Les Arméniens se rendront aux urnes pour élire un nouveau parlement pour la première fois depuis les débuts de la troisième République indépendante d’Arménie, sans aucun pot-de-vin ni contrainte.
Les élections du mois dernier à la mairie d’Erévan se sont déroulées dans une atmosphère très pacifique. L’enthousiasme et l’euphorie qui ont catapulté Nikol Pachinian au poste de Premier ministre faisaient défaut lors de ces élections.
Sous le régime précédent, les élections à la mairie d’Erévan avaient lieu avec la participation de 40% des électeurs inscrits. Après la Révolution de velours, seuls 43% des électeurs ont pris part au vote. Quelques explications et justifications sont nécessaires pour expliquer le faible nombre de participants.
Une explication fait référence au manque de pots-de-vin. L’autre, la certitude que le parti de Pachinian « Mon étape » (Eem Kayleh) remporterait une victoire écrasante, de sorte que la participation ou le fait de rester à l’écart n’aurait aucune incidence sur le résultat des élections.
À l’heure actuelle, il est à craindre que les mêmes facteurs empêchent à nouveau les électeurs de se rendre aux isoloirs.
L’ambiance politique des citoyens peut se mesurer en discutant avec les chauffeurs de taxi. Avant la révolution de velours, ils ne pouvaient pas attendre qu’un passager soit assis pour commencer à se plaindre du gouvernement et de la hausse de prix des produits de base.
Immédiatement après l’arrivée au pouvoir de Pachinian, l’ambiance était à la fête. Aujourd’hui, leur réaction consiste principalement à attendre et à voir.
Pachinian et son équipe pensent que le peuple leur a confié le mandat de renverser l’ancien régime. Après avoir accompli cette mission, il ne semble pas connaitre l’étape suivante.
Les gens sont en général dans l’attente. Ils sont impatients et si leurs conditions de vie ne changent pas du jour au lendemain, ils seront déçus. La corruption et le système de pots de vin ont disparu. Cependant, il faudra un processus minutieux pour panser les plaies, réformer le système et commencer à profiter des dividendes de la révolution de velours.
Tous les espoirs sont actuellement axés sur les prochaines élections. Pachinian mène les citoyens dans un processus qui prend beaucoup de temps pour présenter une nouvelle législature dirigée par des membres de la jeune génération issus de l’ère numérique.
À l’heure actuelle, un intense maquignonnage est organisé entre les partis et les alliances dans le système politique très fluide de l’Arménie. En prévision des élections, de nouveaux partis émergent et d’anciennes alliances se désagrègent. Jusqu’à ce que des partis solides soient formés autour de lignes idéologiques, la fluidité continuera de menacer le système politique de l’Arménie.
En Occident, les partis traditionnels ont été formés pour représenter les différents intérêts des groupes dans la société et soutenir la démocratie. Les partis politiques formés autour d’individus influents et leurs portefeuilles n’auront pas fait longue vie. Cette fois-ci, il semble que des structures politiques soient également construites autour de principes idéologiques.
Le système électoral est très compliqué et très peu de personnes comprennent son fonctionnement. Mais les gens votent quand même. Pachinian a tenté de réformer le système électoral, mais le parlement corrompu a annulé le vote par une voix.
Il y a 13 circonscriptions électorales dans le pays, dans lesquelles 101 députés seront élus. Les candidats seront élus de deux manières: membre de parti ou sur système de points.
Les partis doivent atteindre la marge de 5% pour être élus alors qu’une alliance a besoin d’une marge de 7%. Tout parti dépassant le seuil des 5% élira 10 membres au Parlement. Au verso du bulletin de vote, il y a une longue liste d’autres candidats qui seront élus sur la base des votes obtenus à l’échelle nationale.
Tout parti qui obtient 42% des voix aura droit à des votes en prime, ce qui portera son pourcentage à 50% plus un. Ce parti formera le cabinet et désignera le premier ministre.
Le parti de Pachinian est sur le point de remporter 80% des suffrages. Mais la constitution ne permet à aucun parti de contrôler le parlement avec ce genre de pouvoir. En supposant que Pachinian atteigne ce pourcentage, son parti perdra dans la pratique 10% car 30% du parlement est alloué à l’opposition. Au moins deux partis peuvent constituer l’opposition. Si le second parti de l’opposition ne franchit pas la barre des 5%, ses candidats seront élus pour assumer une opposition à deux partis mandatés par la constitution.
Le 14 novembre est la date limite pour soumettre la liste des candidats et payer les frais de participation. Les candidats ne peuvent se présenter que sur des listes de parti. Ils ne peuvent pas s’inscrire individuellement.
À ce stade, les partis ou alliances suivants ont décidé de participer aux élections:
• Mon étape, dirigé par Pachinian. Il est évident que Pachinian et son groupe vont balayer les élections ;
• Arménie prospère, dirigé par Gagik Tsaroukian. Ce dernier a fait des dons de bienfaisance tout au long de l’année, ce qui peut constituer un bloc solide de votes ;
• L’Alliance Menk, dirigé par Aram Sargissian, frère du Premier ministre assassiné, Vazgen Sargissian ;
- Le parti démocrate libéral arménien (ADL) peut également se joindre à l’Alliance Menk ;
- L’Alliance Loosavor Hayastan (Arménie Illuminée), dirigée par Edmond Maroukian ; Maroukian et Sargissian envisageaient de participer à une alliance commune, mais ils se sont récemment dissociés, chacun suivant son propre chemin. La scission pourrait nuire aux deux groupes ;
• Le Parti du patrimoine, dirigé par Armen Martirossian ;
Les groupes discrédités pouvant recevoir un nombre minimal de votes:
• Le parti républicain, dirigé par Viguen Sargissian. C’était le parti au pouvoir dirigé par le Premier ministre déchu, Serge Sargissian ;
• La FRA (Dachnaktsoutioun) dirigée par Hrant Markarian ;
• Sasna Dzerer, dirigé par Jirayr Sefilian. Ce groupe représente une faction extrémiste qui a envahi un commissariat de police l’an dernier et entraîné la mort de plusieurs policiers. En conséquence, Sefilian et plusieurs autres ont été jugés et emprisonnés. Les dirigeants du parti ont récemment été libérés de prison et sont toujours pleins de rage et de rancœur ;
• Dzirany Yerkir (Pays des abricots), dirigé par un membre du Parlement, Zarouhie Postanjian, n’a pas encore révélé ses intentions ;
Si le taux de participation des électeurs est à nouveau faible, le manque de pots-de-vin pourrait lui être imputé. La Révolution de velours n’atteindra son objectif que lorsqu’elle aura rempli sa prochaine mission, plaçant le pays sur la véritable voie de la démocratie. Une fois son mandat obtenu, Pachinian pourra se plonger dans la reprise économique du pays qui fait face à de nombreux défis nationaux et mondiaux. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.