Lors de la conclusion, en mai 1994, de l’accord de cessez-le-feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, sous la médiation de la Russie, personne n’a eu l’illusion que le spectre de la guerre se dissiperai dans le Caucase du Sud. La pomme de discorde entre les deux adversaires, au sujet du Haut-Karabagh, est devenue l’un des « conflits gelés » dans le sillage de l’effondrement de l’Union soviétique.
Mais la récente escalade des tensions à la frontière des deux pays met en scène de nombreuses hypothèses et quelques alliances.
Les discours prononcés durant l’Assemblée générale des Nations Unies marquant son 70e anniversaire, par le Président d’Arménie Serge Sargissian ainsi que le ministre des Affaires étrangères d’Azerbaïdjan, Elmar Mammadyarov, ne donnent aucune indication d’une paix à portée de main ; au contraire, les deux discours conclus à des menaces à peine voilées de guerre.
Le fait que le Haut-Karabagh n’ait jamais fait partie intégrante du territoire de l’Azerbaïdjan n’a pas reçu d’appui sur le forum international. Même durant la période soviétique, la région avait le statut de région autonome sous la juridiction de Bakou, plutôt que de territoire azéri.
Nonobstant la déclaration de Nariman Narimanov, après la soviétisation de l’Azerbaïdjan, le Karabagh, le Zanguezour et le Nakhitchevan font partie du territoire arménien à perpétuité. Narimanov était le leadeur azéri durant l’ère post-soviétique immédiat. C’est en 1920, que le gouvernement britannique a convaincu le Conseil consultatif du Karabagh d’accepter la tutelle de l’Azerbaïdjan, jusqu’à ce que son statut final puisse être déterminé par le Traité de Sèvres (10 août 1920). Depuis, les Arméniens du Karabagh sont en attente d’un statut juridique pour leurs terres ancestrales.
L’allié stratégique de l’Arménie, la Russie, n’a pas approuvé le principe selon lequel le Karabagh ait rompu avec l’Azerbaïdjan, et l’Union soviétique utilisant le même véhicule juridique (la Constitution soviétique) que Bakou a mis en œuvre lors de la dissolution de ses liens avec l’Union soviétique, ce qui rendait l’acte final d’Helsinki, censé résoudre l’auto-détermination des peuples du Karabagh impossible sans compromettre l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan.
Quatre résolutions des Nations Unies sur la question ont déclaré le Karabagh partie intégrante du territoire de l’Azerbaïdjan, mettant l’Arménie au défi d’une bataille juridique. Ces résolutions ont été adoptées par des manipulations politiques de la Turquie et les votes des adhérents de la Conférence islamique, dont sont membres Ankara et Bakou.
La politique autour de ce conflit est basé sur les paramètres juridiques mentionnés ci-dessus.
Depuis la signature du cessez-le-feu, la résolution du conflit a été octroyé à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Groupe de Minsk, sous la co-présidence de la Russie, des Etats-Unis et de la France.
Au cours des deux dernières décennies, le Groupe de Minsk s’est engagé dans une navette diplomatique, en vain. Le Groupe a, jusqu’à présent, toujours parlé d’une seule voix. Ceci est plus vrai.
Plusieurs réunions, par le biais de l’OSCE, entre les présidents des deux pays, dans des endroits aussi variés que Key West, Astana, Madrid et Moscou, n’ont pas été en mesure de réaliser une percée.
Au cours des dernières escarmouches transfrontalières, cependant, de nouveaux systèmes d’armes dangereux ont été introduits à partir de la Turquie. La violation du cessez-le-feu a été accompagné d’une forte rhétorique belliqueuse, et pas seulement par des représentants du gouvernement de troisième classe. Le Président Ilham Aliev d’Azerbaïdjan a lui-même réclamé non seulement le territoire du Karabagh, mais aussi le territoire souverain de l’Arménie. Joignant ses paroles aux actes, l’armée d’Aliev a attaqué la population de la région de Tavoush en Arménie, et a violé le cessez-le-feu, à la frontière entre l’Arménie et le Nakhitchevan.
Un éditorial sur lragir.am du 1er octobre suggère : « Bien sûr, Aliev pourrait être contraint par le Groupe de Minsk de l’OSCE, mais évidemment, le groupe n’a pas de consensus sur ce point. Il est clair que la politique russe encourage l’Azerbaïdjan à rechercher de nouvelles violations. »
La discorde au sein du Groupe de Minsk est évidente, le co-président américain James Warlick a seul émis des observations, apparemment sans coordination avec ses collègues. L’une de ces déclarations persistantes met de l’avant l’argument selon lequel la partie arménienne doit céder les sept régions autour du Karabagh, qui ont été occupées comme tampon stratégique pour garantir la sécurité du peuple du Karabagh et leurs forces armées.
Ce mantra a été instauré par l’ex-ministre turc des Affaires étrangères d’alors, Mehmet Davutoglu, après l’effondrement des protocoles turco-arméniens à Zurich en 2009, afin de démontrer sa flexibilité, la partie arménienne doit au moins évacuer une région. Dans les deux cas, il n’y a eu aucune suggestion réciproque de la partie azérie.
Un compromis signifie deux parties consentantes avec pour objectif des concessions réciproques afin d’atteindre un objectif commun. Une concession d’une seule partie ne conduit pas à une solution.
Jusqu’à présent, les représailles du côté arménien ont été rapide et efficace. Mais l’Azerbaïdjan a besoin de la rhétorique de guerre, sinon de la guerre elle-même. Le régime dictatorial a été sévèrement critiqué par l’Union européenne et les Etats-Unis pour ses violations des droits de la personne.
Malgré le style de vie obscène et l’opulence du clan Aliev au pouvoir, plus de 700 000 Azéris sont des réfugiés intérieurs maintenus dans une pauvreté abjecte, dans le seul but de détourner l’attention du monde sur leur « ennemi étranger ».
Les jeux de guerre récents aux frontières de l’Arménie, avec la participation de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et des forces armées géorgiennes sont destinés démontrer que l’Arménie est un pays isolé, ce qui n’est pas loin de la vérité. Cette situation est exacerbée par le dépeuplement rapide de l’Arménie, ce qui plait énormément à Aliev. Il a indiqué à plusieurs reprises que l’Azerbaïdjan peut attendre jusqu’à ce que l’Arménie devienne une proie facile grâce à son dépeuplement.
Les récents commentaires de la Turquie ont enflammé une situation déjà volatile. En effet, le chef de l’état-major général des Forces armées turques, Hulusi Akar, a déclaré : « La Turquie soutiendra l’Azerbaïdjan dans le règlement du conflit du Haut-Karabagh. »
Ajoutant l’insulte à l’injure il y a la position équivoque russe lorsque la sécurité de l’Arménie est en question. L’Arménie est un partenaire de la Russie au sein de l’Union douanière. Elle est aussi une alliée stratégique de l’OTSC. Les autres membres de l’OTSC, le Kazakhstan et la Biélorussie, poursuivent leurs relations avec l’Azerbaïdjan, et émettent des déclarations générales en vue des violations du cessez-le-feu. La base militaire russe à Gumri est censé protéger l’Arménie en cas d’attaque. Bakou a détourné ses tirs du Karabagh vers l’Arménie elle-même, mais nous attendons encore un commentaire de notre allié russe.
L’éditorial mentionné précédemment dans Iragir présente des commentaires sur les relations russo-arméniennes : « Et quand un allié et ami de facto arme l’ennemi, donnant le feu vert à l’agression, une alliance de facto avec les États-Unis est de plus en plus importante. »
L’Azerbaïdjan achète aussi ses armements de la Turquie et surtout des drones en provenance d’Israël. Un expert israélien, le Dr Alexander Tsinker, a révélé : « Nous fournissons le matériel à l’Azerbaïdjan, mais ce sont les affaires. J’ai parlé à des collègues arméniens et leur ai dit que si l’Arménie le voulait, elle pourrait aussi acheter le matériel nécessaire d’Israël, mais la réponse de l’Arménie a été embrouillée, disant qu’elle était un membre de l’OTSC » et l’armement n’est pas compatible avec les systèmes de l’OTSC.
Ce que Davutoglu et Warlick suggèrent a également trouvé un écho auprès du président Poutine. Lors de la dernière réunion en tête-à-tête, le président Poutine a déclaré au président arménien Serge Sargissian que pour apaiser les tensions, l’Arménie devait unilatéralement abandonner le contrôle de sept régions autour du Karabagh, sans aucune garantie sur un futur statut du Karabagh. Il s’agit d’un véritable test de traité militaire russo-arménien. Moscou tente depuis longtemps d’introduire des forces de maintien de la paix russes au Karabagh pour consolider sa position militaire dans le Caucase. La partie arménienne a résisté à cette politique, avec l’argument que ses forces armées peuvent garantir la sécurité des deux républiques arméniennes, malgré l’exode alarmant de l’Arménie, les guerres d’aujourd’hui ont été remportées grâce à la technologie et la stratégie. Les analystes militaires estiment que l’Arménie possède encore l’avantage stratégique. Cependant, personne ne peut dire pour combien de temps.
La Russie a ses mains pleines en Ukraine et en Syrie, mais plus souvent qu’autrement, des seconds fronts de guerre sont ouverts au sein de ce genre de situations confuses.
La dernière chose dont l’Arménie a besoin est d’une nouvelle guerre. Même si l’Arménie l’emporte, elle sera coûteuse et sanglante.
Traduction N.P.