Une multitude d’événements politiques sévissent au Moyen-Orient et le Caucase, ayant de potentielles retombées en Arménie. Pourtant, le système politique arménien et ses médias s’intéressent principalement au débat sur les problèmes intérieurs, les amplifiant parfois pour en faire des complications démesurées.
L’obsession des Présidents Recep Tayyip Erdogan (Turquie) et Ilham Aliev (Azerbaïdjan) envers le Zanguezour, sans oublier la politique intérieure de l’Arménie, continue d’être orienté vers un règlement de comptes et la sécrétion de rancunes. Bien entendu, les questions intérieures sont importantes à leur manière, mais elles doivent être considérées et débattues dans le contexte des forces politiques régionales, car elles peuvent devenir des questions de nature existentielle pour l’Arménie.
Le 20e anniversaire du massacre du Parlement du 27 octobre a fait les gros titres. Presque tous les médias, les experts et les politiciens ont débattu avec passion de la question. Le crime qui a bloqué l’Arménie et retardé sa progression, il y a deux décennies, a ressuscité.
Bien sûr, le sentiment de suspicion et de conspiration qui prévaut toujours hante le public, lui faisant sentir que la véritable justice a été détournée.
Ce jour-là, il y a 20 ans, un groupe de cinq terroristes, dirigé par Nairi Hunanyan, ont fait irruption au parlement et ont assassiné le Premier ministre Vazgen Sargissian et la présidente du Parlement, Karen Demirchian, qui avaient récemment formé une coalition appelée Miasnoutioun éloignant ainsi le président Robert Kotcharian. (Bien sûr, Kotcharian est actuellement en prison et attend son procès pour subversion de la constitution.)
Au total, huit députés ont été tués ce jour-là.
Il y a eu et il y a encore des spéculations sur les motifs de ce crime révoltant. L’interprétation la plus innocente a été proposée par Kotcharian lui-même, qui a déclaré que le crime avait été commis par un groupe de politiciens romantiques assumant une mission messianique.
En fait, la coalition entre Vazgen Sargissian et Karen Demirchian avait rendu Kotcharian impuissant. Beaucoup le traitaient déjà comme un souverain de nom, un peu comme la reine d’Angleterre.
Un autre facteur sous-jacent pourrait être la question de Meghri, défendue par un ancien employé du Département d’État américain, Paul Goble, qui avait déjà gagné du terrain lors des négociations sur le Karabagh, par les coprésidents du groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Une partie de la région de Zanguezour devait être partagée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, coupant l’Arménie de l’Iran et offrant à l’Azerbaïdjan un territoire contigu entre sa partie continentale et le Nakhitchevan.
Kotcharian était en faveur de l’accord, tandis que le tandem Sargissian-Demirchian s’y opposait catégoriquement.
Le massacre a consolidé le pouvoir de Kotcharian, faisant de lui le principal bénéficiaire de la tragédie.
Serge Sargissian était alors ministre de la Sécurité nationale et a, pour tout le moins, été accusé de manquement au devoir en permettant à cinq criminels armés d’armes lourdes de pénétrer dans le bâtiment du Parlement sans opposition.
Maintenant que Kotcharian est en prison et attend son procès, le public est poussé à revenir sur les massacres du 27 octobre, afin d’amplifier la culpabilité de Kotcharian, en plus de l’incident du 1er mars 2008 au cours duquel huit manifestants et deux policiers ont été tués.
Bien au-delà de ces crimes présumés, Kotcharian est la cible de certaines forces politiques car, tout au long de sa carrière, il a symbolisé la politique pro-russe du pays.
L’une des raisons de la résurrection des événements du 27 octobre a été occasionnée par l’appel de Hunanyan à la libération conditionnelle. On pense qu’en échange d’une libération conditionnelle, Hunanyan pourrait faire certaines révélations pour corroborer la culpabilité de Kotcharian.
Alors que le public et les médias débattent du 27 octobre, une attraction politique intéressante se déroule.
L’ancien ministre de la Justice, Artak Zeynalian, a rendu visite à Hunanyan derrière les barreaux. Cette visite s’est avérée sans problème. Mais une autre visite a fait sensation. Le deuxième visiteur est un parlementaire controversé, Arman Babadjanian. Ce dernier a pris de l’importance grâce à sa rhétorique anti-russe et il semble qu’aujourd’hui certaines forces extérieures soient intéressées par l’amélioration de son profil politique. On peut se demander pourquoi Babadjanian est à l’honneur comme visiteur de Hunanyan, plutôt que de tout autre parlementaire.
Babadjanian est un journaliste ordinaire ayant une mission. Lors des dernières élections législatives, il était membre du parti Arménie brillante. Il a quitté son appartenance à un parti politique pour tenter sa chance comme indépendant. Ces jours-ci, Babadjanian est occupé à faire la navette entre les organes de presse, offrant des entrevues et affirmant détenir des informations privilégiées provenant de Hunanyan.
Il est intéressant de noter que la plupart des chaînes de télévision et des agences de presse qui demandent une entrevue sont financées par des agences étrangères. Il est évident que des efforts délibérés et concertés sont déployés pour améliorer le profil de Babadjanian en tant qu’homme d’État.
À travers tous ces entretiens, Babadjanian insiste pour rouvrir le dossier du 27 octobre. Son comportement est calme, son discours est délibéré et articulé et il projette une image sérieuse.
Par ailleurs, il est soupçonné d’avoir écrit des commentaires sous le pseudonyme de Sargis Arzrouni, avec une virulente poussée anti-russe. Dans ces colonnes, il a fait pression sur l’administration Pachinian pour qu’elle ouvre le dossier du 27 octobre et a accusé de lâcheté la résistance à l’ouverture du dossier par déférence pour la Russie.
Certes, il est intriguant de revenir sur le massacre, car de nombreuses questions restent sans réponse. Mais il est également légitime de se demander si c’est actuellement le problème national le plus urgent, alors qu’il y a tant de risques en politiques intérieure et extérieure qui menacent le progrès de l’Arménie sur la voie d’une société civile normale et prospère.
La révolution de velours doit cependant suivre son cours.
Traduction N.P.