La guerre, le tremblement de terre et l’effondrement de l’Union soviétique ont lourdement pesé sur l’Arménie. Le pays, doté de toutes ses ressources intellectuelles, n’a pas été en mesure de se rétablir complètement au cours du dernier quart de siècle, car ses voisins ont bloqué ses frontières et la peur des hostilités mijotait toujours.
L’Azerbaïdjan et la Turquie utilisent de telles stratégies pour détruire l’Arménie soit par la violence, soit par attrition.
Et notre seul voisin chrétien, la Géorgie, a coopéré avec les ennemis de l’Arménie, les aidant à étouffer le pays. Tbilissi a coopéré et continue de coopérer avec la Turquie et l’Azerbaïdjan pour la construction de réseaux énergétiques et routiers dans la région, tout en contournant l’Arménie.
Comme si la mise en œuvre de cette politique hostile n’était pas suffisante, la nouvelle présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, s’est permis de se comporter de façon désobligeante et malpolie lors de sa première visite officielle en Arménie. Elle a critiqué la législature de l’Artzakh pour avoir coopéré avec l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, deux régions séparatistes de la Géorgie, et elle a qualifié les activités d’autodéfense de la communauté arménienne d’Abkhazie de 2008 de « massacre de Géorgiens » dans cette enclave.
Malgré cette arrogance, le Premier ministre Nikol Pachinian a fait preuve de beaucoup de courtoisie avec le Premier ministre de ce pays, Mamouka Bakhtadze, lorsqu’il l’a rencontré officieusement à la frontière montagneuse des deux pays.
Le gouvernement arménien actuel recherche au-delà de la région, des relations internationales qui rompront l’étouffement de ses voisins. Contrairement aux appréhensions selon lesquelles le jeune gouvernement mis en place après la Révolution de velours risque de faiblir du fait de son inexpérience, les dirigeants prouvent par tous leurs efforts qu’ils maîtrisent bien la situation.
Tout d’abord, un équilibre précaire entre la Russie et les États-Unis connait un succès raisonnable; Le comportement jaloux de Moscou à l’égard des relations de l’Arménie avec les politiques de l’Organisation du commerce de l’Atlantique Nord (OTAN) a été traité avec tact, sinon à la plus grande satisfaction du Kremlin. De plus, les avertissements audacieux de John Bolton n’ont pas effrayé les dirigeants arméniens, qui entretiennent des relations constructives avec l’Iran et la Syrie. La visite en Iran de Pachinian, en février, a été une grande marque des relations extérieures de l’Arménie; cela se poursuit grâce aux efforts de secours qui contribuent aux zones touchées par les inondations en Iran. L’Iran est devenu un partisan de l’inclusion de l’Arménie dans le corridor régional nord-sud pour les développements dans le Caucase. Malgré la politique neutre et bienveillante de l’Iran à l’égard des relations arméno-azéries, Téhéran a plus à gagner avec l’intégrité territoriale de l’Artzakh qu’on ne le suppose. De plus, ses différences territoriales et politiques fondamentales avec Bakou sont plus profondes qu’il n’y paraît.
L’Arménie a également défié les avertissements des États-Unis et a envoyé une mission humanitaire en Syrie, le Premier ministre Pachinian déclarant que l’Arménie était en train de rembourser une dette morale et historique que le peuple syrien avait contractée envers les survivants du génocide arménien.
L’Azerbaïdjan et la Turquie étendent leurs politiques à travers le monde pour générer un poids politique et un développement économique. Bakou a été pris en flagrant délit de corruption du Premier ministre hongrois, Viktor Orban, ainsi que de membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). La Turquie, outre ses bases militaires au Qatar et à Djibouti, développe activement ses projets économiques en Russie, en Ukraine, dans les Balkans et dans le sous-continent africain, jusqu’en Amérique du Sud, où elle défend le régime de Nicolas Maduro au Venezuela, en solidarité avec Russie.
La Turquie ne récolte pas seulement des dividendes économiques, elle lutte également contre la reconnaissance du génocide dans tous les pays où une législature fait un pas vers l’avant. Le défi est donc grand pour l’Arménie, qui prend des mesures non seulement pour contrer la portée d’Ankara et de Bakou, mais également pour développer sa propre économie et contribuer à étendre ses politiques.
Le président Armen Sarkissian s’est récemment rendu en Jordanie, où il a visité non seulement des sites historiques, mais a aussi fait la promotion de l’amitié avec ce pays. Auparavant, le ministre arménien de la Défense, David Tonoyan, était à New York pour une réunion des Nations Unies, où il a publié sa déclaration de politique générale concernant les « nouveaux territoires guerriers ». Le 28 mars, le sommet entre Pachinian et Aliev était censé devenir une initiative de paix, mais depuis cette réunion, la rhétorique belliqueuse s’est intensifiée. Cette fois-ci, cependant, c’est la partie arménienne qui est la plus agressive dans ses revendications, l’Azerbaïdjan adoptant un ton défensif plus modéré.
La légitimité est un actif incorporel. La Géorgie et l’Arménie ont connu des révolutions populaires et les gouvernements qui en découlent se voient confier un mandat écrasant pour traiter avec le monde extérieur. L’Azerbaïdjan est le seul pays à avoir le vent en poupe avec son régime autoritaire dans le Caucase.
Le ministre des Affaires étrangères, Zohrab Mnatsakanian, s’est rendu en Éthiopie pour faire revivre les relations historiques que les Arméniens ont développées au cours des siècles. Le 8 avril, le président de l’Assemblée nationale arménienne, Ararat Mirzoyan, était au Qatar afin de s’exprimer devant la 140e Assemblée générale de l’Union interparlementaire, où il a vanté l’énorme potentiel intellectuel de l’Arménie. Il a également fait une référence indirecte aux relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : « La paix ne signifie pas l’absence totale de violence sous toutes ses formes et le déroulement du conflit de manière constructive… L’histoire montre que les discours de haine peuvent dégénérer en crimes haineux et génocide. »
Incidemment, l’Arménie travaille avec le Rwanda pour sensibiliser le monde contre la prolifération des génocides.
L’Arménie et la Chine ont renforcé leur coopération dans les domaines scientifique et éducatif. Le Ministre arménien de l’Éducation et des Sciences, Arayik Haroutiounian, a rencontré récemment l’ambassadeur de Chine en Arménie, Tian Erlong, et il a noté qu’une coopération mutuellement bénéfique et efficace s’était développée entre Erévan et Beijing, ce qui pourrait se développer.
Le 4 avril, le Premier ministre Pachinian a reçu une délégation parlementaire présidée par la vice-présidente du Comité permanent du Congrès national du peuple chinois. Les deux parties ont souligné l’évolution des relations interparlementaires entre les deux pays. La partie chinoise a également évalué le rôle de l’Arménie en tant que pont entre l’Union économique eurasienne et la Chine.
La Chine a, dans le passé, généreusement offert à l’Arménie des milliers d’autobus et d’ambulances, ainsi qu’une assistance militaire. Chaque visite officielle d’un dignitaire du gouvernement arménien en Chine a été reçue avec le plus haut niveau de protocole.
De nombreux observateurs se demandent pourquoi une puissance mondiale telle que la Chine accorde autant d’attention à la minuscule Arménie. Sans politique particulière du côté arménien, cette dernière est la bénéficiaire indirecte de l’antagonisme entre Ankara et Pékin pour deux raisons principales : la Turquie a agité et armé les militants ouïghours de la province chinoise du Xinjiang et a accusé les autorités chinoises de génocide, car Pékin tente d’imposer la paix dans la province. L’autre raison est que la Turquie aspire à unir toutes les nations turcophones d’Asie centrale sur les plans ethnique, religieux et linguistique, contestant ainsi l’influence de la Chine dans la même région. Les actions actives avec la Chine pourraient générer d’autres dividendes pour l’Arménie à l’avenir.
L’Arménie est confrontée à d’énormes défis mondiaux et y répond par le biais d’une politique cohérente. Aucun pays ne peut survivre à l’ère de la mondialisation et la politique étrangère de l’Arménie en est profondément consciente. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.