Le conseiller à la sécurité nationale du président des États-Unis Donald Trump, John Bolton, s’est rendu cette semaine à Moscou et dans le Caucase. Lors de sa rencontre avec les autorités russes, tout particulièrement le président Vladimir Poutine, il est apparu inhabituellement timide et modéré, à tel point que Rachel Maddow de MSNBC l’a ridiculisé dans un épisode.
Mais une fois arrivé dans le Caucase, il avait repris son vieux moi impétueux, belliqueux et brutal.
Son objectif n’était pas un secret bien que présenté dans un emballage acceptable: il se trouvait dans la région à la recherche de la paix et de la stabilité. Cependant, ses paroles et ses actions ne laissaient aucun doute sur le fait qu’il était là pour faire des bêtises politiques.
Sa mission était double: isoler davantage la Russie et « écraser l’Iran », comme il l’a lui-même dit.
Tout ce dont cette région turbulente a besoin est plus d’ingérence américaine et ainsi augmenter un peu plus la température !
Au cours de sa tournée, M. Bolton s’est rendu en Géorgie, en Arménie et en Azerbaïdjan. Dans chaque pays, il a tenté de définir plus précisément les failles.
À Tbilissi, il a répété que l’admission de la Géorgie à la structure de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) était toujours à l’étude, l’un des éléments d’une politique majeure visant à contenir la Russie. Cette politique est d’ailleurs en violation de l’accord entre le président Ronald Reagan et le secrétaire général de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, selon lequel l’OTAN n’aggraverait plus aucune menace à la frontière russe.
En fait, on pensait qu’avec la fin de la guerre froide, la structure de l’OTAN, comme le pacte de Varsovie, deviendrait obsolète. Mais une fois l’Union soviétique démantelée et Moscou rendue impuissante, l’entente entre les deux anciennes superpuissances s’est effondrée et une fois de plus, l’OTAN s’est transformée en une arme pour mener la nouvelle guerre froide renaissante.
En plus d’encercler les frontières de la Russie, la structure est également maintenue pour piéger les pays européens sous le contrôle de Washington. Bien que la Russie soit devenue un pays de second ordre, la menace russe est utilisée pour justifier le renforcement et l’expansion de l’OTAN.
M. Bolton est très calculateur dans ses déclarations. Il a classé la Géorgie et l’Azerbaïdjan parmi les alliés stratégiques, tandis que l’Arménie est considérée comme un pays d’intérêt prioritaire. La Géorgie est récompensée pour son soutien à la politique de confinement de la Russie par les États-Unis et l’Azerbaïdjan pour ses efforts de guerre en Afghanistan et son partenariat avec Israël. L’Arménie n’a pas été louée pour une action avantageuse, mais s’est vu offrir l’option d’aider la politique américaine face à l’Iran.
M. Bolton a abordé la question du règlement du conflit du Karabagh de manière pacifique. Les États-Unis, en tant que coprésident du groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), plaideraient pour un règlement acceptable pour les deux parties.
À la lumière des propos incendiaires de l’ambassadeur des États-Unis en Arménie, Richard Mills, sur des concessions territoriales unilatérales, les États-Unis s’emploient de manière suspecte à promouvoir un accord. Bien que M. Bolton n’ait pas précisé les détails, ici à Erévan, il y a des spéculations sur le fait que le règlement du Karabagh pourrait être vendu au prix de concessions territoriales.
Les gens ordinaires et les experts politiques estiment qu’au moins une recommandation de cette nature a été discutée lors de réunions privées entre l’envoyé américain et Nikol Pachinian. M. Bolton avait à peine quitté Erévan que l’ancien ministre de la Défense d’Arménie, Viguen Sargissian, a qualifié la politique étrangère de Pachinian de débâcle.
- Bolton a lancé une bombe lorsqu’il a évoqué une décision imminente de l’administration Trump visant à inverser l’article 907 de la Loi sur le soutien à la liberté (Freedom Support Act) de longue date, que le Congrès des États-Unis avait adopté pour interdire la vente d’armes à l’Azerbaïdjan pour son attitude agressive envers l’Arménie. Mais, comme d’habitude, le Congrès a permis une échappatoire. Le président a obtenu le pouvoir de déroger à l’interdiction et chaque présidence a utilisé ce pouvoir pour faire de l’action du Congrès une simple fiction juridique.
L’envoyé américain a aggravé encore plus la situation en proposant de vendre des armes à l’Arménie. Cette offre comportait deux volets: équilibrer et justifier les ventes d’armes américaines à l’Azerbaïdjan et saper l’une des principales sources d’influence de la Russie sur l’Arménie.
Il savait pertinemment que l’Arménie n’était pas en mesure d’acheter ces armes aux États-Unis pour un certain nombre de raisons, dont la moindre est le coût exorbitant de ces armes; L’Arménie achète des armes russes à un prix raisonnable en raison de son adhésion à l’Organisation du Traité de sécurité collective. En outre, la base russe en Arménie fournit un centre de service pour les armes russes. Pour couronner le tout, changer sa politique d’achat d’armes de la Russie aux États-Unis signifierait pour l’Arménie un changement de politique lourd de conséquences.
M. Bolton a également abordé la question de l’Iran, qui est devenue la pierre angulaire de la politique régionale de Washington. Il a répété le mantra habituel selon lequel l’Iran est devenu « la banque centrale du terrorisme », c’est à dire que ce pays s’immisce dans les affaires syriennes et toute cette rhétorique devenue si courante. L’Iran est accusé de terrorisme, tandis que les armes américaines expédiées en Arabie Saoudite se retrouvent à leur tour entre les mains de terroristes qui ont mis à feu et à sang la Syrie, l’Iraq, la Libye et le Yémen.
M. Bolton a loué Pachinian et sa révolution de velours, ajoutant que le Premier ministre jouera un rôle plus important dans la mise en œuvre de sa politique. Il y avait un message subtil dans cet éloge, signifiant que l’Arménie devait participer à la mise en œuvre des sanctions américaines contre l’Iran, dans la mesure où la frontière entre l’Arménie et l’Iran serait soumise à de fortes pressions de la part des États-Unis. Il a également suggéré que l’Arménie passe un accord avec le monde extérieur par l’intermédiaire de la Géorgie, sachant pertinemment que la Géorgie avait maintes fois démontré qu’elle était un partenaire commercial peu fiable, entravant les relations de l’Arménie avec le monde extérieur.
Les deux seuls partenaires de l’Arménie dans la région se trouvent à la croisée des chemins de Washington. La guerre froide contre la Russie s’intensifie et la guerre chaude contre l’Iran est sur le radar.
Le président Trump a soulevé la question avec la Corée du Nord, menaçant même de la rayer de la carte et a réussi à amener le dirigeant de ce pays à la table des négociations. S’il utilise la même tactique contre l’Iran, espérons qu’il réussira. Sinon, les États-Unis et la région feront face à une catastrophe. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.