Lorsque le président Obama a lancé son projet de réforme des soins de santé, il a déclenché une controverse à l’échelle nationale. Les opposants les plus virulents du projet de loi ont exprimé leur opposition au président plutôt que sur le contenu du projet de loi. Toute initiative législative du président semblait toxique.
Pour dramatiser la controverse, le satiriste politique Jon Stuart, l’ancien animateur du « The Daily Show » a mené une enquête demandant aux gens qu’ils favorisaient « l’Obamacare » ou des soins de santé abordables. Le second choix s’est avéré être le gagnant. La farce, bien sûr, est que les gens ont choisi le même projet de loi présenté sous deux étiquettes différentes.
Si un tel degré d’ignorance est toléré dans le pays le plus démocratique du monde, une certaine latitude peut être autorisée pour l’électorat d’Arménie, qui fait face, le 6 décembre, à un référendum sur les réformes constitutionnelles.
En écrivant ces lignes, les sondages réalisés en Arménie indiquent que 50% de l’électorat est indécis. Il y aurait à cela une variété de raisons : les réformes constitutionnelles n’ont pas été correctement expliquées au public, les électeurs font face à des problèmes pressants de moyens de subsistance en raison de la pauvreté endémique ; et bien sûr une certaine apathie envers tout problème politique.
Mais puisque la constitution déterminera le cours de leur vie quotidienne, elle doit être prise au sérieux pour ne rater pas cette occasion de faire entendre sa position.
Aussi compliquées que puissent être ces modifications, certains sujets essentiels sont abordables pour tous. Une de ces questions est la transformation d’une démocratie présidentielle en un système parlementaire. Dans le système actuel, le président est élu par le peuple et ne peut servir plus de deux mandats de cinq ans. Le président conserve à lui seul tout le pouvoir. Dans le système parlementaire, cependant, le président sera élu par l’Assemblée nationale ou le parlement, pour un seul mandat de sept ans, et ne sera plus le commandant en chef des forces armées. Ce pouvoir serait conféré au Premier ministre. La présidence deviendrait un poste essentiellement cérémoniel, et le président sera responsable devant le Parlement.
Le nombre de sièges au parlement passera de 131 à 101 et les partis politiques, plutôt que des candidats, seront en compétition pour être élus au Parlement.
Dans le système actuel, un certain pourcentage des députés sont élus selon une liste individuelle et un autre groupe à travers les listes de parti.
Le gouvernement fait, bien sûr, la promotion d’un vote pour le « Oui », alors que le fer de lance de l’opposition est le « Non ».
Le principal argument de l’opposition est que, grâce aux modifications proposées, le Président Serge Sargissian cherche à perpétuer son propre régime. L’Arménie a mis en place une limite de deux mandats pour le président, ainsi Sargissian, élu deux fois, ne peut donc plus le faire. Il a, par ailleurs, exclu le poste de Premier ministre si les modifications sont adoptées.
Le point de vue de l’opposition prend une certaine valeur à travers le spectre politique de l’Arménie.
Comme chef du Parti républicain, Sargissian peut en effet exercer une certaine influence, car il est de l’avis du public que le Parti républicain poursuivra sa domination du parlement dans un avenir prévisible.
Mais cela ne peut durer éternellement, car il a été prouvé maintes et maintes fois dans l’histoire récente de l’Arménie que les partis politiques ont un caractère éphémère et sont liés à des oligarques plutôt qu’à un ensemble de croyances ou principes.
Un exemple est le parti Arménie Prospère de Gagik Zaroukian, qui a connu une croissance spectaculaire et de l’importance dans les structures du pouvoir arménien, pour être pulvérisé lorsque ses intérêts commerciaux ont été menacés. Il est ainsi devenu un parti marginal accroché aux basques du Parti républicain.
La transformation du pouvoir en un système parlementaire se traduira, par conséquent, par des progrès démocratiques, les partis politiques arriveront à maturité, défendant leurs philosophies politiques particulières ou maintiendront leur plate-forme.
Mais parce que l’Arménie n’a pas encore atteint ce niveau de sophistication politique, la route vers un système plus démocratique ne doit pas être bloqué.
La constitution a déjà été transformée au cours de l’administration de Robert Kotcharian en 2005, en adoptant un système semi-présidentiel.
Les réformes constitutionnelles proposées ont été lancées en 2013, influencées par l’expérience de démocraties plus avancées. Les recommandations du Conseil de Venise ont également été intégrées dans les amendements proposés. Le Conseil de Venise, créé sous l’égide du Conseil de l’Europe, opère sous le paradigme de la « démocratie par le droit. »
L’ancien Président Kotcharian s’oppose aux changements constitutionnels, parce que, insiste-t-il, « les modifications proposées ne parviennent pas à fournir la véritable « décentralisation », l’un des objectifs supposés de la réforme. »
Alors que Kotcharian s’oppose aux réformes fondées sur le principe, les partis d’opposition font la promotion du « Non », sur le principe de s’opposer à toute directive du gouvernement.
Le Congrès national arménien, dirigé par l’ancien président Levon Ter-Petrossian, a tenu son propre rassemblement pour s’opposer au référendum.
Le fondateur du parti de l’Héritage Raffi Hovannisian et la Fondation du Parlement dirigé par Jiraïr Sefilyan, mènent leur propre campagne du « Non ».
La campagne du « Non » ne repose pas toujours sur des bases ; elle est surtout motivée par la politique, telle qu’elle se révèle dans la déclaration de l’un des chefs de l’opposition, Aram Manoukian, qui s’est récemment rendu en Géorgie, où le système parlementaire a été adopté et dont le processus démocratique connaît ses propres douleurs de croissance.
« J’ai rencontré des membres de partis politiques représentés au Parlement, la Géorgie est confrontée à de graves problèmes aujourd’hui. Ils disent que ce n’était pas le moment. Je ne veux pas du tout dire que le modèle parlementaire n’est pas bon ; c’est juste une question d’opportunité. »
Manoukian a ajouté qu’il s’opposait aux réformes parce que le pays « est sur le seuil de la guerre. »
Il peut sembler paradoxal que les trois partis traditionnels aient adopté une position identique en soutenant le « Oui ». La FRA, le parti social-démocrate Hunchakian et l’ADL ont tous exprimé leurs positions et se sont rangés du côté de l’administration. Soutenir le « Oui » ne signifie pas qu’ils sont proche de l’administration actuelle. Comme partis traditionnels, ils ont de nombreuses années d’expérience à leur actif, ils voient la perspective de développements futurs, le temps que les autres partis arrivent à maturité et que le système parlementaire devienne véritablement fonctionnel jusqu’au possibilités de partage du pouvoir. La FRA a la motivation supplémentaire de favoriser le référendum parce qu’elle a choisi de se joindre au parti au pouvoir dans une coalition.
Durant le peu de temps restant avant le référendum, les électeurs indécis ont à se faire une idée. Mais le gouvernement est convaincu que le « Oui » l’emportera le 6 décembre. Sinon, ils n’auront pas su profiter de leur chance.
D’une façon ou une autre, le drame législatif de l’Arménie prendra fin le 6 décembre.
Traduction N.P.