Il y existe, entre les Arméniens et les Géorgiens, une relation d’amour-haine. Ces deux nations chrétiennes au milieu d’un environnement fortement islamisé, ont vécu ensemble durant des siècles. Les Arméniens, fidèles à leur propension à prospérer dans les pays étrangers, ont construit Tbilissi, capitale de la Géorgie, la transformant en un centre pour les arts et la culture au cours de la majeure partie du 19e siècle. En récompense, ils ont souffert de la jalousie géorgienne, qui a augmenté jusqu’à la prise du contrôle soviétique en 1920, lorsque, sous le couvert de la prise de contrôle du prolétariat sur le capitalisme, les Géorgiens ont exproprié les Arméniens de leurs maisons et leurs terres, et ont commencé à mettre en œuvre le type le plus sombre de nationalisme sous le régime soviétique.
Lorsque l’empire soviétique s’est effondré, de nombreux groupes de nationalités différentes se sont retrouvés avec des revendications territoriales conflictuelles. Une situation similaire a éclaté au début du 20e siècle, lorsque l’empire tsariste s’est écroulé. Les Arméniens et les Géorgiens se sont brièvement affrontés avec pour conséquence la perte de la province arménienne historique du Djavakhk.
La jalousie, les conflits, les coups de couteau ont plus caractérisé les relations entre ces deux pays que la coopération et l’amitié.
Depuis son indépendance, la Géorgie a pris le parti de coopérer avec la Turquie et l’Azerbaïdjan dans toutes les situations possibles, tant sur un vote aux Nations Unies que la construction de réseaux ferroviaires ou énergétiques. Tbilissi a coopéré avec la Turquie et l’Azerbaïdjan dans le but d’isoler l’Arménie, et étrangler son économie. Dans une récente entrevue, l’ambassadeur géorgien à Ankara, Irakli Koplatadze, a annoncé que la coopération trilatérale entre la Géorgie, l’Azerbaïdjan, et la Turquie était « en croissance. » En lien avec l’oléoduc, des projets d’importance mondiale récemment lancés [l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, l’oléoduc gazier Bakou-Tbilissi-Erzurum, la construction du chemin de fer Bakou-Tbilissi-Kars en cours, et le gazoduc Trans-Anatolie] la production d’énergie et les projets de transmission servent les meilleurs intérêts à long terme de l’ensemble de la région afin d’assurer la sécurité, la stabilité et la prospérité. »
Bien sûr, l’Arménie ne figure dans aucun des projets ci-dessus, et elle est délibérément laissée de côté, grâce à la complicité de Tbilissi avec ses ennemis.
Parallèlement à une politique étrangère hostile, une politique répressive intérieure est également appliquée à l’importante communauté arménienne de Géorgie – confiscation des églises, des écoles, fermeture des théâtres, des journaux et surtout, la persécution de la majorité arménienne du Djavakhk.
Malheureusement, l’Arménie n’a pas d’influence sur la Géorgie, et est contrainte de poursuivre une politique de soi-disant amitié pour ne pas aggraver les relations.
L’Arménie enclavée, bloquée par la Turquie et l’Azerbaïdjan, ne dispose que de deux points d’accès aux marchés mondiaux, l’Iran et la Géorgie. L’Arménie a été abandonnée à la merci de Géorgiens impitoyables.
Au cours de la guerre d’août 2008, entre la Russie et la Géorgie, le commerce et les communications de l’Arménie ont énormément souffert. Le gouvernement iranien présupposait que l’Arménie pouvait servir de pont commercial entre les Etats du Golfe et la mer Noire. Afin d’atteindre ce statut, Erévan devait préserver des relations amicales avec Tbilissi.
Une part importante de la tension entre les deux pays est le résultat de l’hostilité entre Moscou et Tbilissi, dans la mesure où l’Arménie est pro-russe.
Les réflexes politiques anti-russes du président Mikhaïl Saakachvili ont laissé une Géorgie en ruine, durant cette période, le pays a subi une perte territoriale et un déclin économique. Le rêve du Parti géorgien, dirigée par Bidzina Ivanishvili, a permis d’exercer un certain contrôle des dommages, et ramené une relative normalité. L’Arménie a exercé une politique de complémentarité pendant un certain temps avec succès. Maintenant, c’est au tour de la Géorgie d’adopter une politique étrangère multi-vectorielle.
Le pays reste déchiré entre les deux pôles, illustrés par les différentes approches de deux représentants, l’ambassadeur de Tbilissi à Ankara, Irakli Kopladze, et l’ancienne présidente du Parlement géorgien, Nino Bourjanadze, en tournée à Moscou.
Le premier plaide pour l’adhésion à l’OTAN et à l’intégration européenne; la seconde se lamente sur le coût de la politique et de la provocation guerrière anti-russe de M. Saakachvili. A cette époque, même Washington avait giflé son allié, l’accusant d’être allé trop loin.
La Russie a tracé une ligne frontière entre elle et les forces de l’OTAN. En 2011, le président russe Dmitri Medvedev a déclaré que l’action militaire de la Russie visait à contrer les ambitions de la Géorgie dans l’OTAN.
Poursuivre la même politique équivaut à tenter le diable, et ne donnera pas de meilleurs résultats que ceux atteints par Saakachvili.
L’ancienne présidente du Parlement géorgien, N. Bourjanadze, qui ne bénéficie plus d’un titre officiel, était chargée des relations publiques afin d’améliorer les relations avec la Russie. Elle a rencontré de nombreux médias et des politiciens à Moscou, et aurait même rencontré le président Vladimir Poutine. Elle rejette ouvertement les malheurs de la Géorgie sur Saakachvili, et a déclaré, « à un certain moment, je croyais que l’adhésion à l’OTAN serait bénéfique pour mon pays, et j’ai contribué à cette politique. Mais depuis 2008, j’ai radicalement changé de point de vue. »
Bourjanadze cherche à rétablir les relations avec la Russie. De récents sondages indiquent 31% d’appui de cette politique. De nombreux Géorgiens embrassent ouvertement l’idée que leur pays doit adhérer à l’Union européenne.
Incidemment, le Premier ministre géorgien Irakli Garibachvili a, cette semaine, renvoyé son ministre des Affaires étrangères qu’il a remplacé, dans un geste surprenant, par le ministre de l’Economie.
Bourjanadze a conclu l’une de ses déclarations par « les petites nations ont à réfléchir à leur propre intérêt et ne doivent pas avoir l’illusion que d’autres peuvent répondre à leurs intérêts. »
Le voyage de Bourjanadze en Russie a été couvert par Ruben Hayrapetian, analyste politique du quotidien Azg à Erévan. Se référant à la hausse du sentiment anti-russe en Arménie, l’analyste a utilisé un titre judicieux, « Laissez-nous apprendre des erreurs des autres. »
Il y a cependant, une certaine détente à la frontière entre l’Arménie et la Géorgie, surtout parce que Tbilissi tente de réparer les relations rompues avec Moscou. L’Arménie a été utile à ce rapprochement, parce que ce rôle correspond également à ses propres intérêts.
Une école destinée à recevoir 1 000 étudiants arméniens est en cours de construction à Tbilissi. Les délégations commerciales et les échanges à tous les niveaux ont augmenté entre les deux pays. Le gouvernement a même mis en place des mesures pour améliorer l’économie du Djavakhk.
Nous ne pouvons pas trop compter sur la bonne volonté géorgienne, mais l’Arménie pourra certainement bénéficier de l’amélioration de ses relations avec Tbilissi. L’Arménie est plus proche de capitaliser sur son rôle de pont commercial en coordonnant les deux composantes de sa politique étrangère. D’un côté, l’Iran s’éloigne des sanctions tandis que d’autre part, la Géorgie semble être plus favorable à de meilleures relations avec la Russie, et donc l’Arménie.
L’Arménie a été l’otage de la politique géorgienne, maintenant des relations améliorées permettront à Erévan d’échapper aux mailles politiques géorgiennes.
Traduction N.P.