Journée de l’indépendance de l’Arménie

Éditorial écrit en anglais par Edmond Y. Azadian et publié dans The Armenian Mirror-Spectator en date du 19 septembre 2019

Pour de nombreux pays, le jour de l’indépendance est une simple date du calendrier, au cours de laquelle on commémore l’anniversaire des libertés et opportunités créées par cette indépendance et considérées comme acquises.
Pour les Arméniens, l’indépendance a une signification toute particulière, car nous l’avons perdue et redécouverte maintes fois à travers les bouleversements de l’histoire. Cette indépendance est précieuse et nous la célébrons chaque année, sans oublier que notre première indépendance de l’ère moderne, au début du XXe siècle, n’a duré que moins de trois ans. Lorsque l’Arménie est redevenue indépendante en 1991, les deux premières années et demie représentait un seuil, une barrière psychologique, que nous avons franchi avec la crainte de perdre cette indépendance.
Les deux possibilités d’indépendance offertes à l’Arménie ont vu le jour grâce à des développements internationaux; en 1918, l’Arménie indépendante s’est réveillée sur les ruines de l’effondrement de l’empire russe et la seconde, en 1991, à la suite de l’effondrement de l’Union soviétique.
Après la Première Guerre mondiale, un vide politique s’est créé dans le Caucase, un vide que le mouvement kémaliste émergeant en Turquie et la révolution bolchévique de Lénine en Russie cherchaient à combler. L’Arménie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan ont formé une confédération appelée Seym, destinée à maintenir ensemble ces trois nations en conflit. Mais les nations constituantes avaient tellement de contradictions et d’adversités territoriales et historiques que l’union n’a pas duré longtemps et a été dissoute lorsque chaque nation a déclaré son indépendance.
L’Arménie a été la dernière à la déclarer presque par défaut, comme l’a déploré le Premier ministre Simon Vratzian dans son livre, « les gens pleuraient comme une mère qui avait donné naissance à un enfant défectueux ».
Mais même cette république assiégée a émergé pour devenir un pays, payant un prix très élevé comme nation récemment issue des cendres du génocide, et a dû faire face aux forces d’invasion de Kâzim Karabekir pour créer une nouvelle Arménie. Si ce n’était de la victoire de Sardarabad, le territoire actuel de l’Arménie se retrouverait enclavée dans la République de Turquie.
Le 21 septembre 1991, le peuple arménien a voté par référendum et a proclamé son indépendance de l’Union soviétique. Bien que l’indépendance soit le résultat direct de la dissolution de l’empire soviétique, une fois de plus, cette occasion salutaire est née des ruines d’un tremblement de terre dévastateur, d’une guerre avec l’Azerbaïdjan et de la confusion créée par la disparition de l’empire.
Il est ironique de constater qu’au cours des quatre premières années d’indépendance, les populations privées des nécessités de base, survivaient par temps froid et se battaient pour gagner la guerre du Karabagh. Mais, à mesure que les conditions se sont améliorées, le taux d’émigration s’est accéléré.
L’Arménie est devenue un pays très actif, attrayant pour les touristes, mais ses citoyens ne se sentent pas à l’aise, car l’ombre de la guerre se profile toujours à l’horizon.
Avec tous les pièges de l’indépendance, l’Arménie n’a toujours pas procédé à un transfert pacifique du pouvoir d’une administration à une autre.
Seule l’élection de Lévon Ter-Petrosian en tant que premier président de la république peut être légitimement considérée comme libre et légale. Les élections suivantes de Robert Kotcharian et Serge Sargissian ont été marquées par des fraudes et des irrégularités. Et l’administration du Premier ministre Nikol Pachinian a sauté par-dessus les urnes et est arrivé au pouvoir grâce à une révolution populaire, même si elle était « de velours ».
Aujourd’hui, les politiciens et les organes de presse luttent pour préserver la souveraineté de l’Arménie, bien qu’il semble que ce terme soit un euphémisme ou un mot de code pour des politiques antirusses.

La définition du mot souveraineté dans le dictionnaire est très claire: « La souveraineté est le plein droit et le pouvoir d’un organe directeur sur elle-même, sans aucune ingérence de sources ni d’organes extérieurs. En théorie politique, la souveraineté est un terme de fond désignant l’autorité suprême sur un État politique. »
Dans la vraie vie, combien de pays revendiquent-ils une souveraineté complète, de la même manière qu’une superpuissance peut apporter un « changement de régime » dans la plupart des pays du monde. Par conséquent, la souveraineté est relative et à la mesure du pouvoir.
Récemment, lors d’une réunion avec des représentants de la société civile, M. Pachinian a fait une déclaration sur l’état de la démocratie en Arménie. « C’est peut-être le dilemme le plus important qui existe dans les pays démocratiques comme l’Arménie qui doit encore finaliser et clarifier les concepts de base… Cela signifie que la démocratie, en particulier en République d’Arménie, a peut-être encore un long chemin à parcourir. »
Si l’Arménie s’efforce d’imiter les démocraties occidentales d’Europe, elle devrait développer une culture politique similaire ou identique. Les démocraties occidentales sont construites autour d’une structure politique défendue par des partis politiques, chacun soutenant et adhérant à une structure politique et économique. Au cours des dernières décennies de son indépendance, des partis politiques ont émergé et se sont désintégrés parce qu’ils étaient centrés sur un homme fort ou sur son portefeuille. Beaucoup se sont effondrés et tentent maintenant de se reconstruire, en espérant que cela se fasse autour d’idées plutôt que des individus.
Le système politique arménien n’a pas été en mesure d’absorber et d’intégrer les partis politiques de la diaspora. Et si ces partis étaient jugés imparfaits, des groupes autochtones ne sont pas apparus non plus.
Après avoir célébré l’indépendance de l’Arménie, le Premier ministre Pachinian se rendra à Los Angeles pour s’adresser à des foules enthousiastes, qui demeureront des foules dépourvues de toute influence politique, car il y a un long chemin à faire autour de la consolidation d’idéologies et de structures politiques à prendre en compte.
Le gouvernement de Pachinian a pris la sage décision de déplacer l’attention vers d’autres villes. Erévan est devenue une ville européenne attrayante pour les Arméniens de la diaspora et les étrangers, tout en contrastant avec le caractère rural du reste du pays.
« Le 21 septembre, les principales célébrations du jour de l’indépendance se dérouleront à Goumri. Nous entamons ainsi une nouvelle tradition. Chaque année, nous allons déplacer la célébration du 21 septembre d’une province à l’autre », a déclaré Pachinian, qui a conclu : « Après des défaites, nous [les Arméniens] avons pu donner une nouvelle force à notre volonté de victoire. »
La fête de l’indépendance est une occasion de célébrer. Espérons que l’Arménie et les Arméniens pourront la commémorer sans appréhension et à l’abri des dangers de la guerre et de la destruction. Edmond Y. Azadian 

Traduction N.P.