D’une vision paroissiale vers une vision globale

Éditorial écrit en anglais par Edmond Y. Azadian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 24 décembre 2016

Une année tumultueuse approche de sa fin. Les États-Unis ont survécu à l’une des campagnes présidentielles la plus laide et la plus contestée, campagne qui a catapulté Donald Trump à la Maison-Blanche, l’étonnant lui-même. Malheureusement, ce n’est pas une émission de « télé-réalité », mais la réalité même. Une fois réalisée que cette réalité a des conséquences réelles, Donald Trump pourrait commencer à regretter sa campagne.
Les ennemis et les amis de Trump sont tous déconcertés ; Beaucoup de ses anciens ennemis se sont alignés comme des amis à la recherche d’une part de son pouvoir nouvellement acquis.
Le camp de Hillary Clinton est évidemment déçu parce qu’il avait la victoire à portée de main. Le président Barack Obama quitte son bureau laissant un héritage terni. Il a changé le cap de l’économie américaine, l’inflation est contrôlée, le taux de chômage est à un niveau historiquement bas, il a réduit la dette nationale et a rendu les soins de santé accessibles à toute la population.
Le président Obama a, d’autre part, presque abandonné la diplomatie du canon à l’américaine, menant l’Iran a abandonné pacifiquement son escalade nucléaire vicieuse, et mis fin à la manie du changement de régime, y compris en reprenant les relations diplomatiques avec Cuba. L’administration précédente avait déclenché le « printemps arabe » en créant des bains de sang en Irak et en Libye, la Syrie et l’Iran étant les suivants sur cette liste cible.
Bien sûr, les belligérants étaient tout aussi frustrés de ne pouvoir utiliser immédiatement tout le matériel militaire moderne fabriqué par les complexes militaro-industriels. Le président Obama peut se consoler puisque Churchill et De Gaulle ont également perdu les élections après leurs victoires historiques.
Les Arméniens d’Amérique ne savent pas où ils se trouvent sur la liste des priorités du président élu, si tant est qu’ils y figurent.
Mais l’homme le plus puissant sur terre, le commandant en chef des forces armées américaines, avait des limites. Durant huit ans, le président Obama n’a pu être autorisé à dire ce qu’il voulait quant au génocide arménien ; Cela démontre les limites du pouvoir diplomatique, que même le président ne peut outrepasser.
Le fait que des despotes comme le président azerbaïdjanais Ilham Aliev et le président turc Recep Tayyip Erdogan aient eu un accès direct à Donald Trump pour le féliciter à la suite de son élection, et que le président arménien ait eu une occasion plus étriquée de féliciter le vice-président Michael Pence en dit long sur les relations de ces dirigeants avec la structure actuelle du pouvoir mondial.
Au cours de cette dernière année, l’Arménie a survécu aux attaques de l’Azerbaïdjan voisin, à un coût très élevé. La guerre d’avril a démontré combien l’Arménie est fragile et vulnérable dans un environnement hostile. Le conflit a forcé certains changements esthétiques, sauf peut-être la nomination du nouveau Premier ministre, Karen Karapetian. Ce dernier inspire l’espoir aux yeux d’une population arménienne découragée. Ses plans et son enthousiasme semblent prometteurs, pourtant son adhésion au Parti républicain discrédité ne semble pas être une sage décision.
L’Arménie a également perdu la guerre des médias. Alors que les oligarques et les fonctionnaires du gouvernement abusent de la richesse de la nation, l’Arménie n’a même plus de correspondants décents en langues étrangères pour plaider son cas.

Les responsables gouvernementaux et les membres du Parti républicain sont tous préparés et prêts pour les élections parlementaires de l’an prochain, alors qu’ils tenteront de conserver le pouvoir. Mais cette même élite ne démontre aucun zèle à nourrir et aider les quelques 3 000 familles qui vivent encore dans la puanteur des domiks de Gumri, envoyant ainsi un signal aux émigrants potentiels.
Mais tout n’est pas perdu. Nous pouvons faire face à la nouvelle année avec une lueur d’espoir car l’esprit créateur arménien est au travail. Au milieu de toute cette obscurité et ce malheur de l’Arménie et de la diaspora, un groupe progressiste est apparu.
En effet, un groupe de personnes bien nanties (attention ! personne ne les écouterait s’ils ne l’étaient pas) a décidé de transporter la pensée arménienne de ses paramètres paroissiaux vers une approche plus globale.
De nombreux Arméniens, une fois atteinte la richesse ou le succès, se libèrent de leurs racines ethniques et se créent un mode de vie global. Mais ce groupe d’Arméniens porte sa richesse, son expérience et sa sagesse au service de ses racines ethniques et tente d’y attirer la nation entière.
Le 28 octobre dernier, ces Arméniens ont diffusé, dans le New York Times, une annonce pleine page afin de lancer leurs idées. Leurs noms apparaissaient au bas de l’annonce, Rouben Vardanian, Noubar Afeyan, Vartan Grégorian, Charles Aznavour, Lord Ara Darzi, l’ambassadeur Edouard Djerejian, Dickran Tevrizian, Samvel Karapetian et d’autres. D’autres célébrités graviteront certainement autour de ce groupe et leurs idées. L’idée existe depuis 2001, et est née à l’origine du projet Arménie 2020 conçu par Noubar Afeyan et Rouben Vardanian, un important projet visant à englober l’entière communauté arménienne.

De nombreuses femmes se sont plaintes de leur sous-représentation, suscitant ainsi une réponse positive de la part du groupe signataire qui a déclaré que tous, femmes et moins riches étaient inclus.
La fondation charitable IDeA (Initiatives pour le développement de l’Arménie) a été créée pour soutenir des programmes et des projets de grandes dimensions, conçus pour déplacer l’Arménie du mode de survie vers la prospérité. À ce jour, le groupe a dressé une liste impressionnante de projets, y compris la reconstruction de la cathédrale Saint-Georges à Tbilissi, les Ailes de Tatev, l’initiative humanitaire Aurora et le Collège Uni de Dilijan.
Tous ces projets ont été réalisés sans avoir recours aux ressources gouvernementales ou aux fonds des organismes existants. Tous sont uniques, enracinés dans l’histoire et l’avenir afin d’insérer l’Arménie dans le monde du tourisme, celui de l’éducation et les dons de bienfaisance.

Nous avons des opposants partout. Ce groupe, ainsi que ceux avant eux de Kirk Kerkorian et d’Eduardo Eurnekian, ont été en mesure de supérer tous les aspects négatifs et de favoriser l’Arménie. Avec de la volonté, il y a toujours une manière de faire le bien.
Les Arméniens de la diaspora ont complètement perdu – à juste titre – leur confiance envers le gouvernement d’Arménie. Ils ont tendance à faire obstruction à ceux qui agissent. C’est généralement la règle plutôt que l’exception. Trop de tromperies ont été pratiquées jusque-là.
La Fondation IDeA peut servir de pont entre l’Arménie et la diaspora et ainsi rétablir sa confiance envers la patrie.
Il est important de noter que ce groupe d’Arméniens ne dépend pas des ressources traditionnelles pour réaliser des projets qui changent la vie. Le succès de groupes tels que la Fondation IDeA démontre une vérité fondamentale : les structures traditionnelles de la diaspora sont obsolètes et ont perdu de leur utilité, ne pouvant plus guider la nation vers la prospérité. La seule solution est de suivre une nouvelle voie sans pour autant nuire au rôle des organismes traditionnels.

Le plus important enfin, les idées et les projets promus par ce groupe ont pour but d’élargir notre vision afin de nous sentir à l’aise dans une société globale et jouer selon ses règles.
Nous aimerions embrasser la nouvelle année avec cette vision globale.

 

Traduction N.P.

Edmond Y. Azadian