Une imposante erreur à Bakou

Éditorial écrit en anglais par Edmond Y. Azadian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 13 avril 2017

Le président Donald Trump souhaite voir exercer par tous des normes de vérification et des applications raisonnables, sauf bien sûr par lui-même et les membres de sa famille. Avant lui, presque tous les candidats à la présidence et, en l’occurrence, tous les candidats à la fonction publique, se sont sentis obligés de révéler leurs propres finances. M. Trump, cependant, a refusé de divulguer les siennes ainsi que les impôts qu’il avait payés, mais a malgré tout été élu. Il s’est toutefois engagé à se débarrasser de ses liens d’affaires, déléguant les opérations quotidiennes à ses fils, Donald Jr. et Éric, mais il a toujours des intérêts financiers au sein de sa compagnie.
Des experts en matière d’éthique, y compris le directeur de l’éthique du gouvernement, Walter Shaub, accusent le président Trump de ne pas en faire assez pour se départir de ses intérêts commerciaux. Ce genre de participation laisse la porte de la présidence ouverte à la critique, ces intérêts colorent la façon dont les États-Unis agissent, puisqu’ils ont des intérêts commerciaux internationaux, en particulier dans certains lieux très volatils.
Déjà, les relations chaleureuses de l’administration de M. Trump avec Vladimir Poutine et son point faible concernant les questions russes pourraient le dévier de ses intérêts commerciaux dans ce pays.
Si ces allégations sont de nature spéculative, plus de critiques factuelles ont récemment été adressées envers le président et ses intérêts commerciaux dans l’un des États les plus corrompus du monde, soit l’Azerbaïdjan.
En 2014, Trump a annoncé un projet d’hôtel à Bakou, où il s’est associé avec Anar Mammadov, fils du ministre azerbaïdjanais des Transports, Ziya Mammadov, un des copains du président Ilham Aliev. Mammadov est considéré comme l’un des fonctionnaires gouvernementaux les plus compromis, surtout en Azerbaïdjan, connu pour la corruption de son gouvernement. Le fils de Mammadov a eu des démêlés récents avec le clan de la première dame Mehriban Aliev, le Holding Pacha qui a dupé ses partenaires.
Le public américain est quotidiennement exposé à de tels scandales devenus communs. Mais M. Trump faisant affaire avec des gouvernements corrompus, cela va au-delà de l’éthique des entreprises et a une incidence sur les lois américaines et la sécurité nationale.
En effet, une lettre de trois sénateurs démocrates adressée aux autorités respectives demande une enquête sur le projet Trump à Bakou, à la lumière des révélations figurant dans l’article du magazine The New Yorker (13 mars « Trump’s Worst Deal »). La lettre des sénateurs Sherrod Brown de l’Ohio, Diane Feinstein de Californie et Ben Cardin du Maryland s’adressait au procureur général Jeff Sessions, au secrétaire du Trésor Steven Mnuchin et au directeur du FBI, James Comey. Les sénateurs ont spécifiquement écrit dans la lettre : « Il semble que le manque de circonspection raisonnable de l’entreprise Trump décrit dans l’article expose le président Trump et son entreprise à la corruption notoire des oligarques azerbaïdjanais et peut aussi avoir exposé l’entreprise Trump à la Garde islamique ou au Corps des gardiens de la Révolution iraniens.

« Même si l’entreprise Trump semble s’être retirée de l’affaire de la tour de Bakou, des questions sérieuses restent sans réponse concernant la responsabilité pénale potentielle de l’organisation Trump », ont-ils écrit.
Avant d’arriver à l’impact juridique de l’opération ci-dessus, une question majeure demeure : pourquoi l’Azerbaïdjan a-t-il été exclu des pays musulmans dont les citoyens ne peuvent obtenir de visas pour les États-Unis ?

Mais la demande d’enquête semble avoir des implications politiques et juridiques plus sérieuses ; Ainsi, Ziya Mammadov avait des relations commerciales continues avec le constructeur iranien Azarpassillo, qui à son tour joue un rôle prépondérant pour la Garde révolutionnaire iranienne. Cela viole les sanctions américaines et internationales mises en place contre l’Iran.
Selon toutes les indications, le projet de la tour de Bakou a fait faillite en raison de plusieurs erreurs de calcul.
A la défense de l’opération Trump, l’avocat de l’entreprise Alan Garten a annoncé que « nous ne possédions pas d’hôtel. Nous n’avions aucun capital, nous ne contrôlions pas le projet, nous n’avons payé personne. Par conséquent, cela ne saurait constituer une violation de la FCPA. »  (La loi sur les pratiques de corruption à l’étranger, adoptée en 1977, interdit aux entreprises américaines de participer à un régime pour récompenser un fonctionnaire du gouvernement étranger en échange d’un avantage important ou d’un traitement préférentiel.) Ce genre d’énoncé est le principal devoir de tout avocat, mais il reste à voir ce qu’une enquête révélerait.
Selon l’histoire du New Yorker, une photo d’Ivanka Trump est apparue sur son site Internet, sur laquelle elle porte un chapeau, dans le bâtiment de Bakou, avec la légende : « Ivanka a supervisé le développement de la Tour et Hôtel international Trump à Bakou depuis sa création, et est revenue récemment d’un voyage dans cette ville fascinante d’Azerbaïdjan où elle a vérifié les progrès du projet. »
Il est bon de savoir que tout l’argent gaspillé pour le projet provenait de l’Azerbaïdjan, dont la fortune diminue ces derniers mois. Dans un problème sans lien, la British Petroleum (BP), principal investisseur en Azerbaïdjan, a décidé de cesser ses activités dans le domaine pétrolier de Shahdeniz. En outre, la Géorgie, qui a contourné l’Arménie pour tous ses projets régionaux en raison de ses liens amicaux avec l’Azerbaïdjan, a décidé de réduire sa dépendance à l’égard des approvisionnements en gaz azerbaïdjanais.
Qu’une enquête soit ou non effectuée, les révélations ont déjà terni les affaires commerciales de Trump.
Quand tant d’intérêts commerciaux sont en jeu, quelle serait la perspective d’une solution Trump pour le problème du Karabagh ? Il n’a pas encore abordé ce problème parce qu’il a appris à agir selon la situation.
Le message qu’il émettra à la communauté arménienne le 24 avril est également un grand inconnu.
L’imprévisibilité a été la caractéristique des politiques de Trump, mais il doit au moins être cohérent avec lui-même. Si le contrôle extrême est une priorité pour le président, il doit être le premier à se conformer à cette politique. Sinon, la tour en faillite de Bakou pourrait symboliser ses politiques.

Traduction N.P.