Chaque révolution a des conséquences, parfois positives, parfois destructrices.
La révolution qui a eu lieu en Arménie était très inhabituelle, commençant par son nom (velours) et se terminant par ses objectifs et ses réalisations.
Les citoyens arméniens ont adhéré au mouvement pour se débarrasser d’un régime corrompu, égoïste et centré sur lui-même, et pour découvrir des améliorations dans leur vie quotidienne grâce aux réformes promises par la révolution.
Nous devons également garder à l’esprit que la révolution n’avait ni tendance idéologique ni vernis, pour la simple raison que les gens en avaient déjà assez de ces idéologies qui ne s’étaient pas traduites en pain et beurre sur la table familiale.
Cela fait plus d’un an et demi que la révolution consolide ses bases en Arménie et les gens commencent à être impatients face à son impact sur leur vie quotidienne.
Nombreux sont ceux qui ont supposé que la révolution apporterait des changements rapides et profonds et sont déçus du rythme parce que le Premier ministre Nikol Pachinian accorde une attention délibérée aux modalités et aux ramifications juridiques des actions de son gouvernement. C’est gagner des félicitations à l’étranger, mais pas nécessairement à la maison.
Par exemple, il est difficile pour la majorité de la population de comprendre pourquoi, s’il y a eu une révolution, le gouvernement ne peut se débarrasser du président de la Cour constitutionnelle, Hrayr Tovmasyan.
Des questions similaires sont soulevées ailleurs. Les gens semblent apprécier les procès devant les tribunaux lorsqu’ils deviennent des cirques, où leurs anciens bourreaux sont tourmentés. Le procès de Robert Kotcharian en est un exemple.
Récemment, une énorme controverse a éclaté lorsque le ministre de l’Éducation, Arayik Haroutiounian, a présenté un projet laissant aux universités la liberté d’assouplir les exigences en matière de langue, de littérature et d’histoire arméniennes pour les étudiants en sciences. La proposition de Haroutiounian a été politisée par la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA Dachnaktsoutioun) et le mouvement jeunesse de l’organisation a eu recours à la grève pour demander au ministre de démissionner. Bien que la confrontation était entre le ministre et la FRA, l’un des leadeurs du mouvement étudiant est Gevorg Gyouloumyan, qui contribue régulièrement à Azg, hebdomadaire frère du Mirror-Spectator.
Il a écrit: « Ceci est simplement un avertissement. Laissons le ministre considérer cela comme un avertissement. Je lui conseille de consulter des experts avant de prendre une telle décision. »
Cependant, la controverse fait rage entre le ministre et les jeunes de la FRA, dont les membres ont organisé une manifestation devant l’édifice du gouvernement à Erévan afin de réitérer leurs appels à sa démission. Le ministre semble inébranlable et a déclaré : « Je ne démissionnerais que lorsque j’estimerais que j’en ai fait assez. Ce n’est pas le cas. »
À son tour, le ministre a tenté de creuser un fossé entre les antennes de la FRA en Arménie et la diaspora en déclarant qu’il apprécierait que les dirigeants de la FRA dans la diaspora « prennent soin de leur parti, car le comportement indiscipliné du Dachnaktsoutioun d’Arménie ne faisait pas honneur à l’un de nos plus anciens partis politiques. »
Les protestations semblent avoir un mérite, surtout si l’on considère le niveau primitif de maîtrise de la langue des diplômés universitaires spécialisés en sciences.
Mais la question est présentée de manière déséquilibrée. Le point qui n’est pas correctement expliqué par le gouvernement est que les écoles publiques, qui échouent dans leur mission, sont le lieu où les étudiants doivent maîtriser les arts du langage, la littérature et l’histoire.
Le ministère maintient que « lorsque la proposition est approuvée, le conseil académique de chaque université peut décider si ces matières doivent devenir obligatoires dans tous les départements ».
Arayik Haroutiounian porte plus d’un chapeau alors que le gouvernement de Pachinian a regroupé plusieurs ministères sous un même toit. Il est donc ministre de l’Éducation, des Sciences, de la Culture et des Sports.
Une autre controverse qui se prépare est la suppression de l’histoire de l’Église arménienne du programme de toutes les écoles publiques.
Cette stipulation semble être mandatée par l’Union européenne, dont l’Arménie tente d’imiter ou d’adopter les normes.
L’une des recommandations est d’incorporer le sujet à l’unité destinée à l’histoire arménienne, car l’Église arménienne est tellement liée à l’histoire de la nation, mais les autorités religieuses refusent de s’en tenir à cet arrangement.
La conduite de M. Haroutiounian a fait dresser quelques cheveux. Une fois, en voyant un prêtre dans les locaux d’un lycée, il lui a demandé: « Que diable fais-tu dans cette école ? ». Le prêtre a répondu: « J’enseigne la religion. »
L’Arménie peut se tourner vers l’Europe comme modèle dans la civilisation, mais en matière de religion, cela mérite une dérogation. En effet, tout au long du Moyen Âge, l’Europe était engagée dans des guerres de religion jusqu’à ce que le remède fût découvert par la séparation de l’Église et de l’État.
D’autre part, l’Arménie a souffert sous le régime soviétique athée ; ses églises ont été détruites, les membres du clergé ont été assassinés et la religion a été interdite.
Face à l’invasion des sectes qui détruisent le tissu social, les citoyens arméniens méritent de mettre en place un mécanisme de défense. L’histoire de l’Église arménienne doit faire partie du programme d’histoire. L’endoctrinement n’est pas un remède, mais les élèves doivent acquérir les connaissances de base sur l’Église arménienne et ses principes. Une bonne part du programme doit être consacrée au mouvement évangélique arménien et aux catholiques arméniens, qui ont contribué de manière significative à l’éducation arménienne.
L’endoctrinement religieux n’est pas sain car il contient les germes d’une violence future et de guerres sectaires. L’endoctrinement et le fanatisme religieux ont été armés par certains pays, comme la Turquie, qui utilisent l’islam pour mobiliser les masses afin de détruire ou de piller d’autres civilisations.
La militarisation de la religion a propulsé le président turc Recep Tayyip Erdogan au sommet. Ses universitaires sont en prison, tandis que ses bases religieuses sont aux urnes pour perpétuer son régime autoritaire et ses armées d’occupation à Chypre, en Syrie, en Irak, en Somalie et ailleurs.
Artak Galstian, spécialiste de l’éducation, soutient que la religion est un sujet étriqué. Toute personne intéressée par une spécialisation religieuse peut aller au séminaire de Guevorguian à Etchmiadzine et n’a pas besoin de l’apprendre dans les écoles publiques. C’est un point de vue extrême ; chaque citoyen arménien doit posséder une connaissance de base de l’histoire de l’Église arménienne pour résister à l’attaque de sectes religieuses et pour parfaire son éducation.
M. Haroutiounian ne peut prétendre être au courant de tous les domaines que contrôle son ministère. Ce qui a soulevé des controverses.
Récemment, le ministère a alloué 2,7 millions de drams à la représentation publique d’une pièce abstraite intitulée « Tons et appels », qui s’est déroulée dans la station de métro du Square de la république. Cette présentation a suscité de nombreuses controverses, certains manifestants l’ayant qualifiée de propagande satanique ou pro-LGBT. Après le scandale du ministère impliquant le limogeage du chef d’orchestre Constantine Orbelian de l’opéra, on peut comprendre la colère de la communauté artistique lorsque le ministère prend des mois ou une année pour approuver un budget restreint pour une performance classique sur une scène d’Erévan.
M. Haroutiounian a un chemin difficile à parcourir. Initialement, Pachinian a rapidement attribué des portefeuilles ministériels à de jeunes militants qui l’ont accompagné de Goumri à Erévan. À son crédit, il convient de mentionner que le premier ministre est attentif à examiner leurs performances et à remplacer immédiatement les ministres incapables de mener à bien les réformes proposées par sa révolution de velours. Edmond Y. Azadian
Traduction N.P.