sérieusement note des points ci-dessus pour nous assurer qu’ils deviennent des éléments fondamentaux d’une stratégie nationale arménienne à long terme sur laquelle il faudra bientôt travailler, une fois que nous aurons traversé l’état de super-urgence actuel.

Après nous être rappelé tout ce qui précède, nous devons maintenant rassembler tous les efforts de notre nation pour atteindre l’objectif immédiat qui, comme je l’ai dit au début de cet article, est nécessaire pour sauver ce qui reste encore en Arménie à ce jour sans subir de nouvelles pertes.

  1. Pachinian, nos collègues dirigeants des mouvements politiques et autres en Arménie et en Artsakh, ainsi que les chefs des principales organisations de notre diaspora, nous devons MAINTENANT rassembler tous nos moyens pour aider l’Arménie à demander au Conseil de sécurité des Nations unies le seul remède concret IMMÉDIAT qui empêchera l’exécution du plan azéri-turc évident d’élimination physique complète de l’Arménie de la carte : l’Arménie doit exiger le déploiement immédiat d’une force internationale de maintien de la paix crédible et forte le long ses frontières et de ce qui reste de l’Artsakh, peuplé d’Arméniens, avec l’Azerbaïdjan et la Turquie.

Pour éviter en partie les sensibilités, ces forces peuvent être qualifiées d’« ajouts ou agissant en association » avec les forces russes actuellement stationnées le long de ces frontières.

Cette demande doit être formulée devant l’ONU, immédiatement, avec force, formellement et à plusieurs reprises par le gouvernement arménien d’Erévan en association avec le gouvernement d’Artsakh à Stepanakert.

Simultanément, la direction de notre Église arménienne, dirigée par le Catholicos de tous les Arméniens Karekin II d’Etchmiadzine, en association avec le Catholicos de Cilicie Aram Ier, à Beyrouth, en collaboration avec les ambassades d’Arménie dans le monde, et tous les chefs d’organisations arméniennes importantes doivent se réunir sans de longues formalités fastidieuses, afin d’inonder les dirigeants et législateurs de tous les pays où résident d’importantes communautés arméniennes, à commencer bien sûr par celles des États-Unis et de la France, et leur demander, en tant que citoyens de ces pays, d’apporter leur soutien et assurer leur participation à une telle force de maintien de la paix des Nations unies dans le Caucase.

Chers compatriotes arméniens, au moment où j’écris les dernières lignes de cet article, je suppose que vous êtes tous au courant des menaces très récentes que j’entends et qui sont exprimées ouvertement à l’instant par le président turc et Recep Tayyip Erdogan et Aliev, exigeant des mesures inouïes et d’autres concessions de la part de l’Arménie.

Ne doutons pas un seul instant que de telles menaces verbales se traduiront bientôt par des « actions militaires ».

Seule une force internationale peut dissuader ces vautours de poursuivre le démembrement permanent de l’Arménie.

Chers frères arméniens, montrons que nous pouvons relever honorablement ce défi majeur.

 

Traduction N.P.